Les données préliminaires du Haut-Commissariat au Plan (HCP) issues du Recensement général de la population et de l'habitat (RGPH) de 2024 révèlent une tendance alarmante : un déclin marqué de la population dans les zones rurales de plusieurs régions du royaume sur la dernière décennie. Les analyses d'experts et de chercheurs spécialisés mettent en lumière des « facteurs objectifs » ayant contribué à cette dynamique, illustrant une mutation profonde du paysage démographique marocain. La comparaison avec les données du recensement de 2014 montre une baisse notable de la population rurale dans près de la moitié des régions du pays. Parallèlement, d'autres régions, en particulier celles bénéficiant d'une forte dynamique économique, ont vu leur population augmenter, bien que la croissance démographique y ait également ralenti. Selon les statistiques officielles, la population urbaine marocaine s'élève actuellement à 22,969,999 personnes, incluant 140,109 résidents étrangers. En comparaison, les zones rurales comptent 13,710,179 habitants, dont 8,043 étrangers. Cette répartition souligne l'attractivité croissante des villes par rapport aux campagnes. Certaines régions accusent une baisse marquée de leur population rurale. La région de Tanger-Tétouan-Al Hoceima a ainsi vu sa population rurale diminuer, passant d'environ 1,425,000 habitants en 2014 à 1,391,000 en 2024. La région de l'Oriental enregistre également un déclin, sa population rurale étant passée de 800,000 à 788,951 habitants au cours de cette période. La région de Fès-Meknès suit cette tendance, avec une baisse de 1,672,000 à 1,612,545 habitants. D'autres régions, comme Béni Mellal-Khénifra et Drâa-Tafilalet, connaissent également une diminution de leur population rurale, reflétant des changements socio-économiques qui touchent ces territoires autrefois densément peuplés. À Béni Mellal-Khénifra, la population rurale a reculé à 1,242,309 habitants contre 1,282,000 en 2014, tandis que Drâa-Tafilalet est passée de 1,074,270 à 1,047,439 habitants en dix ans. En revanche, certaines régions rurales continuent d'attirer des habitants. La région de Rabat-Salé-Kénitra, par exemple, a enregistré une hausse de sa population rurale, qui atteint désormais 1,505,000 habitants, contre environ 1,382,154 en 2014. Casablanca-Settat, avec une dynamique économique florissante, a vu sa population rurale grimper à 2,055,219 habitants, contre 1,810,990 dix ans plus tôt. La région de Marrakech-Safi, quant à elle, enregistre une croissance de sa population rurale de 2,582,553 à 2,643,439 habitants entre 2014 et 2024. La région de Dakhla-Oued Ed-Dahab connaît également une légère augmentation, atteignant 43,129 habitants, tout comme Laâyoune-Sakia El Hamra, qui est passée de 24,396 à 34,392 habitants en milieu rural. Face à ce déclin des campagnes, Zakaria Firano, professeur d'économie à la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales d'Agdal à Rabat, a analysé cette situation en évoquant « l'évolution du mode de vie dans les zones rurales marocaines« . « Historiquement, ces zones reposaient sur l'agriculture pluviale et l'élevage, fournissant ainsi une sécurité économique aux familles« , explique Firano dans une déclaration à Hespress. Toutefois, il souligne que les campagnes marocaines ont dû endurer six années consécutives de sécheresse, impactant durement les activités agricoles et modifiant le quotidien des ménages ruraux. Cette transformation a été accentuée par les crises successives, notamment la pandémie de Covid-19 et l'inflation galopante. En abordant l'exode rural, Firano observe que « l'expansion urbaine incite les travailleurs des campagnes à migrer vers les villes pour améliorer leurs conditions de vie« . Ce phénomène, largement motivé par la recherche de meilleures opportunités économiques, contribue au dépeuplement des zones rurales. Il mentionne également un facteur démographique majeur : la chute du taux de fécondité. « Les familles rurales avaient autrefois entre six et dix enfants, mais cette tendance a considérablement diminué, » note-t-il, tout en suggérant que le Maroc pourrait envisager une stratégie de développement tournée vers l'autosuffisance et la durabilité de ses villages.