Les agriculteurs espagnols, qui mènent depuis quelques semaines des campagnes sauvages de destruction de marchandises marocaines, continuent leur offensive exigeant désormais d'être présents lors des contrôles de cargaisons de fruits et légumes en provenance du Maghreb. Mais par Maghreb, ils entendent surtout le Maroc, puisque c'est le seul pays de la région d'Afrique du nord qui les dérange en leur faisant directement de l'ombre grâce à des produits qualitatifs et compétitifs. Dans leur effort de pression, les agriculteurs espagnols ne savent plus à quel saint se vouer. Ils tentent aveuglément toutes les options devant eux pour faire du bruit. Initialement en colère parce que le Maroc leur a fait directement concurrence sur des segments qu'ils croyaient acquis et exclusifs, notamment en termes d'exportation de tomates vers l'Union européenne (UE), ils tentent aujourd'hui de remettre en cause la « qualité » des produits issus de l'agriculture marocaine. La violente charge des agriculteurs espagnols contre les cargaisons de produits frais marocains visait surtout à détruire ces produits afin qu'ils ne puissent pas entrer dans le circuit européen et être vendus, de sorte à ce que les consommateurs se tournent exclusivement vers les produits espagnols. Mais devant la réponse du Maroc qui a annoncé enclencher les circuits diplomatiques et qui a rappelé les normes européennes et les accords liant le Royaume et l'Union européenne, ces agriculteurs ont compris que leur guerre lancée contre le Maroc était plus grande qu'eux, puisqu'il ne s'agit pas d'accords négociés avec l'Espagne mais avec les 27 pays de l'UE. Bloquer et détruire les marchandises marocaines entrant sur le sol européen vers leur point d'accès, à savoir l'Espagne, était une mesure limitée dans le temps, d'autant plus qu'aujourd'hui, la COMADER, qui représente les agriculteurs marocains, compte porter plainte contre les agriculteurs espagnols et bien évidemment, les agresseurs ne resteront pas impunis. Face à ce retournement de situation, surtout après le silence du Maroc pendant près de deux semaines de charges violentes, les agriculteurs espagnols se sont trouvés une nouvelle stratégie. Elle vise à critiquer et remettre en cause la qualité des produits marocains en supposant qu'ils ne respecteraient pas les normes européennes. Ainsi, leur dernière salve désespérée et populiste voudrait qu'ils assistent avec les associations de consommateurs, lors du contrôle des produits importés de l'étranger, « en particulier ceux qui proviennent d'Afrique du Nord », à savoir du Maroc, d'Algérie et de Tunisie, note un média ibérique. Pour le secteur agricole, les contrôles aux frontières devraient avoir « une coresponsabilité pour rassurer à la fois les consommateurs et les producteurs », indique le site espagnol OKdiario, citant Luis Cortés, coordinateur étatique de l'Unión de Uniones, la deuxième association agricole la plus représentative d'Espagne. Le représentant estime que cela devrait permettre d'« empêcher l'entrée de produits non conformes aux normes sanitaires européennes », comme si les contrôles aux frontières étaient inexistants. Mais cette question avait été anticipée par les autorités marocaines. Lors de la conférence de presse conjointe, lundi dernier, avec son homologue français, Stéphane Séjourné, Nasser Bourita avait parfaitement résumé les tentatives des agriculteurs et des médias espagnols concernés. « On nous présente l'Union européenne comme une sorte de passoire où tout rentre sans problème, or, on a négocié des quotas, des normes phytosanitaires, et l'Union européenne a été très tatillonne dans les conditions », avait-il dit. « La présence de représentants des agriculteurs doit être autorisée lors du prélèvement d'échantillons et de l'analyse des résultats des produits », se défend le délégué agricole espagnol, déclarant qu'avec cela, « nous serions tous beaucoup plus calmes ». Et l'auteur de l'article d'ajouter: « Autrement dit, les travailleurs agricoles ne font pas confiance aux procédures mises en œuvre par l'exécutif et demandent à pouvoir les réviser ». Aussi bizarre que cela puisse paraître, le représentant des agriculteurs espagnols semble vouloir dire qu'ils ne font pas confiance au gouvernement espagnol, selon l'analyse du journaliste auteur de l'article. Or, ce que le journaliste et l'agriculteur semblent oublier, c'est que ce ne sont pas des agents du gouvernement espagnol qui inspectent les légumes en provenance des pays tiers. Ce sont des employés des institutions espagnoles, des personnes qualifiées et habilitées et homologuées par les instances ibériques et européennes, pour vérifier les cargaisons et procéder aux tests sanitaires, et ce n'est pas du ressort des agriculteurs de venir inspecter les produits agricoles d'autres pays. Cette formule montre clairement que ces agriculteurs n'ont aucune connaissance des usages et protocoles sanitaires européens, qui vont au delà de leurs prérogatives. Mais leur jalousie vis à vis des produits marocains est connue depuis longtemps, rien de nouveau jusqu'ici. Par contre, le travail des médias ibériques ne se limite pas à relayer les charges contre les cargaisons marocaines, mais semble jeter de l'huile sur le feu de « conflit ». Ils présentent les faits d'une manière manifestement erronée de sorte à enlever toute responsabilité vis-à-vis de ces agriculteurs qui doivent être punis par la loi. De plus, ils négligent ouvertement le fait que le Maroc et l'Union européenne sont liés par des Accords commerciaux, par des quotas, des règles extrêmement bien définies, des cahiers de charges, et les cargaisons se font contrôler deux fois plus puisqu'elles doivent obéir aux normes de l'ONSSA et celles de l'Union européenne pour pouvoir être exportées, sans oublier le contrôle strict qu'elles subissent dès qu'elles quittent le territoire national. Ils oublient également que dès lors qu'une cargaison est suspecte ou ne présente pas les normes européennes, elle est détruite ou refoulée. Toutes ces choses sont notées et officiellement présentées sur les portails européens, notamment celui de la Commission européenne, le RASFF, le réseau d'alerte rapide européen pour l'alimentation humaine et animale qui publie régulièrement les notifications concernant les aliments n'entrant pas dans les normes européennes. En pleine crise de sécheresse au Maroc et dans un contexte de hausse des prix des denrées alimentaires à cause de la rareté de l'eau, voir des images de tonnes de légumes parfaitement sains se faire détruire par un gang d'agriculteurs espagnols jaloux par la concurrence marocaine, est un spectacle qui fait mal au coeur. Détruire, de manière gratuite et méchante, des quantités énormes de produits alimentaires frais, cultivés alors que le pays est en pleine sécheresse, relève de la barbarie et de l'inconscience, d'autant plus qu'il existe aujourd'hui plus que jamais une crise alimentaire mondiale et l'accès aux aliments frais est devenu difficile.