Les premières Assises du féminisme ont eu lieu à Rabat. Organisées le samedi 16 décembre par l'Association pour la promotion de la culture de l'égalité (APCE), dans le but de susciter des débats et des échanges autour du statut des femmes dans le Royaume. Elles se sont tenues, avec la participation de militants, historiens, sociologues, juristes et islamologues, Aïcha Zaïmi Sakhri, fondatrice des Assises du féminisme, aspire à unir les voix du mouvement féministe. Elles visent à faire de cet événement un rendez-vous annuel où toutes les perspectives sont représentées. Pour cette première édition centrée sur le Code de la famille, actuellement au cœur de l'actualité du Royaume, l'espoir est de formuler des revendications communes qui pourraient avoir un poids significatif. Le thème choisi était naturellement axé sur la réforme du Code de la famille, intitulé « Quelle réforme du Code de la famille ? ». En effet, le Maroc se prépare à amender ce texte près de vingt ans après son adoption, l'objectif étant d'instaurer davantage d'égalité entre les sexes. Lors de cet évènement, on a cru percevoir quelques appels à la « laïcisation » du Code de la famille exprimés par plusieurs dirigeantes du mouvement des femmes « progressistes ». Autre appel tout juste déguisé et perçu en tant qu'écho favorable dans l'auditoire, celui de la « sécularisation » de la Moudawana. Mais en général, les revendications incluent des demandes telles que l'interdiction du mariage des mineurs, l'égalité en matière d'héritage et l'interdiction de la polygamie. Cependant, ces aspirations se heurtent aux traditions religieuses profondément enracinées dans le Royaume. Dans le même contexte, la représentante de l'Union d'action féministe (UAF) a souligné que l'actuel code de la famille contribue au maintien d'une situation sociale précaire pour les femmes, indépendamment de leur statut social. Elle a critiqué la philosophie du code, affirmant qu'elle est liée à l'appauvrissement des femmes marocaines à tous les niveaux. L'orientation laïque était une tendance marquée dans les interventions des participantes à la « Conférence féministe », qui ont également critiqué certains concepts juridiques du code, tels que « plaisir » et « tutelle », les considérant comme dévalorisants pour les femmes Yasmine Chami, romancière et militante associative, a préconisé la nécessité de « différencier le Code de la famille, qui encadre les relations familiales, de la charia et de tout ce qui concerne le sacré ». La réforme du Code de la famille, demandée par le roi Mohammed VI en août 2023, est très attendue, particulièrement par Amina Lotfi, présidente de l'Association démocratique des Femmes du Maroc (ADFM) à Rabat. Elle exprimait là, l'opportunité actuelle d'instaurer un code favorisant la parité, l'égalité, la justice sociale, et assurant la protection des femmes, des hommes et des enfants contre toutes formes de violence et de discrimination : « Nous ne devons pas perpétuer la relation dialectique entre la famille et le religieux », a-t-elle déclaré, notant que le comité consultatif, qui a été chargé d'amender le Code du statut personnel en 2003, « s'est heurté à un dogmatisme qui s'opposait à toute modification des dispositions qui poussent à l'émancipation des femmes ». La présidente de l'ADFM, Amina Lotfi, a déclaré que la modification du Code de la famille nécessite une approche holistique afin d'amender et d'harmoniser toutes les lois avec la Constitution et les obligations internationales du Maroc, ajoutant : « Le code ne devrait pas être amendé cette année, puis le code pénal l'année prochaine, mais toutes les lois devraient être modifiées avec une approche holistique pour parvenir à l'égalité des sexes », plaidant ainsi pour une réforme globale plutôt que des modifications ponctuelles. Pour sa part, la réalisatrice, écrivain et présidente de l'Association Joussour, Forum des femmes marocaines, Khaoula Assebab Benomar, a déclaré pour ce qui est de la Moudawana et des appréhensions de la société marocaine à l'égard du nouveau texte du Code de la famille, que "la lutte du mouvement des femmes pour amender le code de la famille vise à rétablir l'équilibre entre les genres dans notre société en vue d'un changement fondamental" soulignant cependant que "les déséquilibres actuels et l'aspiration à une société équitable envers les femmes et les hommes demeurent". Benomar estime que ces modifications nécessitent "le soutien d'intellectuels et des campagnes de sensibilisation afin de promouvoir les valeurs défendues par le mouvement des femmes et de changer la culture dominante dans la société". Rabia Naciri, professeure d'université et ancienne membre du Conseil national des droits de l'homme, quant à elle, a commenté l'amendement du Code du statut personnel, soulignant que le passage à l'actuel Code de la famille en 2004 a été un tournant important. Cependant, elle a estimé que le changement apporté par le législateur a été modeste et n'a pas été assez audacieux dans la réforme. Naciri a critiqué le texte du code, soulignant son attachement au paradigme de la tutelle masculine et de la famille patriarcale élargie. Elle a examiné plusieurs questions, dont l'innervation, l'interdiction de l'héritage entre musulmans et non-musulmans, et le refus d'hériter d'un enfant né d'une relation sexuelle illicite. Naciri a souligné que le système d'héritage en vigueur au Maroc, dérivé de la loi islamique, traverse une crise, notamment en raison de la dualité entre la Constitution, qui stipule la suprématie des conventions internationales, et la réalité où cette priorité n'est pas respectée sous prétexte de préserver l'identité nationale.