Bien que nous soyons toujours au début du processus de transition du secteur marocain du textile vers plus de durabilité, force est de constater que l'ère du modèle de production linéaire de cette industrie touche à sa fin. Un avenir tout vert se profile à l'horizon ! Pour le Maroc, le besoin de transformer ce secteur stratégique de manière à ce qu'il applique les principes de circularité semble manifeste, notamment après l'adoption, par la Commission Européenne de sa « stratégie pour des textiles durables et circulaires », visant à rendre la totalité des produits textiles présents sur le marché de l'Union européenne (UE) plus écologiques et circulaires tout au long de leur cycle de vie. Quoique difficile à opérer, cette transformation, imposée à la fois par l'urgence climatique et par le besoin de se conformer à la réglementation de plus en plus contraignante de l'UE en matière de circularité et de durabilité, reste abordable et atteignable, eu égard à l'ensemble des atouts dont jouit le Royaume. « Le Maroc est bien placé pour réussir cette transition, en particulier grâce à la prise de conscience pleine et entière de tous les acteurs du secteur, autant privés que publics, et leur étroite collaboration », affirme le responsable régional en charge de l'investissement à la Société financière internationale (IFC), Thomas Pellerin. Du linéaire au circulaire : tirer parti des nouvelles opportunités De l'avis de l'expert, il est nécessaire que le secteur marocain du textile et de l'habillement évolue pour tirer parti des possibilités offertes par la restructuration des chaînes logistiques mondiales et tienne compte des exigences que le pacte vert pour l'Europe – un ensemble de mesures visant à engager l'UE sur la voie de la transition écologique – imposera aux produits importés dans l'UE d'ici à 2030, en particulier celles spécifiant que les produits textiles doivent autant que possible être fabriqués à partir de fibres recyclées. « Près de 78 milliards de dollars sont nécessaires pour verdir l'industrie marocaine et mobiliser l'investissement, en faveur, entre autres, d'un textile durable et compétitif, selon la Banque mondiale », a-t-il souligné, notant que cela représente un investissement annuel de 3.5% du PIB d'ici 2050, qui se place au cœur de la stratégie d'IFC au Maroc. A ce titre, le responsable a mis en exergue les principales mesures, issues de la récente étude thématique réalisée par l'IFC, que le Maroc doit adopter pour réussir la transformation verte de l'industrie textile, dont la nécessité de mettre en place la récupération systématique des déchets post-industriels, et établir des usines modernes de collecte et de recyclage à plus grande échelle. Il s'agit, en outre, de bâtir localement une filière amont (fil, tissu, impression, teinture) qui assure la traçabilité pour les marques, et accroître la collaboration entre les entreprises locales en amont de la chaîne pour satisfaire aux règles d'origine et de transformation pour l'accès préférentiel à l'Europe, a-t-il poursuivi. Et de noter qu'il est aussi question d'investir dans l'innovation et la technologie, ainsi que de créer de nouveaux partenariats avec des acheteurs qui appuieront la transition du secteur d'un modèle CMT (coupe-assemblage-finition/Cut, Make and Trim) à un modèle full production package, un enjeu dont l'Association Marocaine des Industries du textile et de l'Habillement (AMITH) se saisit pleinement et activement. Place à l'action ! « La transition circulaire ne se fera que par la collaboration et la fédération des efforts, des expériences et des expertises. La transition circulaire repose sur une vision et un engagement commun pour positionner le Maroc comme un partenaire vert, durable et incontournable pour les acheteurs internationaux », a indiqué Thomas Pellerin. A ce titre, un accord de coopération avec le ministère de l'Industrie et du Commerce et l'AMITH visant à promouvoir la transition du secteur, tout en renforçant la place du Maroc dans les chaînes logistiques mondiales, a été signé en avril dernier. Cet accord permettra, d'après lui, notamment de jeter les bases d'une filière de recyclage du textile post-industriel et de mobiliser l'investissement privé pour faire du textile au Maroc une industrie plus durable. Et de rappeler le lancement d'un groupe de travail, le Tanger Circularity Exchange, pour rassembler autour d'une même table les différents acteurs concernés, à savoir les fabricants (chaîne et trame, maille, denim) ; les collecteurs de déchets textiles (formels et informels) ; les trieurs ; les recycleurs (coton, poly et mixtes) ; les fileurs et les tisseurs ; ainsi que les acheteurs tous ces acteurs. « Nous œuvrons à la mise en place d'actions concrètes pour amorcer cette transition circulaire : définir des actions pilotes, renforcer les mécanismes de tri et de collecte des chutes textiles, définir l'offre de textile circulaire que le Maroc peut fournir, réfléchir à l'intégration des plus petits fabricants dans cette filière de recyclage« , a-t-il assuré, faisant savoir qu'une première réunion est prévue à Tanger d'ici à octobre 2023.