Coïncidant avec le 50è anniversaire de l'entité onusienne, le rapport annuel de l'Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS) expose les obstacles nationaux, régionaux et internationaux liés à la drogue et adresse des recommandations aux Etats et aux organisations internationales sur les moyens de les surmonter et de veiller à la santé publique et au bien-être des populations. Membre marocain et vise-président de l'organisation depuis l'année dernière, Jalal Toufik a présenté ce jeudi 6 mars à Rabat les grandes lignes du rapport. L'Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS) est chargé de contrôler le respect de trois conventions (1961, 1971 et 1988) de l'ONU réglementant les stupéfiants et leurs précurseurs. Son rôle est considéré comme quasi-juridique, du fait que son avis est en général suivi, pour proposer par exemple des sanctions vis-à-vis des pays ne respectant pas ces conventions. Ce rapport 2018 a examiné la situation mondiale en matière d'usage médical et scientifique du cannabis et des cannabinoïdes et les incidences de leurs usage « récréatif » ainsi que les risques liés à la faible réglementation. Il a également examiné la question de l'accès limité aux antidouleurs qui reste une préoccupation majeure dans plusieurs régions du monde. En plus du rapport, un supplément spécial rend compte des progrès réalisés en vue d'assurer un accès adéquat aux substances placées sous contrôle international à des fins médicales et scientifiques et les moyens d'aider davantage les gouvernements à faire face à la situation « Je suis ici en tant que membre de et je suis tenu par un certain nombre de règles, et notamment celle de la lecture des notes telles quelles », déclare le Dr Jalal Toufik à l'entame de sa présentation. Le document ainsi présenté a été rédigé en étroite coopération avec les autorités des pays signataires des conventions réglementant les stupéfiants et leurs précurseurs, ainsi qu'avec l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et L'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC). Photos: Soufiane Belkoury Le rapport condamne notamment des mesures extrajudiciaires ont été attesté. « Dans certains pays, on assiste à une chasse aux sorcières avec exécution des trafiquants et usagers ayant des problèmes d'addiction, ce qui est une catastrophe absolue. Il y a même des pays qui ont appelé à poursuivre ces personnes et à faire la délation », indique le responsable. Légalisation: oui, mais … S'agissant des pays ayant adopté une réglementation du cannabis à usage médical, l'OICS vérifie la conformité aux dispositions des traités en alertant des cas où le risque que cette substance soit détournée pour une utilisation à des fins non médicales. « la culture du cannabis par des particuliers à des fins médicales est contraire à la convention de 1961 car elle représente des risques sanitaires vu que l'usage et la quantité de Tétrahydrocannabinol (THC) absorbé peut différer de ce qui est prescrit à l'usage médical », justifie Jalal Toufik . « Quand bien même des pays affirment que la culture du cannabis est menée sous contrôle, on donne la sous-traitance à des boites qui vont le planter et il devient difficile de contrôler des surfaces importantes on ne connait pas la teneur en THC et il y a très probablement une inhalation de produits toxiques ». Le bilan annuel de l'OICS répète que les Etats qui autorisent l'usage médical des cannabinoïdes sont tenus de respecter les disposition des traités. Cela suppose d'exercer un contrôle sur la production et l'offre de cannabis à usage médical, de fournir à l'organisation des prévisions sur les besoins nationaux en la matière, et de veiller à ce que ces substances soient utilisées sous surveillance médicale. « La culture de cette plante par des particuliers à des fins médicinales est contraire à la Convention de 1961 pour plusieurs raisons: cela accroît le risque de détournement de la substance et présente des risques pour la santé, les doses et les taux de THC consommés pouvant être différents de ceux qui ont été médicalement prescrits », analyse le vice-président de l'OICS. Au sujet de la légalisation, le responsable indique que le Maroc est touché par ce qui se passe ailleurs. « Un parti marocain avait prôné une légalisation à usage médical et industriel, mais qui ça a été quelques chose de complémentent inapproprié », estime Jalal Toufik. Et ce n'est qu'un euphémisme exprimé. « On ne peut pas légaliser quelque chose qui est déjà légal, car l'usage à visée médicale ou industriel est déjà permis en vertu des conventions » explique-t-il pour rendre compte de la confusion créée dans les médias suite à l'annonce de cette intention de légaliser. L'Afrique du Nord, un royaume de transit Le Maroc a toujours été montré du doigt comme étant un pays exportateur de cannabis. « Il n'est pas le seul», concède Jalal Toufik, interrogé par Hespress FR sur la situation interne. « C'est un pays souverain qui doit traiter la problématique lui même et savoir comment faire pour gérer la production. Le Maroc a aussi des choses qui sont positives, notamment la prise en charge de la problématique d'usage de drogue à travers l'ouverture de centres d'addictologie. Nous n'avons pas d'informations sur la surface cultivée et ça ne rentre pas dans les prérogatives de l'OICS, mais nous ne pouvons qu'applaudir si le Maroc diminue ses surfaces cultivées », explique-t-il. Pour ce stupéfiant, le plus largement répandu en Afrique, c'est le Maroc qui a signalé en avoir saisi les plus grandes quantités de cannabis saisies (plus de 117 tonnes de résine et 283 tonnes d'herbe). Présentée comme un espace « de plus en plus utilisé comme une sous-région de transit pour le trafic de cocaïne », l'Afrique du Nord a représenté 69% de l'ensemble de la cocaïne saisie sur le continent africain en 2016, à savoir que les quantités saisies cette année là avaient doublé par rapport à l'année précédente. Par ailleurs, le Maroc fait partie des 20 pays africains ayant participé à l'exercice maritime « Obangame Express 2018 », avec l'appui de plusieurs pays européens, en plus des Etats-Unis et du Canada. Chapeauté par le Commandement des Etats-Unis pour l'Afrique (Africom), cet exercice qui s'est déroulé en mars 2018 visait à renforcer les capacités et l'aptitude des pays du golf de Guinée et d'Afrique de l'Ouest en matière de lutte contre les activités maritimes illicites, y compris le trafic de drogues. « La consommation de cocaïne est globalement minime, mais elle fait principalement l'objet d'un trafic provenant d'Amérique du Sud et à destination de l'Europe », décrypte Jalal Toufik . Dans ce domaine, c'est aussi le Maroc qui a déclaré les plus grosses saisies de la région avec 2,8 tonnes au total. Au cours de la même période considérée, le Maroc fait partie des cinq pays africains à avoir fourni les informations requises concernant les saisies de substances inscrites aux Tableaux I et II de la Convention de 1988 sur les précurseurs, « ce qui a une incidence importante sur le recensement des tendances nouvelles sur le continent », note le rapport. Rappelons que l'OICS compte treize membres élus par le Conseil économique et social pour une période de cinq ans. Ces membres sont rééligibles. Dix sont élus sur une liste de personnes désignées par les gouvernements, et les trois autres sur une liste de personnes désignées par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) pour leur expérience de la médecine, de la pharmacologie ou de la pharmacie.