Malgré l'abandon exceptionnel du sacrifice de l'Aïd al-Adha cette année, décidé face à l'effondrement du cheptel national, le prix de la viande rouge demeure élevé au Maroc. Si l'afflux de bêtes initialement destinées à la fête a légèrement détendu l'offre, la baisse attendue par les ménages tarde à se concrétiser. Dans un marché sous tension où la spéculation attise les critiques, le gouvernement peine à contenir la flambée des prix malgré le recours massif aux importations. L'annulation du rituel de l'Aïd al-Adha cette année, décidée par les autorités pour préserver un cheptel décimé par la sécheresse, n'a que faiblement infléchi le coût de la viande sur les étals marocains. Malgré une offre plus abondante, la baisse des prix se limite à quelques dirhams par kilogramme, bien en deçà des attentes des ménages. Selon des observateurs, les tarifs n'ont reculé que de cinq à dix dirhams, alors que l'on escomptait une correction plus marquée après la suppression de cette fête religieuse, qui génère habituellement une forte demande. L'exécutif avait justifié sa décision par le recul de 38 % du cheptel ovin et caprin depuis 2016, laissant craindre une nouvelle flambée des prix, à l'image de celle observée l'an dernier, malgré les importations massives soutenues par l'Etat. Une offre (désormais) abondante, mais des prix toujours élevés La suppression du sacrifice a mécaniquement conduit à une hausse de l'offre, les animaux initialement destinés à l'Aïd se retrouvant sur le marché. Pourtant, la détente espérée sur les prix tarde à se matérialiser. Face à cette inertie, les associations de défense des consommateurs exhortent le gouvernement de Aziz Akhannouch, très critiqué sur ce dossier, à élargir la surveillance des circuits de distribution pour contrer les pratiques spéculatives, accusées de maintenir artificiellement les tarifs à un niveau élevé. Si certains éleveurs consentent à écouler une partie de leur bétail pour répondre à la demande, d'autres préfèrent différer leurs ventes, pariant sur une revalorisation ultérieure des prix. La reconstitution du cheptel national, fragilisé par des années de sécheresse et la raréfaction du pâturage, apparaît ainsi comme un enjeu crucial. Dans cette perspective, des voix s'élèvent pour appeler à un accompagnement public ciblé en faveur des éleveurs, afin d'éviter une liquidation précipitée des troupeaux et de garantir un rééquilibrage durable du marché. Un décalage persistant entre l'offre et les prix Bien avant la suppression du rituel de l'Aïd, l'envolée des prix de la viande rouge avait suscité l'inquiétude de plusieurs membres du gouvernement. Nizar Baraka, ministre de l'Equipement et de l'Eau, avait dénoncé des hausses qu'il jugeait excessives, appelant les importateurs et les commerçants à modérer leurs marges. Selon lui, les animaux importés ont été acquis à un coût oscillant entre 40 et 60 dirhams le kilogramme, tandis que les prix pratiqués sur le marché intérieur ont atteint jusqu'à 110 dirhams, un différentiel attribué aux pratiques spéculatives. Des chiffres corroborés par Ryad Mezzour, ministre de l'Industrie et du Commerce, qui estimait récemment que certains importateurs réalisaient des bénéfices pouvant atteindre 40 dirhams par kilogramme. Jusqu'à la mi-février, le Maroc avait importé 21 800 bovins, 124 000 ovins et 704 000 tonnes de viande rouge pour contenir la flambée des prix. Pourtant, ces efforts peinent encore à se traduire par un reflux significatif des tarifs sur le marché intérieur, alimentant l'exaspération des consommateurs.