Avec quatre sièges sur les 86 dont dispose le Conseil de la ville de Rabat, les conseillers FGD ont exposé ce mercredi 13 février un rapport critique sur l'impact économique et social du grand programme « Rabat Ville Lumière ». Lancé en 2014 pour s'achever en 2018, ce programme prévoit plusieurs chantiers liés à la mise à niveau des infrastructures de la capitale. Entre processus de décision, retards accusés et chantiers jugés « inutiles », les élus FGD s'expliquent. Le premier reproche formulé par les conseillers FGD de Rabat touche le mode de gouvernance. Ils affirment que le contenu et l'orientation du programme n'ont pas été discutés par les représentants les habitants, pour que leurs attentes et aspirations se reflètent sur les travaux. Créée 2014, c'est la SDL Rabat aménagement (RA) qui pilote cet ambitieux programme. Et le maire de Rabat Mohamed Sadiki siège dans son Conseil d'administration. « Les conseillers communaux n'ont aucune connaissance des détails des projets décidés, malgré les nombreuses sollicitations adressées à la présidence du Conseil de la ville et à la société Rabat Aménagement », déclare l'élu FGD Omar Hayani. Il rappelle que la session du Conseil de la ville de février 2018 a été consacrée à une exposition des travaux réalisés par le DG de RA. « Une dizaine de questions ont été posées par les membres du Conseil mais le maire n'a pas autorisé le DG à répondre. Puis, au cours de la session de mai, nous avons eu droit à quelques réponses du DG », rapporte-t-il. Du « tout ça pour ça » Les élus FGD estiment que les travaux entrepris dans la capitale sont « très coûteux » et que certains ne revêtent pas d'importance pour la ville. Ils citent le cas de l'empilement de nouveaux trottoirs dans les quartiers de Hassan et de Hay Riad, « au moment où des quartiers entiers comme Yaacoub Mansour et Youssoufia manquent de trottoirs convenables », relève Omar Hayani. Dans l'exécution des travaux, le même élu signale un « non respect » des normes de sécurité routière dans la conception des routes. « Ceci a engendré une augmentation de la vitesse moyenne dans les grandes artères et à de nombreux accidents surtout chez les passants », indique Omar Hayani en donnant comme exemple le boulevard Hassan II où 5 morts sont déplorés. Autre sujets ayant provoqué la grogne des R'batis, la coupe d'arbres dont certaines ont plus 30 ans et la plantation d'énormes palmiers, peu appréciés par les habitants. « Ce changement touche l'aspect écologique de la ville et la population s'est vue privée des avantages que procurent les arbres, tels que l'atténuation de la température, l'ombrage et la réduction de la pollution » considère Omar Hayani. Les avenues Nakhil, El Hour, Reda Guedia ou encore Ben Barka où 500 arbres ont été arrachés, selon lui, illustrent ce changement. Photos Mounir Mehimdate Photos Mounir Mehimdate Des suspicions graves Côté logement, la représentation communale de la FGD dénonce une « tentative de déplacement forcé » des habitants de Douar El Gueraâ à un nouvel emplacement à Aïn Aouda à 37 kilomètres de la capitale. « Il est tout à fait possible de les reloger au même emplacement comme ce qui a été réaliser pour Douar El Koura », compare Omar Hayani. S'agissant des marchés publics conclus dans le cadre du programme « Rabat Ville Lumière », le rapport mentionne l'octroi de nombreux marchés de travaux à des entreprises spécifiques. Deux d'entre elles, de BTP, appartiendraient à deux actuels présidents de régions et une autre, d'éclairage public, appartenant à un ancien wali et ministre. « Nous nous sommes adressés à la Cour des comptes en février 2018, mais nous n'avons reçu aucune réponse jusqu'à présent », contextualise-t-il. « Avec les 9 milliards de DH du programme, nous aurions pu réaliser des merveilles », se désole le conseiller et parlementaire FGD Omar Balafrej. Il est conscient que le problème majeur que rencontrent les habitants est celui du transport. Un calvaire quotidien, soulagé par d'innombrables conducteurs qui s'improvisent en taxis, voire en mini-bus. Naguère appelés L'khettafa (littéralement arracheurs de place), ils se font désormais appelé L3etta9a (les sauveurs). Pour quelques bus de plus Omar Balafrej est convaincu que l'allocation d'un milliard de DH du budget total du grand programme aurait suffit à résoudre la problématique du transport urbain. C'est sans négliger l'importance du réseau routier incluant Salé et Témara où réside une partie essentielle des fonctionnaires et travailleurs de la capitale. « Ceux qui prétendent que le tramway peut être généralisé ne racontent que des mensonges car nous ne disposons pas du budget nécessaire », avance Omar Balafrej. Pour lui, le bus est la solution. Sans donner d'avis sur le prochain partenariat qui liera le Conseil de la ville à une nouvelle société délégatrice de transport, les élus FGD préconisent par exemple la mention des bus de nuit et des bus électronique dans le cahier de charge. « La nouvelle société prévoit prés de 300 bus alors qu'il faudrait au moins 600 pour les 17 communes incluant Salé et Témara », estime Omar Hayani. L'édile souligne également l'importance d'élaborer un plan de déplacement urbain pour définir le mouvement de mobilité des habitants. « C'est un problème de conseillers communaux qui ont le droit de demander et faire l'auto-contrôle du Conseil. Mais ils n'ont pas cette volonté et ne privilégient pas le vivre-ensemble dans la ville », analyse Omar Balafrej en décrivant un état d'incompréhension lorsqu'il s'agit de coordonner avec le reste des élus communaux au cours des sessions du Conseil de la ville.