C'est bien l'été, les vacances. Mais les opticiens du Maroc ne semblent pas vouloir en profiter tant que le gouvernement ne répond pas à leurs doléances. Ils intensifient alors les manifestations, face à ce qu'ils surnomment les « lobbys des ophtalmologues » et protestent en continu pour faire entendre leur voix et faire valoir leurs droits. Le point. Après une marche nationale organisée le 2 juillet à Rabat, et plusieurs demandes d'audiences déposées auprès des départements d'Anass Doukkali et Said Amzazi qui n'ont reçu aucun retour, les opticiens du Maroc, encadrés par le syndicat professionnel national des opticiens du Maroc (SPNOM), ont observé ce mardi 16 juillet un sit-in devant le Parlement. Cette catégorie de professionnels de Santé, quelque 4000, dénonce, « l'absence du dialogue, l'insouciance de l'Exécutif » et « la politique de la sourde oreille » adoptée par leur ministère de tutelle face à leurs revendications légitimes. « Le ministre de la Santé ne réagit pas à nos revendications, ne nous écoute pas et ne nous donne aucune importance pour au moins comprendre ce que nous réclamons. On ne sait pas pourquoi il insiste à modifier une loi qui existe depuis 65 ans alors que cette catégorie de professionnels, offre ses services dans les régions enclavées du Maroc », cofie à Hespress Fr Mina Ahkim présidente de la SNOPM. Notre interlocuteur s'interroge: « Ma question adressée au ministre est : est-ce qu'il a préparé une stratégie pour répondre aux demandent des citoyens marocains en termes de soins optiques dans les régions enclavées ? 149 médecins peuvent-ils régler les problèmes optiques dans ces régions? Comment alors le ministre de la Santé veut aujourd'hui modifier une loi sans qu'il ait la moindre stratégie ». Les opticiens du Maroc se sont élevé ces derniers mois contre l'amendement de l'article 6 du projet de loi 45-13 portant sur l'exercice des professions de rééducation, de réadaptation et de réhabilitation fonctionnelles. En effet, les opticiens avaient le droit de procéder au montage des verres et à la mesure de la réfraction avec certaines conditions, selon l'article 6 de ladite loi, qui stipule que « l'opticien lunetier délivre au public des articles d'optique destinés à corriger ou à protéger la vue. Préalablement à leur délivrance, il réalise l'adaptation et l'ajustage desdits articles au moyen d'instruments de contrôle nécessaire. Il délivre les produits d'entretien et de conservation des lunettes et des lentilles de contact ainsi que les produits de leur humidification». Suite à la protestation des des ophtalmologues contre le projet de loi 45-13, et plus précisément cet article 6, qui été en examen à la deuxième chambre du Parlement en février dernier, une commission sociale a été créée et ses conclusions ont permis à la Chambre des conseillers de voter en juin pour l'annulation de toutes les exceptions de l'article 6 et se référer à l'article 4 qui impose l'ordonnance médicale, à l'exécution de lunettes optiques ordonnées par les opticiens-lunetiers. Cela a mécontenté les opticiens dont les tâches s'en sont trouvées « limitées ». Pour la présidente de la SNOPM, « le Maroc vit une congestion du système de santé, et le ministre insiste pour modifier cette loi et la faire voter. Il a traité cette affaire de manière personnelle. C'est inconcevable ». La présidente du syndicat s'est également posé la question au micro de Hespress Fr : « comment Anass Doukkali va-t-il répondre aux revendications du citoyen. Est-ce qu'on est bien dans un pays de droit et de loi ? Le ministre vient aujourd'hui et met à l'écart 4000 opticiens formés depuis 1990, en modifiant la loi 45-13 qui répond aux exigences des lobbys qui veulent dominer le secteur. Les excuses qu'ils avancent ne valent rien . Pourquoi on ne proteste pas contre le secteur informel. Ils protestent aujourd'hui uniquement contre le secteur formel, organisé, qu'ils veulent réduire à l'informel ». Interrogée sur le fait que les ophtalmologues avancent que l'examen de la réfraction et l'adaptation de lentilles de contact sont des actes réservés non seulement aux médecins ophtalmologues dans les pays développés, mais ayant également en plus un diplôme de «contactologie», notre interlocutrice contredit catégoriquement. Elle affirme à Hespress Fr que « dans le monde entier, en France, Allemagne, les Pays Bas et autres pays, si vous rentrez chez n'importe quel opticien vous pouvez faire la mesure de la réfraction. C'est connu et fréquent. Il y a même des publicités dans la rue. Ils sont en train d'induire l'opinion publique en erreur sans aucune preuve. On a beau leur répéter cela, mais ils ne veulent rien entendre ». Cette guerre a été déclenchée, selon Mina Ahkim, par « un groupe d'ophtalmologues de Rabat et Casablanca, et qui sont des patrons de cliniques, chose qui est connue de tous, et qui cherchent leur propre intérêt et le ministre de la Santé a penché de leur côté. Le ministre de la Santé doit protéger l'intérêt de tous les professionnels dont il est responsable et pas uniquement les médecins. Il se comporte avec les opticiens comme s'ils ne font pas partie de ce système de santé ». Autre argument avancé par la présidente du SNOPM: l'OMS, dans ses recommandations, « insiste dans son programme 20/20 qui a pour but d'éradiquer la cécité, sur le fait que dans les régions enclavées qui ne disposent pas de professionnels de la santé visuelle, il faut former des professionnels et les y envoyer ». « Aujourd'hui, on dispose au Maroc de 4000 opticiens formés, qu'on veut réduire à rien et mettre à l'écart pour faire plaisir aux ophtalmologues. C'est inconcevable et illogique. Est-ce que ce gouvernement dirigé par le PJD, qui était censé défendre le pauvre citoyen, défend aujourd'hui les lobbys et enrichit le riche et appauvrit le pauvre. Où en est le pauvre citoyen dans toute cette affaire ? Dans les régions qui ne disposent pas de médecins ophtalmologues, qui va répondre à leur demande ? Par quelle logique réfléchit ce gouvernement ? , s'est-elle indignée. Le syndicat a également déposé une demande d'audience auprès du ministère de l'Education nationale, pour s'entretenir avec son ministre, Said Amzazi, au sujet des 4000 opticiens formés sous sa tutelle, « qui aujourd'hui trouvent leur profession épinglée au système ». Mais en vain ! Aucun retour n'a été donné par le département de l'éducation nationale. À cet égard, Mina Ahkim nous a indiqué que « le Maroc à réalisé beaucoup d'efforts et progrès ces dernières années. Toutefois, ce gouvernement vient détruire tous cela ». Interrogée sur la possibilité que la loi soit votée au Parlement, ce qui limiterait leurs tâches de toujours, notre interlocutrice indique que « ça sera certainement un échec législatif de première au Monde dans ce secteur si on vote pour l'application du projet de loi 45-13 tel qu'il a été modifié par la Chambre des conseillers». « Depuis les années 90, le gouvernement a formé ces opticiens. Il y a eu une loi qui gère ce secteur depuis 65 ans et qui a été une référence dans le monde. Et aujourd'hui, vient un autre gouvernement, un autre ministre qui disent +non ces opticiens-là ne servent à rien+. Et-c'est bien ça la stratégie de ce gouvernement », a-t-elle déploré.