Les investissements directs étrangers (IDE) ont affiché une baisse de 17,2 % à fin juillet dernier. Selon les données de l'Office des changes pour ladite période, cette situation est due à une hausse de 16 % des dépenses des IDE, et une baisse des recettes de 4,7 % à ce niveau. Toutefois, cette baisse devrait pousser à se poser la question quant au potentiel du royaume à attirer des investisseurs. Les IDE ont totalisé un montant de 10.53 milliards de dirhams (MMDH) à fin juillet 2019, contre 12.71 MMDH pour la même période de 2018, soit une perte de 2.18 milliards de dirhams. Selon les données de l'Office, cela est le résultat d'une hausse des dépenses des IDE pour ladite période, qui se sont établies à 8,86 milliards de dirhams, alors que les recettes ont baissé pour leur part de -963 MDH. Le flux des investissements directs marocains à l'étranger (IDME) a augmenté de 2,97 milliards de dirhams, s'établissant à 5,64 milliards en 2019, contre 2,67 milliards une année auparavant. Bizarrement, il est à noter que le Maroc a multiplié cette année les deals avec des acteurs économiques étrangers opérant dans différents secteurs d'activité. D'après les données du rapport de la Société pour la garantie des investissements et du crédit à l'exportation (Dhaman) au titre de l'année 2019, le royaume se plaçait à la 4e position des destinations les plus attractifs pour les investisseurs étrangers dans la région du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord (MENA). En effet, le Maroc a réussi à attirer 71 nouveaux projets durant l'année 2018, pour un total de 4,48 milliards de dollars, contribuant à la création de 15,351 nouveaux emplois. Encore plus loin, selon le rapport de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (UNCTAD) pour l'année 2019, le Maroc s'est placé 4e dans le top 5 des pays africains qui attirent le plus d'IDE en 2018. Le royaume a ainsi totalisé 3,6 milliards de dollars d'IDE dans ce sens, marquant une croissance de 35,5 % à ce niveau. Tous ces indicateurs semblent positifs pour le moment, mais il y'a bien quelque chose qui cloche. Des ressources mal exploitées La Banque Mondiale (BM) avait apporté une réponse pour ce qui est de la situation du Maroc vis-à-vis de l'attraction de nouveaux investisseurs. Malgré le fait que le royaume dispose de ressources naturelles, humaines et techniques, il n'en demeure que celles-ci sont mal exploitées. De plus, le problème se ferait même sentir au niveau structurel, puisque la réalité du marché marocain ne correspond pas vraiment aux différentes initiatives et réformes engagées. Cela se traduit par un taux de réalisation faible des projets initiés au sein du royaume, ce qui résulte dans un ralentissement de la croissance économique à son tour. Par ailleurs, la réalité du marché fait que le désordre structurel fait que les acteurs économiques du royaume profitent des mêmes avantages, quelle que soit leur taille. Cela n'est pas viable dans la mesure où les PME sont imposables du même taux que les grandes structures, ce qui n'encourage aucunement les investisseurs locaux. D'autant plus, la contribution du secteur privé reste assez « faible » dans l'ensemble pour ce qui est du développement économique du pays. Cela dit, le Maroc est l'un des pays les plus surs et stables sur le continent africain, ce qui devrait jouer en sa faveur. En effet, le royaume n'a pas subi les effets du Printemps Arabe, ce qui a encouragé beaucoup d'acteurs économiques étrangers à porter leurs affaires depuis d'autres pays, comme l'Egypte ou la Tunisie, au sein du royaume. Mais pas que, puisque le Maroc propose différents avantages, fiscaux, matériels et techniques pour les investisseurs étrangers souhaitant développer leur activité localement. Tout cela est donc bien, non ? Pas vraiment à vrai dire. Le Maroc est peut-être un pays attractif pour les investisseurs étrangers, mais celui-ci est loin d'être vraiment une référence dans ce sens. Dans ce sens, nous avons contacté Mohamed Chiguer, économiste et auteur de plusieurs ouvrages sur la situation de l'économie nationale, qui nous a expliqué que le royaume a bien de nombreuses ressources, mais que celui-ci reste à la traine. « Il faudrait voir la composition des IDE, notamment s'ils proviennent de nos partenaires économiques, notamment la France, l'Espagne ou encore, les pays du Golfe. Il faudrait par ailleurs voir quels sont les flux qui ont diminué », nous a-t-il déclaré, tout en indiquant que dans le cas des pays du Golfe, les « tensions » justifient la froideur qu'il y'a au niveau des investissements. Le Maroc reste bien l'une des destinations les plus attractives pour les IDE sur le continent africain, par rapport à l'Egypte, l'Algérie, la Tunisie, etc., mais il faut bien comprendre que le royaume attire surtout des investissements de sous-traitance. Dans ce sens, Chiguer indique que « contrairement à ce que l'on pourrait croire, le royaume n'a pas attiré beaucoup d'investissements, hors ceux de la sous-traitance des destinataires traditionnels. Parfois ça s'améliore, parfois ça régresse. Par exemple, les Canadiens sont venus, mais ont vendu leurs business au bout de 2-3 ans ». Ainsi, il faut bien comprendre que même si les IDE sont bien de la partie, il n'y a pourtant pas de transfert de technologies. En effet, l'exemple le plus simple à suivre serait celui du secteur automobile. Le Maroc a bien réussi à attirer des constructeurs mondiaux durant les dernières années, mais cela a surtout concerné la sous-traitance. Le Maroc a bien une main-d'œuvre qualifiée, mais les postes de décisions et de conception reviennent aux ingénieurs étrangers dans ce secteur. Le royaume ne sert donc que de plateforme d'assemblage, puisqu'il ne fabrique pas vraiment de véhicules « 100 % Marocains », mais se contente d'assembler des parts qui ont été pensées à l'étranger. Cela dit, il ne faudrait aucunement négliger la force du royaume à ce niveau. Dans ce sens, Chiguer nous a cité l'exemple de la Société Marocaine de Constructions Automobiles (SOMACA), créée en 1959, suite à une initiative du Maroc et de Fiat/Simca, avant qu'elle ne soit cédée au Groupe Renault en 2003. Celle-ci avait pour objectif de permettre au Maroc de construire une voiture 100 % marocaine, sans que cela n'aboutisse à grand-chose pourtant. Il faudrait donc que le royaume s'éloigne de l'idéologie quantitative et s'oriente plutôt vers un modèle d'investissement qualitatif. « Si demain Renault décide de s'en aller, que restera-t-il au royaume ? Il ne faudrait pas penser quantitatif », indique Chiguer.