Après l'annonce surprise, il y a un mois du président Donald Trump du retrait des troupes américaines de Syrie pour laisser la Turquie reprendre le combat contre l'Etat Islamique, un nouveau changement côté américain a provoqué la colère turque. Récit d'une escalade verbale qui aurait pu mal tourner. Dans le sillage de l'affaire Khashoggi, les Etats-Unis et la Turquie se sont révélés être de bons partenaires. D'un côté la Turquie s'est imposée comme l'acteur principal de l'enquête et les Etats-Unis d'un autre, ont marqué leur appui de première puissance mondiale à leur allié de l'OTAN, mettant l'Arabie Saoudite entre le marteau et l'enclume. Après le réchauffement des relations entre Washington et Ankara, notamment après la libération du pasteur Andrew Brunson, c'était au tour des Etats-Unis de renvoyer la balle. C'est ainsi que le président américain Donald Trump a annoncé le retrait des 2.000 militaires américains de Syrie, laissant à la Turquie les pleins pouvoirs dans la région. Ce retrait est d'autant plus important pour la Turquie car les Américains y étaient pour entraîner des troupes kurdes à combattre l'Etat Islamique et, pour Ankara ces kurdes, sont une menace pour la sécurité du pays. Alors que tout avait l'air d'être réglé, malgré les appels à l'aide des kurdes entre autres à la France, les Etats-Unis sont (presque) revenus sur leur parole, faisant entrer le président turc Recep Tayyip Erdogan dans une colère noire. Les raisons de la colère turque Lors d'un déplacement en Israël dimanche dernier, le conseiller américain à la sécurité nationale, John Bolton, avait déclaré que le retrait des troupes américaines de Syrie ne serait effectif qu'avec des garanties de sécurité pour les Kurdes. Venant à la rescousse de son compatriote, Mike Pompeo, le chef de la diplomatie américaine a rectifié le tir en ajoutant que les Etats-Unis voudraient s'assurer que « les Turcs ne massacrent pas les Kurdes ». La Turquie a jugé ces déclarations « inacceptables et impossibles à digérer ». Le président turc, qui n'a pas « souhaité » recevoir Bolton, a répondu dans un éclat de colère, qu'une offensive militaire dans le sud de la Syrie contre les kurdes du YGP (considérées comme terroristes selon Ankara) devrait être attendue. « S'il (le retrait des troupes américaines de Syrie, ndlr) est retardé avec des excuses ridicules qui ne reflètent pas la réalité du genre 'les Turcs vont massacrer les Kurdes', alors nous mettrons à exécution notre décision » de lancer une offensive dans le nord de la Syrie, a répondu le chef de la diplomatie turque, Mevlut Cavusoglu. Les Etats-Unis font un rétropédalage Voyant que la Turquie n'a pas mâché ses mots, les Etats-Unis ont essayé de calmer le jeu en commençant à reprendre les armes qui ont été octroyées aux milices kurdes et en annonçant qu'un début de retrait devait avoir lieu, alors que le calendrier du retrait est resté méconnu jusqu'alors. Mardi, la Turquie a lancé un ultimatum aux Etats-Unis pour se mettre en exécution les promesses du président Trump. « Ce que nous attendons, c'est que toutes les armes livrées soient récupérées », a déclaré le porte-parole de la présidence turque Ibrahim Kalin. S'exécutant, Washington a annoncé vendredi, que le matériel avait commencé à être retiré. Le ministère de la Défense américaine a néanmoins tenu à indiquer qu'il ne s'agissait que d'un retrait de matériel et non pas de soldats. Samedi, les chefs de la diplomatie turques et américaines ont tenu eu une discussion téléphonique portant sur le retrait américain. Mike Pompeo s'est déclaré « optimiste » à l'issue de cet entretien sur la possibilité d'arriver au « double objectif » de protéger les kurdes tout en garantissant aux turcs « le droit à défendre leur pays des terroristes ». « Beaucoup de détails restent à régler mais je suis optimiste quant à la possibilité de parvenir à un bon résultat », a-t-il dit. Mais lundi, la bataille est repartie de plus belle et cette fois, c'est le président américain lui-même qui a tancé la Turquie en deux tweets résumant la position américaine. Les Etats-unis vont « dévaster » économiquement la Turquie si elle s'en prenait aux kurdes. De même, les kurdes ne doivent pas provoquer les Turcs et, pour éviter les heurts, une zone tampon de 20 miles sera érigée en Syrie. Ankara a fait savoir qu'aucune menace ne faisait froid aux yeux des Ottomans et qu'ils continueront de combattre les kurdes. Malgré tout, la proposition de zone de désescalade semble avoir convaincu. Il restera à voir sur quelle note ce nouveau dossier se terminera. Les nouveaux amis-ennemis de l'Otan se feront-ils la guerre?