"Je ne voyage pas pour aller quelque part, mais pour voyager" Voilà ce que j'ai retenu de Stevenson. Il y a bien longtemps que je n'ai pas fait de voyage et j'avoue que cela me manque. Plusieurs fois, je surprends dans mon entourage des gens parlant de leurs voyages à répétition. Vous pensez que cela devrait me rendre jalouse si ce n'est susciter de l'envie en moi. Ce n'est ni l'un ni l'autre. Ni jalouse ni envieuse, car il n'y a rien à envier à des voyageurs qui voyagent sans voyager. Dans les récits que racontent nos voyageurs et voyageuses aux grandes valises ; il n'y a de place que pour un seul et piètre sujet de conversation : les fringues et les gadgets de toutes sortes et le prix qu'ils coûtent en Turquie, en France et en Italie, comme si dans ces pays millénaires, il n'y a rien d'autre à connaître, à découvrir. Ce qui est encore plus aberrant chez ces voyageurs, ce sont ces jugements qu'ils n'hésitent pas à porter sur les pays visités, du genre : à Paris, il y a beaucoup de crottes de chiens ou en Turquie il y a beaucoup de Turcs... ! N'imaginez surtout pas que cet esprit est limité soit l'apanage de sujets au niveau intellectuel limité. Dans le lot, il y a de tous les niveaux : des enseignants, des médecins et autres types de cultivés de la plus belle eau. On comprend parfaitement bien l'influence, parfois même irrésistible, que les objets peuvent exercer sur l'individu quand il part en voyage à l'étranger, mais on ne comprend pas que celui-ci en fasse à chaque fois son seul et unique objectif. Il est quand même dommageable et scandaleux qu'une personne qui se rend fréquemment à Paris ne retienne de cette ville, appelée à raison ville des lumières, que le préjugé dérisoire de ville très mélangée et crado. Imaginons un touriste étranger visitant le Maroc et rentrant avec cette même impression sur le Maroc ! On ne voyage pas réellement sans une certaine culture du voyage. Prendre l'avion pour aller se remplir une valise de fringues et de bijoux n'est pas voyager, c'est aller faire du commerce en gardant toujours le même esprit : la méfiance, le sens du négoce et de l'économie sans prêter aucune attention à l'autre et à sa culture. Or à quoi bon voyager si ce n'est pour partir à la rencontre des autres ? Voyager, c'est rompre avec ses habitudes et ses certitudes, c'est devenir autre parmi les autres en adoptant une autre manière de voir. UN Voyage qui n'en n'est pas un. N'en déplaise aux amateurs des grandes surfaces pour qui l'essentiel est d'en parler.