Dans un récent tournant, Alvin Botes, vice-ministre des Relations internationales et de la Coopération en Afrique du Sud, a déclaré que son pays « assume une responsabilité morale et juridique, fondée sur le droit international et une histoire commune, en faveur du peuple sahraoui, qui subit l'une des formes les plus persistantes de colonialisme ». Dans une tribune publiée par le quotidien sud-africain IOL NEWS, le diplomate a ajouté que « les Sahraouis doivent pouvoir exercer librement leur droit à l'autodétermination si nous croyons réellement en la justice« , tout en accusant le Maroc d'exploiter « illégalement » les ressources naturelles des provinces du Sud, en contradiction avec le droit international. Cependant, de nombreux analystes estiment que Pretoria instrumentalise ce dossier pour asseoir son identité révolutionnaire sur la scène internationale et masquer les tensions internes qui secouent son propre paysage politique. L'Afrique du Sud, en affichant un soutien inébranlable au projet séparatiste, s'appuie sur son passé de lutte contre l'apartheid et revendique un engagement en faveur du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Pourtant, cette posture s'avère avant tout un levier diplomatique visant à maintenir une cohésion idéologique au sein de l'ANC, tout en détournant l'attention des crises économiques et des violations des droits humains qui éclatent régulièrement dans le pays de Nelson Mandela. Interrogé sur cette posture, Mohamed El Ghaith Maa El Ainin, membre du Centre international pour la diplomatie et le dialogue des civilisations, a estimé que « l'Afrique du Sud persiste dans une politique discriminatoire en matière d'accès aux postes de responsabilité, notamment à l'égard des citoyens blancs, ce qui a provoqué des tensions avec l'administration américaine« . Il rappelle que Washington a récemment mis en place un programme de réinstallation des Afrikaners victimes des politiques de Pretoria, tout en envisageant des sanctions économiques contre le pays. Dans une déclaration à Hespress, il souligne que « l'ANC manipule la cause palestinienne sous couvert de droit international humanitaire et exploite la question saharienne sous prétexte du droit à l'autodétermination, alors même qu'il piétine ces principes sur son propre territoire« . Selon lui, « le renouvellement de l'engagement de Pretoria envers le Polisario est une diversion stratégique visant à détourner l'attention des violations des droits humains dénoncées au niveau international, en les éclipsant derrière un discours victimaire« . Concernant les dissensions internes au sein du parti au pouvoir, Maa El Ainin observe que « certaines élites sud-africaines lucides commencent à comprendre que la posture actuelle de l'ANC sur plusieurs dossiers, y compris l'intégrité territoriale du Maroc, risque d'isoler le pays sur la scène internationale et de compromettre ses relations avec les grandes puissances. Pourtant, la faction dominante du parti persiste dans son soutien au Polisario, désormais marginalisé sur la scène diplomatique, sans prendre en compte les évolutions stratégiques que connaît ce dossier« . De son côté, Idriss Qassim, spécialiste des relations internationales, estime que « le soutien de l'Afrique du Sud au Polisario ne relève pas uniquement de considérations géopolitiques ou stratégiques, mais s'inscrit dans les orientations doctrinales de l'État sud-africain« . Il précise que « Pretoria construit son identité politique et sa réputation internationale autour de la lutte contre la discrimination raciale, du soutien aux revendications indépendantistes et de la défense du droit des minorités à l'autodétermination, des principes qu'elle érige en fondamentaux diplomatiques« . Il explique, ainsi, que « ces choix stratégiques confèrent à Pretoria un capital symbolique et une influence sur la scène internationale, comme en témoigne le soutien dont elle a bénéficié après ses récentes initiatives contre l'intervention israélienne à Gaza« . Il conclut que « ce positionnement diplomatique perdurera tant qu'il restera aligné avec la doctrine du parti au pouvoir et le positionnement idéologique de l'État sud-africain« . Le chercheur écarte également l'hypothèse d'une remise en question de ce soutien au sein de la classe politique sud-africaine, arguant que « l'ANC, fort de sa légitimité historique, a su inscrire cette position dans les constantes diplomatiques de l'État« . Selon lui, « le parti au pouvoir veille à ce que ce soutien apparaisse comme un consensus national, comme l'illustre la récente suspension d'un homme politique ayant effectué une visite au Maroc, en rupture avec la ligne officielle de Pretoria« .