Comme prévu j'arrive à la place Saint Michel, je regarde la seine, notre dame, les bateaux mouches, les touristes, les japonais, tout ce petit monde perdu dans le vrai monde, j'ai eu cette même sensation étrange que je ressens chaque fois que je me laisse emporter par le charme de Paris, mais finalement je me convaincs que Paris c'est juste Paris, et rien de plus... Je me dirige vers le PUB que je n'ai jamais aimé et qu'elle -malgré tout- insiste à ce qu'il soit notre lieu de rencontre éternel. Elle est là, elle m'attend, ce n'est ni la première ni la dernière fois qu'on se voit, nous sommes amis, intimes même, on se voit régulièrement et on se partage pas mal de choses. Je la connais par cœur, du moins c'est ce que je crois, et je ne vois pas vraiment pourquoi elle a insisté à ce qu'elle me voit avant mon départ. Elle sait que je serais à Essaouira pour le festival, elle m'a promis qu'elle y serait aussi. Le rendez-vous était pris à Mogador dans une semaine, finalement, ce n'est pas si loin que cela, pourquoi cette précipitation ? Qu'est ce qui lui a fait changer d'avis si brutalement pour insister à me voir de cette manière. J'avance vers elle, elle me fait la bise, je lui demande si j'ai trop tardé, elle m'explique qu'elle aussi venait d'arriver, on nous apporte les menus, je n'en vois pas l'intérêt, nous avons tellement fréquenté cet endroit que nous avions fini par apprendre tout ce qu'il y a dans ces foutus menus, nous avons même fait des suggestions qui n'ont jamais été prises en compte, leur café crème est toujours sans crème, leurs sodas sont toujours pas fraîches, leur service est toujours aussi médiocre... Mais elle adore être ici, et j'ai fini par l'adorer aussi. Je fais quelques remarques sur la météo, la vie, l'émission d'hier et tout ce genre de conneries qu'on raconte chaque fois que nous n'avons rien à dire, mon téléphone sonne, je lui demande de prendre ma commande, je sors parler à l'extérieur, je reviens 5 minutes après, une bière pour elle, un thé glacé pour moi, elle sait que je ne bois pas, je prends une gorgée de mon verre, je ne peux pas m'empêcher de remarquer que ce thé glacé n'a de glacé que le nom, elle sourit, elle me demande qui c'était au téléphone, j'explique que c'est quelqu'un que je connais à travers un site internet et qui m'invite à assister à une soirée, pour rencontrer d'autres membres du même site... Je ne sais pas vraiment comment expliquer, je murmure en quelques mots que c'est un monde virtuel géré par un certain grand ordinateur censé avoir toujours raison... Une sorte de matrice où le bonheur est obligatoire... Elle m'interrompe : - Une secte ? - Si tu veux (je souris), c'est un jeu et c'est plutôt fascinant ! - Intéressant ! - Dans quel sens ? - Dans tout les sens possibles (elle sourit à son tour). - Ça te dit de m'accompagner ? - Je ne fais pas partie de la secte de plus que je ne veux pas finir mes jours esclave d'un ordinateur ! - Tu n'as rien à perdre, et de toute façon ce n'est qu'une soirée. - J'y penserais... Je regarde ma montre, celle que quelqu'un m'a offert pour mon anniversaire, quelqu'un qui m'aime énormément et qui en fait autant pour moi, quelqu'un que, malgré tout, je ne suis jamais arrivé à aimer... Les relations humaines sont compliquées, forcément elles le sont, et l'amour en fait partie, 'Take it easy' a dit Cat Stevens... Je me convaincs pour la deuxième fois que c'est juste comme cela, et que ce n'est rien de plus, je vais lui offrir un cadeau de la même valeur pour son anniversaire, je l'inviterais à boire un verre, et nous serions quitte... Bordel ! Elle ne veut rien de tout cela, sûrement elle ne veut rien, elle veut juste mon amour, la seule chose que je suis incapable d'offrir... Je me dégage de mes pensées, je pense que je devrais -peut être- plus porter cette montre, on reparle de la météo, de la vie, de l'émission d'hier et de toutes les foutaises dont tout le monde parle quand il est intitule d'en parler, on se sent ridicule, je la fixe des yeux : - Qu'en est-il ? - Quoi ? - Tu sais de quoi je parle, tu n'as pas insisté à me voir pour me parler de la météo ! - Je sais. - Donc ? - Laisse faire les choses... Sacrée Sarah ! Inutile d'insister, elle me dira quand elle le souhaitera, et je n'avais pas d'autres issues que de changer le sujet, peut être revenir à la météo, qui sait... C'est bizarre comme nous sommes encerclés de tabous, on ne peut pas parler d'argent, on ne peut pas parler d'amour, on ne peut pas parler de sexe, on ne peut pas parler de religion, on ne peut pas parler de la mort, mais surtout on ne peut pas parler de ce dont nous avons envie de parler... Trois jours après, nous nous sommes rencontrés à ESSAOUIRA... Deux mois plus tard, nous nous sommes re rencontrés dans le même PUB... Aujourd'hui, on se voit presque chaque jour, et je ne sais toujours pas ce qu'elle veut, ni ce qu'elle voulait me dire... Cela se trouve que c'est encore un tabou, encore un... Mohammed SLIMANI http://blog.syscraft.net