Les récents événements à Rabat ont été marqués par une intervention musclée des forces de l'ordre contre des étudiants en médecine et des internes, pour la deuxième journée consécutive. Les manifestants, (étudiants, internistes, parents...) qui protestaient contre l'inaction du gouvernement face à leurs revendications vieilles de 10 mois, ont été dispersés devant la faculté de médecine et de pharmacie. Plusieurs étudiants ont été arrêtés, et des vidéos montrent des affrontements avec la police. Les autorités ont également interpellé certains parents présents pour soutenir leurs enfants. Pour la deuxième journée consécutive donc, les rues de Rabat sont devenues le théâtre d'une confrontation symbolique, mais terriblement révélatrice : d'un côté, des étudiants en médecine et des internes désespérés, réclamant justice pour des revendications restées lettre morte pendant près de dix mois. De l'autre, un État impassible, campé sur une position d'intransigeance, incapable d'écouter une jeunesse qui ne demande qu'à contribuer à l'avenir du Royaume, notamment dans un secteur aussi vital que celui de la santé. Feu sous la cendre : dix mois d'indifférence Le mouvement de protestation, qui ne cesse de s'amplifier, est né d'une frustration profonde face à l'inaction de l'Exécutif marocain, notamment en ce qui concerne les conditions de travail et de formation des futurs médecins. Les étudiants en médecine, épaulés par les internes, se battent pour une amélioration des conditions d'apprentissage et d'exercice. Ces revendications incluent, entre autres, un meilleur encadrement, des infrastructures adaptées et une revalorisation de leur statut. Des demandes qui, au fond, visent à répondre à un besoin criant dans le Royaume : celui de ressources humaines qualifiées dans le domaine de la santé. Pourtant, malgré l'évidence de la situation, la tutelle de l'enseignement supérieur semble jouer la montre. Chaque nouvelle manifestation, chaque sit-in dispersé par les forces de l'ordre, est une illustration supplémentaire de l'impasse dans laquelle se trouve le dialogue entre les autorités et les étudiants. Cela fait dix mois que le secteur souffre de cette crise, dix mois que l'Exécutif se contente de renvoyer les négociations à plus tard, dans un mépris total de la gravité de la situation. Secteur de la santé en détresse Le paradoxe est criant : alors que le Maroc manque cruellement de médecins, en particulier dans les zones rurales, et que l'accès aux soins est de plus en plus difficile, les futurs praticiens se voient négligés, voire méprisés. Le secteur de la santé est l'un des plus sous-dotés en termes de ressources humaines au Maroc, avec un nombre de médecins par habitant bien en deçà des normes internationales. Et pourtant, l'État semble vouloir faire l'économie d'un dialogue sincère avec ceux qui, dans quelques années, seront aux avant-postes de cette bataille pour la santé publique. Alors que le Royaume s'est engagé à renforcer son système de santé, notamment avec la généralisation de la couverture médicale, ces étudiants représentent une main-d'œuvre vitale pour l'avenir. Il est donc incompréhensible que leur formation soit compromise par une gestion administrative inerte, voire hostile. Le Maroc, aujourd'hui plus que jamais, a besoin de bras, de têtes, et de talents pour assurer la santé de ses citoyens. Ignorer cela, c'est hypothéquer non seulement l'avenir de ces jeunes, mais aussi celui de tout un système en quête de renouveau. Politique de la patience ou du mépris ? Le choix du gouvernement de jouer la carte de la patience — ou du mépris, selon certains — s'avère dangereux. Chaque jour où le dialogue est repoussé est un jour de plus, où les tensions s'accumulent, où l'espoir s'effrite chez ces jeunes futurs médecins. À Rabat, des parents, inquiets de voir leurs enfants malmenés par la répression policière, viennent en soutien, mais repartent souvent avec un goût amer face à l'absence de réponse de l'État. Ce n'est pas seulement une génération de médecins qui est en jeu, mais la stabilité même du secteur de la santé. Les manifestations de ces jeunes ne sont que la partie visible d'un problème plus vaste : l'inadéquation des politiques publiques face aux défis réels du terrain. Ignorer les cris d'alarme revient à creuser encore un peu plus le fossé entre une jeunesse en quête de justice et un État sourd à leurs aspirations. Une échéance qui ne peut plus attendre A l'heure où le Maroc se trouve confronté à des défis sanitaires colossaux, il est impératif que le gouvernement prenne enfin la mesure de la situation. La crise des étudiants en médecine n'est pas un simple conflit de génération, elle est le reflet d'une inadéquation profonde entre les politiques publiques et les besoins réels du pays. L'État doit cesser de temporiser, de retarder les échéances, et engager un dialogue sincère avec ces jeunes. Car derrière chaque blouse blanche, il y a un avenir qui se dessine, un avenir qui pourrait bien être celui d'un Maroc en meilleure santé.