Le bureau du cabinet new-yorkais Mckinsey & Company à Casablanca a publié les conclusions de son 8ème rapport annuel sur l'industrie bancaire intitulé « Nouvelles règles pour un vieux jeu: les banques dans le monde en mutation de l'intermédiation financière« . Il porte une analyse sur les mutations structurelles d'un secteur fortement impacté par les innovations technologiques. « Dans un contexte post-crise où les acteurs ont réduit leur exposition au risque, où la croissance des revenus se tasse« , McKinsey distingue trois niveaux de rationalisation des services et quatre grandes orientations stratégiques pour aider les banques à se réinventer dans ce nouvel environnement. Depuis la crise financière, estime le cabinet, « les institutions bancaires et les régulateurs ont ensemble amélioré la sécurité de l'ensemble du système bancaire« . Le diagnostic effectué souligne qu' »au niveau mondial, le ratio moyen des fonds propres de base « Core Tier 1 » qui mesure le niveau de sécurité des banques face au risque systémique s'est largement renforcé« . Dans le même temps, on apprend que la capitalisation boursière du secteur est passée de 5 800 milliards de dollars en 2010 à près de 8 500 milliards en 2017 au niveau mondial. Ceci étant, « la croissance du secteur se tasse avec des revenus qui ont crû seulement de 2 % par an sur les cinq dernières années alors que la croissance annuelle historique s'approchait plutôt des 5 à 6 % » rapporte le cabinet. Et la rentabilité des capitaux propres (Return on Equity, ROE) est restée proche du coût du capital, selon le même rapport. C'est aussi le cas au Maroc, précise McKinsey, « où le Core Tier 1 est passé de 9,5% en 2007 à 11,0% en 2017« . Le rapport estime que le pays « connait aussi un ralentissement de la croissance du secteur bancaire » (TCAM de 9,6% p.a. entre 2007-2012 vs. 4,1% p.a. entre 2012-2017 en terme du total bilan). Pour se relancer, le cabinet note que « les grandes banques marocaines sont en train de chercher des opportunités de croissance et des ROE plus élevés à l'extérieur du Royaume » (avec l'exemple de l'acquisition récente de BCP du portefeuille Afrique de BPCE, qui répond au mouvement d'expansion en Afrique initié par Attijariwafa bank et BMCE il y a plusieurs années). Face au risque de désintermédiation, le rapport a identifié trois dimensions d'optimisation des services bancaires. Partenairer de McKinsey Casablanca d'où il dirige le pôle de compétences Institutions Financières du cabinet en Afrique, François Jurd de Girancourt constate que « le rapport examine trois facteurs: l'innovation technologique, l'évolution de l'environnement réglementaire et les comportements des utilisateurs qui redéfinissent la structure du marché des intermédiaires financiers et le rôle des banques dans ce système. Ces trois facteurs ouvrent ce système d'intermédiation financière à de nouveaux entrants, y compris d'autres grandes institutions financières, des fintechs, des entreprises technologiques et des opérateurs télécoms ». « Pour le Maroc, où les paiements en espèces représentent encore un volume de transactions de plus de 400 Md MAD / an, soit plus de 85% de l'ensemble des transactions, l'enjeu de l'intermédiation des paiements est encore plus important. Des mesures ont été prises pour réintermédier les paiements en cash » poursuit l'expert. Il donne l'exemple de la récente inauguration du switch par Bank Al Maghrib et l'Agence nationale de réglementation des télécommunications (ANRT), pour permettre les paiements mobiles 'm-wallet'. Mais aussi qu' »en 2019, fin de la déductibilité du résultat fiscal des charges réglées en espèces servira à lutter contre l'informel et certaines pratiques frauduleuses (limite de 10.000 DH par fournisseur et par jour)». Des études de cas sont détaillées dans le rapport pour illustrer le changement de structure du marché déjà en cours (comme le courtage actions, prêts à la consommation en Europe, paiements en Chine etc.) 3 niveaux d'intermédiation et 4 options stratégiques McKinsey, identifie dans son rapport trois niveaux d'intermédiation possibles pour les services bancaires : – Un premier niveau où l'intermédiation serait rendue virtuellement invisible pour les clients notamment pour les opérations du quotidien (dépôts, paiements, emprunts) – Un deuxième niveau où le conseil et le relationnel prédominent (banque de financement et d'investissement, gestion de fortune, prêts aux entreprises, traitement des réclamations des clients). Dans ce cas de figure, « les leaders utiliseront l'intelligence artificielle pour améliorer radicalement les interactions humaines sans s'y substituer totalement ». – Un troisième niveau autour des services B2B qui se distinguent essentiellement par la recherche d'économies d'échelles (les marchés de capitaux, les paiements Corporate transfrontaliers, les activités de Trade Finance). Le cabinet remarque en ce sens que « l'intermédiation y sera largement automatisée et portée par des technologies efficaces et faibles en coûts« . McKinsey distingue également quatre options stratégiques que les acteurs bancaires pourraient suivre : – La banque innovante qui orchestrera toute la chaîne de valeur, misera sur un écosystème de plateformes digitales et collaborera avec la nouvelle génération d'acteurs de paiements dématérialisés – La banque proposant une offre plus industrialisée et qui misera sur des produits simples et la réduction des coûts – La banque spécialisée sur un segment spécifique qui ciblera une clientèle et/ou un service de niche en offrant une proposition de valeur sur-mesure – La banque universelle traditionnelle mais entièrement optimisée et digitalisée qui investira massivement dans les technologies pour améliorer ses performances. Pour François Jurd de Girancourt, « La question fondamentale est de savoir si les banques seront en partie désintermédiées, ou si elles peuvent au contraire renforcer leur rôle dans le nouveau paysage financier. De notre point de vue, le besoin en matière d'intermédiation continuera à subsister notamment sur la dimension fondamentale de gestion du risque dans la durée ».