Le Réseau marocain de lutte contre le sida (ROMS) dénonce la persistance de la télévision à considérer le sida comme un tabou. Dans une lettre adressée à 2M au sujet de son émission «Mobacharatan maâkoum», ce réseau estime avoir été écarté du débat en faveur de l'ALCS. «Une reconnaissance, c'est tout ce qu'on demande ! ». L'appel de Abdessamad Oussayh, président de l'Association marocaine des jeunes contre le sida, correspond à un cri du cœur. C'est une réaction que qualifie ce militant associatif de légitime, car son association, tout comme les autres qui forment le Réseau marocain de lutte contre le sida (ROMS), se sent privée du droit de s'exprimer librement à la télévision. A l'origine de cette dénonciation : l'émission «Mobacharatan maâkoum» («En direct avec vous») diffusée, mercredi soir sur 2M. Il était question de débattre du sida pour dresser un état des lieux au Maroc. Sauf que la majorité des associations n'étaient pas conviées à y prendre part comme elles l'auraient souhaité. «Chaque année, on ne fait appel qu'à une seule et même association qui est l'Association de lutte contre le Sida (ALCS). Les autres associations sont écartées sans aucun motif», dénonce M. Oussayh qui vient d'adresser à la deuxième chaîne marocaine une lettre de protestation signée par le ROMS. Besoin de crédibilité ? Eh bien, non ! A en croire le rédacteur de la lettre, les associations membres de ce réseau né en 2003, sont partenaires à part entière du ministère de la Santé et du Fonds mondial pour la réalisation de nombreux projets. «A 2M, on nous dit que l'ALCS est la première association dans le secteur, mais cela n'est pas un bon argument pour barrer la route aux autres. Le Réseau avait même proposé un porte-parole pour le représenter…», déclare ce militant. Ce réseau d'ONG estime qu'il mène, en ce moment, 80% du travail sur le terrain en matière de prévention contre le sida. Sa participation aurait pu, de ce fait, enrichir le débat et faire connaître d'autres associations au grand public. «Nous ne cherchons pas des subventions ou à partager un quelconque gâteau. Nous voulons juste que les Marocains sachent ce qu'on fait comme travail et leur donner notre avis sur la lutte contre le sida dans notre pays», souligne M. Oussayh. Ce réseau a un avis qui ne correspond pas vraiment au diagnostic établi par l'émission. Le président de l'AMJS pense qu'il est nécessaire justement de changer la vision du sida comme étant un tabou : «Il faut parler plus librement de la maladie et montrer la réalité telle qu'elle est». Cette réalité commence par la lutte contre le «complexe de la sexualité», estime ce militant qui propose, au nom du ROMS, d'intégrer l'éducation sexuelle dans le système éducatif afin de lever l'embargo du tabou sur le sexe. Une recommandation à laquelle s'ajoute l'appel à la généralisation de la distribution des préservatifs auprès des groupes dits vulnérables. «Il faut cibler plus précisément les lieux où sévit la prostitution où les préservatifs doivent être distribués en permanence », souligne M. Oussayh. Et de préciser que la majorité des personnes atteintes par le virus ne veulent plus garder l'anonymat pour que la maladie ne soit plus une crise sociale individuelle. Pour reconnaître la réalité, il faut, aussi, soulever le problème de la maladie sida dans les prisons. «Mon message est clair à ce sujet : il faut mettre un terme aux viols, car c'est la première origine du sida dans les pénitenciers. Dans ces milieux, on n'exerce pas le sexe par volonté et il ne faut pas se voiler la face. On ne peut pas recommander au violeur de mettre un préservatif !» dénonce ce militant. La gravité de la situation n'a certainement pas besoin d'une discorde entre associations, mais plutôt d'une médiation et d'un partenariat, comme le souligne M.Oussayh faisant allusion au rôle qu'aurait pu jouer le débat télévisé. Le rôle des ONG dans la lutte contre le sida est indéniable. Nadia Bezad, présidente d'OPALS-Maroc, membre de ROMS, insiste sur cela : «les ONG ont pour but d'informer la population sur les risques des infections sexuellement transmissibles et du Sida. Elles sont appelées ainsi à transmettre les messages de prévention avec des termes simples dans une langue populaire». C'est par le biais de ce travail d'information que les citoyens peuvent être encouragés à se soumettre au test de dépistage qui ne dure que 20 mn, d'après Dr. Bezad. Cette dernière estime cette étape comme étant «le premier pas d'une action efficace de prévention et de lutte contre la maladie du Sida». Ceux qui voudraient se soumettre au test n'auront qu'à se présenter aux centres de traitement ambulatoire. Les ONG ont également cet avantage d'être partout grâce aux réseaux et relais régionaux qu'elles ont établi. A travers des campagnes d'information, l'OPALS a pu atteindre plusieurs régions du Royaume grâce au ROMS : Azrou, Hajeb, Tiflet, Rommani, Oulmès… «Nous ne pouvons pas lutter contre ce fléau sans une véritable mobilisation de toute la population marocaine», indique Dr. Bezad. Faire face aux préjugés et au peu de moyen, le travail des ONG n'est pas de tout repos. Elles ne sont, pourtant, pas prêtes à lâcher prise. Elles ont fait de la lutte contre le sida leur cheval de bataille. • Leïla Hallaoui mailto:[email protected] et Najat Faïçal mailto:nfaï[email protected] Le ROMS Le réseau des associations marocaines de lutte contre le sida est constitué de six associations thématiques et de 25 autres non thématiques. Il a été créé pour consolider le travail de prévention contre la maladie sur le terrain. Le ROMS compte, notamment, l'Organisation panafricaine de lutte contre le sida (OPALS), la Ligue marocaine de lutte contre les maladies sexuellement transmissibles (LMLMST), l'Association marocaine des jeunes contre le sida, l'Association sud contre le sida (ASCS), l'Association du jour (des séropositifs), l'Association pour la lutte et l'information sur le Sida (ALIS).