Quelques semaines après Abdelaziz Bouteflika en Algérie, c'est un autre président qui se voit écarté. En 30 ans de «règne» sur le Soudan, Omar El Béchir a été destitué, jeudi 11 avril, à la suite de quatre mois de contestation populaire. Alors que les manifestations ont commencé par une simple contestation de la décision du gouvernement de tripler le prix du pain, le mouvement s'est enlisé en menant vers des appels à la démission du président en poste depuis 1989, à la suite d'un coup d'Etat contre le gouvernement de Sadek al-Mahdi, élu démocratiquement. L'ancien général a accusé, jeudi 11 avril, un retour de bâton tardif, 30 ans après avoir pris le pouvoir par la force. L'armée soudanaise s'est retournée contre celui qui tenait le pays d'une main de fer. Après une longue attente et des écrans de télévision figés sur un bandeau informant une « annonce importante » de l'armée, celle-ci a finalement parlé. « J'annonce, en tant que ministre de la Défense, la chute du régime et le placement en détention dans un lieu sûr de son chef » (Omar el-Béchir, ndlr), a dit Awad Ahmed Benawf, dans un message à la télévision d'Etat. Cette annonce fait suite à des mois de manifestations dans les rues du pays avec une nette concentration à Khartoum, la capitale. Malgré la répression policière qui a conduit à une dizaine de morts, dès samedi, des centaines de Soudanais ont investi les QG du ministère de la Défense et la présidence pour appeler l'armée à soutenir le peuple vivant dans des conditions humanitaires déplorables, subissant de plein fouet la crise économique et l'inflation. En 2018, des manifestations contre la hausse des prix des denrées alimentaires avaient éclaté sans obtenir aucun résultat positif. Au contraire, ces manifestations ont mené à l'arrestation de nombreux opposants. Les annonces de l'armée Jeudi, en reprenant le pouvoir, l'armée n'a pas donné le choix au peuple et s'est imposée comme la seule solution de rechange. Outre l'annonce de la destitution d'Omar El Béchir, le corps de l'armée a décrété un couvre-feu nocturne de 22 heures (20 heures GMT) à 4 heures du matin, sur tout le pays et ce, pour un mois. De plus, les militaires ont imposé « un conseil militaire de transition », qui assurera la transition pendant deux ans dans ce pays, qui a vécu plusieurs scénarios de chaos ces dernières années. D'ailleurs, un cessez-le-feu généralisé à tout le territoire a aussi été annoncé, notamment dans les Etats en proie aux rébellions, à l'instar du Darfour. Les militaires ont également fermé l'espace aérien soudanais pour 24 heures. Les frontières terrestres seront aussi fermées jusqu'à nouvel ordre. De même, le service de renseignement au Soudan (NISS) a annoncé la libération de tous les prisonniers politiques dans le pays, a indiqué l'agence officielle Suna. Mais ces nouvelles sont loin de répondre aux exigences des manifestants qui ont campé, jour et nuit, pour réclamer le départ de l'ancien dictateur. Après une brève joie dans les rues de Khartoum, les meneurs du mouvement de contestation ont rejeté le coup d'Etat militaire à l'encontre d'Omar El Béchir. «Le régime a mené un coup d'Etat militaire en présentant encore les mêmes visages (…) contre lesquels notre peuple s'est élevé », a indiqué un communiqué de l'Alliance pour la liberté et le changement. Les leaders du mouvement de contestation ont ainsi appelé à la poursuite des manifestations. « Nous appelons notre peuple à continuer son sit-in devant le quartier général de l'armée (à Khartoum) et à travers le pays », ajoute le communiqué. Jeudi, les Etats-Unis et cinq autres pays européens, à savoir la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne, la Belgique et la Pologne, ont demandé la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité de l'ONU sur le Soudan, après le coup d'Etat militaire, selon des sources diplomatiques citées par l'Afp. La session devrait avoir lieu à huis clos vendredi, d'après les mêmes sources.