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Algérie-Mauritanie : La diplomatie algérienne en échec et prémices d'une crise?
Publié dans Hespress le 03 - 01 - 2025

L'Algérie se sent-elle menacée par l'alliance stratégie entre la Nouakchott et Rabat? C'est en tous cas ce que semble signifier la fuite en avant de la diplomatie algérienne qui a rappelé son ambassadeur en Mauritanie, sans aucune raison officielle.
Une décision pour le moins surprenante vient d'être prise par l'Algérie qui a rappelé lundi dernier son ambassadeur, Mohamed Benattou pour le remplacer par un chargé d'affaires.
Ce geste n'est pas des moindres, étant donné que Mohamed Benattou n'était pas n'importe quel diplomate. Il a été nommé ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire depuis plus de trois ans et répodnait parfaitement à sa mission. Il s'occupait entre autres de créer des alliances anti-marocaines en Mauritanie notamment à travers des Think Thanks, et était connu surtout pour ses relations conflictuelles et ses passes d'armes avec la presse mauritanienne qu'il juge « pro-marocaine ».
La diplomatie algérienne en difficulté à Nouakchott
Avec ce rappel, l'Algérie envoie un message évident aux autorités mauritaniennes, et cela trahit une tension palpable chez les dirigeants algériens qui voient venir des changements qui pourraient ne pas être à leur avantage.
Alger semble utiliser ce rappel d'ambassadeur comme un levier de pression, un mise en garde, ou même, comme un moyen d'anticipation. Au lieu de procéder au rappel de son ambassadeur « après » des événements qui ne seraient pas à son avantage, l'Algérie anticipe et laisse sa représentation diplomatique à Nouakchott gérée par une chargé d'affaires, soit à un degré bien moindre en langage diplomatique.
Ce geste s'explique par la succession de plusieurs événements qui montrent une prise de distance affirmée de la Mauritanie par rapport à l'Algérie, une orientation stratégique renforcée par le climat de méfiance et de rejet de l'influence voire de l'ingérence algérienne dans l'espace sahélo-saharien.
La difficulté de la diplomatie algérienne se ressent à travers ce rappel qui ne semble être motivé par aucune cause, officiellement. Il signifie encore une fois la diplomatie express et allergique d'une Algérie gouvernée par des militaires qui s'ingère dans la pratique diplomatique.
La décision de l'Algérie intervient quelques jours après la visite personnelle du président mauritanien au Maroc, où il a été reçu par le Roi Mohammed VI. Cet événement suffit à lui seul pour expliquer ce mouvement du côté d'Alger, mais d'autres raisons se cachent derrière cette décision incongrue.
Un mois de décembre chargé de sens
Ce mois de décembre écoulé a connu quelques événements phares qui portent en eux des indices des tensions entre Alger et Nouakchott et expliquent certainement les raisons de l'échec de la mission du diplomate algérien.
Début décembre, le président algérien Abdelmadjid Tebboune avait effectué une visite en Mauritanie pour assister à la Conférence continentale sur l'éducation, la jeunesse et l'employabilité, organisée par l'Union africaine. Alors que la visite devait avoir une très forte connotation symbolique puisqu'elle marquait le premier déplacement d'un président algérien en Mauritanie depuis 30 ans, les autorités mauritaniennes n'ont pas voulu donner à ce déplacement plus d'importance.
Tebboune n'a pas été reçu à l'aéroport par son homologue mauritanien, Mohamed Ould Ghazouani, mais par le Premier ministre et a été raccompagné de la même façon. Un choix protocolaire certainement logique étant donné que les autres chefs d'Etats africains ont été accueillis de la même manière, mais difficilement acceptable pour Alger qui a vu le président mauritanien accueillir personnellement Paul Kagamé, le président du Rwanda.
Cependant, le message que Nouakchott a voulu faire passer c'est que le déplacement d'Abdelmadjid Tebboune n'aura pas d'enjeu politique majeur qui pourrait perturber ses relations avec le Maroc.
A la-mi décembre, l'Algérie a a envoyé des militaires algériens faire une incursion de l'autre côté de la frontière pour menacer des orpailleurs mauritaniens. Là encore, la sagesse de la diplomatie mauritanienne a fait qu'elle a ignoré cet incident en en faisant un non-événement.
Suite à cela, le président mauritanien Mohamed Ould Ghazouani a procédé le 27 décembre, à une série de nominations au sein de la hiérarchie militaire, qui marquent un renouvellement de l'appareil militaire en particulier sécuritaire.
La lecture des nominations opérées montre que la nouvelle direction militaire devrait renforcer les capacités défensives et sécuritaires de la Mauritanie le long de ses frontières et les nominations dans le segment des renseignements signifient une volonté de renforcer la lutte contre les ingérences étrangères.
Ces nominations renouvelant le leadership militaire en Mauritanie, peuvent être considérées comme une riposte aux provocations algériennes d'autant plus que les personnes remplacées étaient jugées comme proches du régime militaire algérien.
Le Maroc « moteur » de la politique algérienne?
Aussi, faut-il rappeler que l'ombre du Maroc n'est jamais loin s'agissant des décisions prises par l'Algérie, tant sa politique étrangère ne sert qu'un objectif « anti-marocain ». La récente rencontre entre le Roi Mohammed VI et Mohamed Ould Ghazouani, est certainement annonciatrice de changements majeurs dans la région, y compris dans le dossier du Sahara.
Les autorités mauritaniennes qui n'ont jamais accepté que leurs relations avec Alger se fassent au détriment du Maroc, ont mis un point d'honneur à contrer les tentatives d'instrumentalisation du voisin de l'Est.
En effet, la Mauritanie ne tombe pas dans le piège algérien qui a tenté de renforcer son partenariat stratégique notamment en créant une balance commerciale qui sert l'économie mauritanienne, ou encore qui tenté d'inonder les marchés mauritaniens en fruits et légumes juste après avoir envoyé la milice du polisario bloquer les camions marocains à El Guerguerat, et plus récemment en assumant à ses frais la route reliant Tindouf à Zouerat.
L'Algérie avait également tenté de faire impliquer la Mauritanie dans son projet mort-né de bloc maghrébin sans le Maroc. Le 2 mars 2024, dans un geste d'une intelligence impeccable Mohamed Ould Ghazouani qui se trouvait à Alger pour assister au 7ème sommet des pays producteurs de gaz, a décliné l'invitation algérienne à une rencontre qui connaissait la participation de la Tunisie et de la Libye (qui a aussitôt regretté en envoyant une lettre au Roi Mohammed VI pour souligner son attachement à l'Union du Maghreb arabe entre autres, ndlr).
La prudence et la maturité de la diplomatie mauritanienne s'est manifestée par une prise de distance avec les séparatistes du polisario armés et financé par l'Algérie malgré que Nouakchott reconnait la pseudo « rasd ». Lors de la cérémonie d'investiture du président Ghazouani, celui-ci avait tout bonnement refusé de poser en photo avec le chef du groupe séparatiste tout en évitant de lui serrer la main devant les caméras, provoquant la colère du milicien.
In fine, la récente décision de l'Algérie de rappeler son ambassadeur en Mauritanie, bien qu'elle semble sans justification claire, illustre un climat de méfiance croissant entre les deux pays, alimenté par un recalibrage stratégique.
L'Algérie, minée par son isolement sur la scène mondiale, est déjà en difficulté sur plusieurs fronts diplomatiques et pourrait se voir confrontée à un réalignement des forces dans la région, notamment en ce qui concerne le dossier du Sahara, où l'implication du Maroc et de la Mauritanie pourrait redéfinir les rapports de force.


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