El Hajeb, Azrou, Aïn Louh, Khénifra, Mrirt... Tout le Moyen Atlas subit le fléau de la prostitution. Celle-ci assure la survie économique de la région. Vu le manque de réhabilitation du monde rural, les autorités locales semblent incapables de stopper le phénomène ! Il faut le voir pour le croire. On en a tous, un jour ou l'autre, entendu parler. Une visite dans le Moyen Atlas et l'on évoque aussitôt les « parties de plaisir » la réalité dépasse de très loin l'imagination. L'étendue de la prostitution dans la région du Moyen Atlas est phénoménale et même érigée en secteur organisé auquel ne manque que la reconnaissance officielle. Une forte concentration de filles. Des filles de joie comme on les appelle (appellation peu appropriée en l'occurrence). Des filles, de régions et d'âges différents, sont là pour que des hommes de passage puissent se payer du bon temps... Le fléau touche pratiquement toute la chaîne à partir de la ville d'El Hajeb, une petite localité sur la route d'Ifrane. Des jeunes et moins jeunes sont attablés aux terrasses des cafés alors qu'un soleil de plomb brille sur la ville. Une ville morte où le temps semble s'être arrêté. Rien ne s'y passe. C'est la première impression qu'elle donne, mais elle est profondément fausse. La ville est bien vivante. Elle est même bonne vivante. Elle est en effet réputée pour être la capitale de la chaîne du Moyen Atlas en matière de prostitution et elle n'a nullement usurpé cette renommée. Pour se rendre au b... (Maison close, poliment), il suffit de demander à n'importe quel passant. C'est naturel et il vous en indiquera la direction, un petit sourire complice au coin des lèvres. Le quartier en question est appelé le « Secteur » ou « le Village ». Une nausée vous envahira dès l'entrée. Situé dans l'ancienne médina, le quartier ressemble à un labyrinthe. Le paysage est catastrophique. Des ruelles entières sont envahies par des filles jeunes et quelques-unes qui ont déjà perdu un peu de leur fraîcheur, toutes bien maquillées, légèrement habillées, les parties sexy du corps bien exposées ! « Viens que je te goûte, tu ne seras pas déçu, je te ferai vivre des moments inoubliables comme tu n'en as jamais vécus ». Les invitations se répètent tout au long de la visite dans le quartier... le tout accompagné de gestes sensuels, de baisers en l'air et de caresses suggestives sur des parties du corps. A l'intérieur des maisons, le décor est tout autre. La joie artificielle que l'on semble déceler à l'extérieur s'éclipse pour céder la place à la misère. La pauvreté est visible partout. Les locaux sont insalubres. Pas de portes entre les chambres dont le mobilier est le plus souvent réduit à deux couvertures jetées par terre, des peaux de mouton, parfois une table. Généralement, les maisons se composent de deux chambres et d'une cuisine et toutes les pièces servent de « salle d'opération » Un septuagénaire vient tout juste d'officier. Complètement indifférent, il continue à se rhabiller sans accorder la moindre importance aux autres personnes dans la salle. Trois filles se partagent ce trois-pièces sordide. De leur accent, on déduit qu'elles ne sont pas du patelin. La plus jeune est une mère. Selon elle, d'une fillette de deux ans. Elle se prostitue pour la première fois. L'autre y a déjà passé quelques années. « Nous ne pouvons pas perdre notre temps à te parler alors que d'autres sont en train de se faire des clients, cela pourrait nous attirer des ennuis » affirment-elles. Dans ce bordel, la passe démarre à 20 DH. Pour la plupart, elles se donnent pour subvenir à leur besoin, détrompez vous, elles n'éprouvent pas de plaisir à faire cela comme on a eut l'habitude de croire, elles sont quelque part des victimes mais d'un autre genre. Et les réseaux dans tout cela ? Le réseau est parfaitement organisé. Les prostituées sont entretenues par des tenancières. En moyenne, elles sont quatre filles par maison même, si leur nombre atteint parfois dix. Les tenancières tiennent souvent plusieurs maisons en même temps. Elles assurent aussi une autre mission, encore plus délicate : « les relations publiques » avec les autorités. La proxénète la plus connue est sans doute « Mika », rendue célèbre en 1997-1998, suite à l'affaire Khadija Bahi, la fillette qu'elle forçait à se prostituer et qui avait fini un jour par s'enfuir en se rendant auprès des autorités. En fait, et de l'avis de plusieurs habitants, pratiquement « toute la famille de Mika se livre à cette activité. Mika a écopé d'une peine de prison mais aurait retrouvé récemment sa liberté et gérerait aujourd'hui une dizaine de maisons closes ». Le réseau possède ses rabatteurs. Des jeunes désœuvrés. Souvent en groupes, ils occupent pratiquement toutes les entrées du quartier et proposent plusieurs formules. Et il y en a pour tous les goûts : filles, alcool, haschich, ecstasy. Les rabatteurs ont leur commission sur chaque client ramené. La rémunération est encore plus importante si le client souhaite passer la nuit avec une fille. Dans ce cas, le rabatteur s'occupe de l'organisation de la soirée qui démarrera à 20 heures. Le prix passe alors de 20 à 250 DH : 100 DH pour la tenancière, 100 pour la fille et les 50 restants pour la propriétaire de la maison lorsqu'il ne s'agit pas de la tenancière. Le rabatteur, dont l'autre mission est la protection des filles, exigera une garantie de « bonne conduite » au cas où le client souhaiterait passer la nuit chez lui. Il exigera qu'une pièce d'identité lui soit confiée jusqu'au lendemain. Du fait que la ville ne dispose d'aucune unité hôtelière et que la location des maisons à des étrangers n'est pas pratique courante, la plupart des consommateurs logent chez les prostituées elles-mêmes. Bon à vous d'analyser et d'en déduire ce qui doit l'être.