Une étude avait été menée en 2008 par l'Organisation panafricaine de lutte contre le sida sur les travailleuses du sexe. La présidente, Nadia Bezad, lève le voile sur ce monde obscur. ALM : L'enquête menée par OPALS avait relevé que 59,4% des travailleuses du sexe avaient reconnu avoir eu leur premier rapport sexuel rémunéré entre l'âge de 9 et 15 ans. Pourquoi cet âge précoce à la prostitution ? Nadia Bezad : Il faut bien comprendre qu'il ne s'agit pas d'un acte volontaire. Ces femmes se sont adonnées très jeune à la prostitution par nécessité. Elles sont issues de milieux très pauvres surtout dans le Moyen-Atlas où les conditions socio-économiques sont désastreuses. Suite à nos enquêtes sur le terrain, nous avons pu constater que plusieurs travailleuses du sexe avaient déjà subi des sévices sexuels au sein de leur entourage. Certaines d'entre elles ont eu un rapport sexuel à l'âge de 6 ans. La pauvreté et l'analphabétisme constituent les principales causes à la prostitution. Y a-t-il un profil type de prostituée ? Il n' y a pas de profil type. Il existe en fait plusieurs catégories de prostituées. Elles peuvent être analphabète ou avoir un niveau d'instruction élevé. Et pour preuve, les étudiantes au sein des universités s'adonnent de plus en plus à la prostitution. Ces jeunes filles sont recrutées à travers des réseaux de proxénétisme. La plupart de ces filles qui viennent de régions pauvres s'installent dans les grandes villes pour poursuivre leurs études. Elles vivent pour la grande majorité au sein des cités universitaires. Une amie l'invite à l'accompagner le soir et lui prête des vêtements et le tour est joué. On lui offre ensuite de petits cadeaux. Elle découvre alors qu'elle peut se faire offrir des vêtements à la mode qui la valorisent et qu'elle peut facilement gagner de l'argent. Elle prend alors goût et se retrouve prise au piège. A côté des étudiantes, il y a les fonctionnaires. Ces dernières s'adonnent à la prostitution pour arrondir les fins de mois. Elles l'exercent de manière ponctuelle c'est-à-dire selon les périodes (rentrée scolaire…). Il faut aussi relever les hauts cadres. Pour ces femmes, la prostitution est plus une façon de vivre, un moment de plaisir. C'est elle qui spécifie ce qu'elle désire. Certaines sont des femmes mariées et leur conjoint est au courant de leurs actes du moment qu'elles gagnent de l'argent et qu'ils n'auront pas à subvenir à leurs besoins. La prostitution est –elle une contrainte sociale ou un choix de vie ? Il s'agit d'une contrainte sociale pour la majorité des travailleuses du sexe. C'est une question de survie. Elles sont prêtes à changer de profession si on leur donne un coup de main. Les Subsahariennes ont cassé les prix. N'ayant pas de papier et aucun moyen de subsistance, elles acceptent d'avoir un rapport sexuel avec un client pour 30 DH seulement voire 10 DH. Les tarifs sont devenus très bas. Par contre, pour les prostituées de luxe, les tarifs atteignent les 10.000 ou 20.000 DH par client. Tout dépend du plaisir qu'elle peut lui procurer. Comment voyez-vous l'avenir de la prostitution au Maroc ? Avec la crise actuelle, les choses ne vont que s'empirer. La situation est déjà catastrophique. La prostitution va continuer à augmenter durant les prochaines années. Je suis très inquiète lorsque je vois de jeunes collégiennes monter dans les voitures avec des hommes âgées. Les jeunes filles de 13-14 ans sont les plus exposées à la prostitution. Il faut un véritable programme pour lutter contre ce phénomène social qui ravage notre société.