En Espagne au lendemain d'un scrutin qui laisse tout le monde sur sa faim, l'investiture de l'un ou l'autre des deux leaders des blocs de droite ou de gauche est loin d'être gagnée. Devant ce doute cartésien, d'aucuns s'interrogent si l'on devrait assister à l'élection du nouveau président ou à une éventuelle répétition électorale. Si pour l'un, Alberto Nunez Feijoo la victoire est amère puisque que pour gouverner il lui faudra s'ouvrir à d'autres idéologies partisanes que les siennes, pour l'autre, le socialiste Pedro Sanchez, au-delà du mérite d'avoir résisté à un raz de marée annoncé, ne semble pas non plus être en mesure de former un gouvernement. Dans l'affaire, certes, le candidat conservateur est bien arrivé en tête, (33% des voix et 136 députés (sur 350)), mais ces données ne sont à la hauteur ni de ses objectifs ni de ses ambitions. Même allié à l'extrême droite (Vox 33 sièges), le Parti populaire (PP) ne peut espérer gouverner. Pour le PSOE (Parti Socialiste Ouvrier Espagnol – 32 % des voix et 122 députés) avec son partenaire de la gauche alternative (radicale et écologiste), Sumar (31 députés) et éventuellement avec les indépendantistes basques et catalans et d'autres (28 sièges), pour peu que les rallier à sa cause et le voilà une fois de plus au gouvernail. Mais ceci est dans l'absolu. Cela dit, un délai de près d'un mois est désormais ouvert jusqu'à la constitution du Congrès, prévue le 17 août, avant la convocation de la séance plénière d'investiture quelques jours plus tard. Au cours de cette période d'attente si l'on peut dire, des négociations de part et d'autre vont s'ouvrir désormais entre les différents partis pour former le nouveau gouvernement. Elles ont débuté d'ailleurs dès ce lundi avec l'espoir de déboucher sur l'élection d'un président fin août ou début septembre. Mais qu'on se le dise ! la lecture des résultats dans cette "auberge espagnole" par extension soit-dit, laisse surtout présager une forte possibilité d'une répétition électorale entre novembre et fin décembre. Dans les deux autres cas de figure, et surtout dans celui du bloc de gauche qui aurait le plus de probabilités d'aboutir par rapport à son rival, il est un hic ! et qui se trouve en Catalogne un fief de la gauche tous mouvements confondus où elle est au demeurant largement majoritaire (près de 49% des voix). Ceci étant, pour pouvoir aspirer à gouverner, Pedro Sanchez devra faire avec la formation séparatiste de droite Junts (7 sièges au parlement), créée par l'ancien président catalan Carles Puigdemont après qu'il ait fui la justice espagnole pour la Belgique en 2017. Pedro Sanchez pour prétendre à sa propre reconduction à la présidence de l'Exécutif espagnol devra convaincre les sept députés de ce parti de s'abstenir lors du vote d'investiture. Ce scénario, à priori improbable, n'est pas une évidence. En dehors de cette éventualité, l'Espagne, qui a conduit quatre élections générales entre 2015 et 2019, se retrouverait dans une nouvelle situation de blocage politique qui pourrait amener un nouveau scrutin. On le voit donc, c'est extrêmement étriqué entre blocs de droite et de gauche et le risque d'un blocage institutionnel est bel et bien réel dans cette auberge politique espagnole. C'est également le signe de la profonde division de la société espagnole. Le président de Vox (extrême droite), Santiago Abascal, résume à lui seul cette situation: « Non seulement Pedro Sanchez peut bloquer le Parlement, mais il peut aussi obtenir l'investiture avec le soutien du séparatisme et du terrorisme (...) L'Espagne va résister. Nous sommes prêts pour rester dans l'opposition ou à la répétition des élections ». Pour ce « on refait le match » bien typique que les Espagnols connaissent déjà, retourner aux urnes moins de six mois après avoir voté pour cause de blocage institutionnel n'est qu'une accoutumance, un déjà-vu. Que ce soit Feijoo ou Sanchez qui soit aux commandes, le fait de ne pas avoir une majorité propre prête au chahut dans les deux chambres (Congrès et Sénat 350 députés à la chambre basse et 265 sénateurs) issues de ces élections anticipées. Si deux mois sont écoulés depuis le premier vote d'investiture et qu'aucun candidat proposé n'a obtenu la confiance du Congrès, le président de la Chambre soumet le décret de dissolution des « Cortes Generales » et convoque les élections. En attendant on tente de démêler tout ça et déjà on s'est lancé dans des tractations entre partis. C'est le journal américain "The New York Times" qui résume le mieux cette situation : « Le résultat non concluant de dimanche conduit l'Espagne à +un gâchis politique+ ».