Alors que le Royaume du Maroc poursuit sa lutte contre la corruption dans les hautes sphères politiques, une vague sans précédent de destitutions et d'élections partielles secoue le paysage national. Conformément aux instructions royales, les autorités judiciaires semblent fermement décidées à purifier la scène politique marocaine. Une entreprise désormais bien visible avec la multiplication des scrutins pour combler les sièges laissés vacants par des élus tombés en disgrâce. Campagne d'assainissement politique La « campagne d'assainissement », entamée depuis quelques années, prend une nouvelle ampleur. Elle se manifeste par des actions concrètes qui ne cessent de marquer les esprits. Il suffit de jeter un regard en arrière pour observer les récentes élections partielles à Rabat et Fkih Ben Saleh, ainsi que la destitution spectaculaire d'un président du Conseil communal à Kénitra, Anass Bouannani. Ce dernier, autrefois perçu comme un homme fort, a été rattrapé par les multiples enquêtes judiciaires qui ont fini par l'évincer, à l'instar de nombreux autres élus. Victoire symbolique pour le RNI Pourtant, malgré ces remous, la machine électorale continue de tourner, et les partis tirent profit de ces déboires pour renforcer leurs positions. A Rabat-Océan, le candidat du Rassemblement National des Indépendants (RNI), Saâd Benmbarek, s'est positionné en tête lors des élections partielles du 12 septembre 2024. Avec 46,42 % des voix, il a devancé largement les autres candidats, notamment ceux de l'Union socialiste des forces populaires (USFP), du Parti de la justice et du développement (PJD), et de la Fédération de gauche démocratique (FGD). Ces élections, rappelons-le, ont été organisées suite à l'invalidation de l'élection d'Abderrahim Ouasslim, également membre du RNI, déchu de son mandat pour émission de chèques sans provision. Ce scandale, qui avait jeté une ombre sur le parti majoritaire de l'Exécutif, le RNI, semble aujourd'hui surmonté grâce à la victoire de Benmbarek, coordinateur régional et avocat de formation. Le RNI et ses alliés, le PAM et l'Istiqlal ont d'ailleurs fait preuve de discipline en décidant de ne pas présenter de candidat concurrent, préférant soutenir Benmbarek pour maintenir le siège RNIste. Fkih Ben Saleh : autre victoire pour le parti de la Colombe, le RNI Le même jour, à Fkih Ben Saleh, un autre scrutin partiel a vu la victoire d'un autre candidat RNI, Saleh Hanine. Ce dernier remplace Kamal El Mahfoud, lui aussi déchu de son mandat pour une affaire de chèques sans provision. Une affaire similaire à celle qui avait secoué Rabat, et qui avait conduit El Mahfoud à être condamné par la justice en 2022, puis définitivement évincé après une décision de la Cour constitutionnelle en mai 2024. Le RNI confirme ainsi sa place de première force politique au Parlement. Ce succès, cependant, ne serait pas complet sans le soutien de ses partenaires au sein de la majorité gouvernementale, à savoir l'Istiqlal et le Parti Authenticité et Modernité (PAM). Les trois formations ont respecté les accords passés, évitant toute confrontation lors de ces élections. A Rabat comme à Fkih Ben Saleh, l'Istiqlal et le PAM n'ont pas présenté de candidats, préférant appeler leurs électeurs à voter en faveur des représentants du RNI. Une stratégie qui a largement payé. Un faible taux de participation : le revers de la médaille Toutefois, tout n'est pas rose dans cette dynamique électorale. Le taux de participation, lors des élections partielles, reste dramatiquement faible. À Rabat-Océan, seulement 7 % des électeurs se sont rendus aux urnes, contre 31,82 % lors des élections législatives du 8 septembre 2021. Ce faible engouement traduit une lassitude généralisée de l'électorat marocain, souvent désabusé par les scandales à répétition et les promesses non tenues. Ces élections partielles, qui deviennent monnaie courante, ne sont pas le fruit du hasard. Elles témoignent de la volonté farouche du Royaume de faire le ménage parmi les représentants du peuple. De nombreux élus, accusés de malversations et de crimes divers, se retrouvent sur le banc des accusés ou pire, derrière les barreaux. Confiance ébranlée et défi pour la classe politique Le problème va bien au-delà des élections. La confiance du public envers ses élus est mise à rude épreuve. A chaque nouvelle destitution, c'est la crédibilité de l'ensemble du système politique qui est remise en question. Pour espérer un véritable renouveau, le Royaume devra persévérer dans sa quête de transparence et de bonne gouvernance, tout en s'assurant que les institutions politiques ne deviennent pas des terrains fertiles pour les abus. La classe politique marocaine se trouve aujourd'hui à un carrefour. D'un côté, une campagne d'assainissement qui, bien que nécessaire, expose les failles du système et contribue à la perte de confiance du public. De l'autre, une série de victoires électorales qui, paradoxalement, renforcent la légitimité des partis au pouvoir. Le défi sera de trouver un équilibre entre moralisation de la vie publique et politique et renforcement de la participation citoyenne, afin de restaurer une confiance durable entre élus et électeurs.