Ils appellent cela anniversaire, after, crémaillère ou simple posage intime. Cela se passe habituellement dans un appart' de la banlieue Casablancaise ou dans l'une des villas ‘‘piscinées'' des kilomètres impairs entre nos deux capitales. (Une double recharge est suffisante pour trouver le lieu). "T'y'es" invité par une amie proche ou une personne intéressée de faire ta connaissance (pour ne pas dire de méchancetés). Elle te fait le câlin de commodité mi-heureuse de te voir mi-demandeuse ta contribution. Tu réalises quelques secondes ensuite que tu viens de subir un gros plan opéré par les mirettes des invités présents que tu méconnais. Tu fais partie du décor que tu dois vite détendre en lâchant une vanne modérée ou en baisotant les joues inconnues, histoire de te souhaiter la bienvenue et prouver que t'es intéressant et sobre ! Les présentations sont généralement galvaudées mais tu dois absolument retenir les prénoms ce qui n'est pas évident. « … Ravi de même Vous êtes de Rabat ? Tu connais L. d'où ? Un event ou sur le net Que fais tu dans la vie ? Tu ressembles à l'autre Sympa Ami en commun… » On vire vers un mini sujet avant que la banalité du ton ne laisse place à un curieux intérêt aux noms de familles et aux occupations professionnelles et estudiantines (souvent pompées et sublimées). Tu débites une de tes premières conneries et cela passe parce que la nana d'en face est défoncée… Tandis que ton voisin perdu à ses heures trouvées annonce la (sa) couleur Bi. Cette déclaration, aussi normale qu'imprévisible, passe comme une lettre (respectueuse) à la poste. A ce moment là, les règles du jeu stipulent qu'il est apprécié de donner un coup de main à la chef d'orchestre. Primo, pour apaiser son stress d'‘‘inviteuse''. Secundo, pour palper l'atmosphère et tertio, pour donner un coup de main. La table est fleuronnée d'amuse-bouche et autres apéritifs séduisants (mais pas seulement)… les bougies juchent les coins du Hall et la chaleur se fait caresser par un ventilateur bas de gamme. Quelques coups de fils instruisent le retard des autres invités donc de la mangeotte. Le livreur et les autres arrivent et s'intègrent… Pendant que les effets des premiers panachages frôlent l'aphrodisie. Les invités sont des couples, des jeunes lauréates et quelques bonhommes présentables et cultivés. Ils sont Marketeurs, architectes, futurs médecins, artistes ou forts-mateurs… Marocains, Français et Belges modernes… Les commentaires restent subtils et les compliments, déguisés. Dans ce genre de soirée, tu as du mal à distinguer entre le premier et le second degré ; tu peints les blagues belges en jaune et tu dessines un rire cristallin face aux agressions habiles. Morphée et le spiritisme sont loin, la lumière est tamisée ! Quelques macérations plus tard, l'ambiance devient hachée… La fatigue te fait dire une niaiserie impardonnable et tu es la cible ! Oui la cible ! Il est vrai qu'on est là pour s'amuser. Mais des fois, c'est tellement enveloppé et pointillé que cela devient un test ! La soirée privée est un théâtre intime, tous les invités sont des comédiens, donc on fait semblant de s'amuser ! C'est jouissif mais éphémère. Dans les rôles principaux, on retrouve la cible, incarné par la personne la moins compatible au milieu cosy et qui, par maladresse, suscite le dédain des autres. Dans le rôle du guignol, qui d'habitude a une voix efféminée pour plaire, aime se vanter et estime que tout peut jouer en sa faveur, le guignol médit les autres et n'arrête pas de parler, pour charmer il n'hésite pas à préparer un cocktail réussi ce qui ne fait pas de lui un vrai connaisseur. Le troisième rôle principal n'est autre que celui de la chef d'orchestre qui se soucie aussi bien du bonheur des invités que celui de son porte-monnaie, elle ne participe pas à toutes les conversations car elle redoute le fait d'avoir mélangé ses amis. Les autres acteurs-comédiens restent normalement posés, ils attendent leur quart d'heure de gloire. Il faut parler à haute voix, ne jamais finir une réponse avec une question, éviter toute vulgarité, être flexible et courtois et surtout se servir soi-même. Il faut que tu t'impliques au maximum dans les discussions ! Dans ce genre de soirée, on parle de notre cursus scolaire comme s'il était un film inoubliable, on expose nos ambitions avec une soudaine clairvoyance. Dans la même incohérence ambiante, tu peux être amené à exprimer ton point de vue sur la guerre en Irak, les juifs marocains, les citations de Van Dame, la grippe aviaire, les parents de Hamida, l'érotisme, les noms de famille fassis, la politique française, les associations caritatives, le cinéma arménien, la maternité d'Angelina Jolie ou les accidents de travail... Oui oui et ce à 3 heures du matin. Les avis excessifs (xénophobie, par exemple) et les références profondément religieuses (contexte, oblige) t'isolent tacitement du ‘‘groupe''. L'appel à la prière accompagne les premiers à quitter… on sirote les dernières gouttes de nos boissons dont l'étymologie s'inspire d'îles lointaines ou de compétition de tennis. Quelques chiffres échangés entremêlés à une passe fugace… On a l'impression de guetter les corps alors que les prémices de l'aurore riment avec la lourdeur des paupières. Soudain, il n'y'a plus rien ! C'est le vide inerte… Le silence fait son show Le lendemain (même si on y était), tu remarques que le calendrier est plus facétieux que le guignol de la veille. Tu te lèves avec une gueule de… une gueule de raton laveur beau gosse. Et tu demandes au premier croisé : ‘‘C'était bien ?'' Parce que tu as mal quelque part et tu as oublié comment la nuit s'est contenue. Idiot, tu prends une douche, une claque puis un petit déjeuner devant le vrai humour Français. Eh... Tu te dis qu'après tout, il vaut mieux rester soi-même ! Qu'est-ce qu'on est cons Par : Oussama Benjelloun