De toute ma vie, la peur a toujours eu mauvais vent. Cette peur qui a coutume de s'opposer au courage, cette vertu tant admirée et célébrée par toutes les sociétés humaines. D'ailleurs à son sujet, Michel Tournier écrit : "La peur est humiliante, parce qu'elle est l'anticipation d'une défaite. L'homme apeuré a déjà perdu la partie et cela par sa seule faute. Il est l'esclave des maîtres et des adversaires qui l'entourent. On le figure parfois salissant sa culotte." Mais toute peur est-elle ontologiquement condamnable, consubstantiellement répréhensible ? De toute évidence non car si l'on peut condamner la peur du soldat qui fuit le combat abandonnant sa partie,on peut pas condamner celle de la mère pour ses enfants ni celle de l'homme primitif face à des forces naturelles monstrueuses pour lui comme la foudre ou le soleil. Dans le premier cas, la peur a un parfum d'amour, dans le deuxième elle est inspirée par le mystère et l'inconnu propédeutiques pour toute spéculation mentale synonyme d'invention, de création et de maîtrise ultérieures. Ainsi, Nietzsche inscrit-il la généalogie de la musique dans la peur qui, selon lui,aurait fait de l'oreille une parabole affûtée détectant toutes sortes de bruits,murmures,cris,hurlements...toute cette syntaxe musu=icale originelle. L'oreille serait un "organe de la crainte" générateur de la musique. Cependant quand elle n'est pas inspirée par l'irrationnel et quand elle n'a ni parfum de musique ni parfum d'amour, mais seulement inspirée par la crainte d'être châtié par plus fort que soi ou la crainte de subir les foudres d'une loi qu'on ne respecte que sous la baquette et l'oeil vigilants de ceux qui veillent à la faire observer. La peur devient condamnable et détestable. Ici, la peur s'appelle lâcheté et il n'y a pire qu'un lâche. Le lâche a l'âme servile. Il est un monstre redoutable devant plus petit que soi et un serf docile devant ceux qui le dépassent d'une mesure. Il vit de mensonge et l'hypocrisie. Il ignore tout de cette loi morale et cette noblesse intérieure qui font de l'être un homme et de l'homme un citoyen. Dans son auto par exemple, il enfreint tous les codes et ne l'arrête que sa peur du gendarme et de l'argent de sûreté... J'ai cité M.Tournier en amont, voilà maintenant la suite de sa citation en aval : "Celui qui ne se conduit bien que sous menace de la punition et si menace disparaissait, il serait capable de toute vilénie- et un vaurien qui ajoute la lâcheté a tous penchants"