C'est « une situation sans précédent » selon l'ONG française Médecins sans frontière (MSF) qui a dénoncé dans un communiqué ce 16 mars « l'abandon » de milliers de migrants expulsés par l'Algérie présents à Assamaka, ville de la région d'Agadez dans le nord du Niger. Et, en parallèle, sur les rivalités et les haines longuement recuites qui bouillonnent dans la marmite culturelle des dirigeants de la junte militaire à l'égard de ses voisins, ce sont, « Des milliers de migrants expulsés d'Algérie et abandonnés dans le désert (dans le nord) du Niger sont bloqués, sans accès à un abri, à des soins de santé, à la protection et aux produits de première nécessité », affirme l'ONG dans son document. Le Niger pays enclavé d'Afrique de l'Ouest, à la lisière sud du désert du Sahara est bordé par la Libye et l'Algérie au nord, le Bénin et le Nigéria au sud, le Burkina Faso au sud-est, le Mali à l'ouest et le Tchad à l'est. Il se situe le long de la frontière entre les régions sahariennes et subsahariennes, et les 4/5èmes de son territoire sont des déserts arides. Le fait que ce pays ne contrôle pas réellement sa frontière avec l'Algérie, cela signifie de facto pour le Niger, un flux de migrants refoulés en continu. En effet, chaque année l'Algérie ne se prive pas de "déposer" en plein désert du Sahara dans un lieudit "Point-Zéro" qui marque la frontière entre les deux pays et indépendamment de leur nationalité des milliers d'Africains subsahariens expulsés. Ces derniers, propulsés on sait où dans un no man's land, se retrouvent alors à au moins, une dizaine d'heures de marche du premier camp de transit, Assamaka sur l'axe Assamaka – Arlit – Agadez qui au demeurant, sont tous débordés par des vagues de refoulements successives. Le Niger est également un pays de transit pour la migration clandestine et ce sont près de 25 nationalités (Mali, Guinée, Burkina, Sénégal, Bénin, Côte d'Ivoire, Gambie, Soudan, Nigéria, Cameroun, Sierra-Léon...), à la recherche de l'Eldorado, qui passent par son territoire en route, vers le nord et le Maghreb considéré comme la dernière étape africaine avant le Vieux Continent. « Entre le 11 janvier et le 3 mars 2023, 4 677 personnes en situation de migration sont arrivées à pied à Assamaka », précise MSF qui ajoute que « moins de 15% d'entre elles ont pu bénéficier d'un abri ou d'une protection à leur arrivée ». Le Centre de santé intégré (CSI) d'Assamaka, dans lequel MSF « distribue des articles non alimentaires » et propose des « consultations gratuites » de santé, est « débordé ». MSF indique que dans le camp à Assamaka la chaleur » peut « atteindre 48°C », et les gens dorment dans des « tentes de fortune », « devant la maternité, sur le toit ou dans la zone de déchets et autres endroits peu hygiéniques, exposés à des risques sanitaires tels que les maladies contagieuses et infections cutanées ». MSF interpelle la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) pour une réponse humanitaire d'urgence. En juin 2022, MSF avait estimé que plus de 14.000 personnes avaient subi le même sort depuis le début de l'année à 15 km d'Assamaka, et 27.208 en 2021. En juin, l'organisation Médecins sans frontières (MSF) avait dénoncé « les traitements inhumains » infligés à des migrants ouest-africains cherchant à gagner l'Europe et dont « environ 2 000 » sont « en moyenne mensuellement » refoulés de l'Algérie et de la Libye vers le Niger voisin. MSF a recensé 23 171 migrants expulsés en 2020. Selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) présente au Niger, et qui tente de leur apporter assistance « Les migrants qui souhaitent intégrer notre programme d'aide au retour volontaire peuvent être admis au niveau de notre centre de transit d'Assamaka », a assuré l'organisation. Pour l'OIM depuis quelques semaines, le rapatriement des migrants expulsés d'Algérie vers le Niger se fait au compte-goutte et les camps de transit sont ainsi débordés. C'est le parcours du combattant pour les migrants qui entre soubresauts géopolitiques, complications consulaires, et difficultés logistiques, doivent également subir de longues attentes car le flux d'arrivants expulsés d'Algérie ne cessant de grossir. La capacité quotidienne du traitement des dossiers pour l'OIM étant d'une centaine. A peine les a-t-elle eu le temps d'en traiter mille en dix jours et de rapatrier les migrants que l'Algérie en renvoie d'autres souvent en nombre bien supérieur. Du coup l'OIM se retrouve noyée dans un millier de dossiers au moins, d'où un réel problème de blocage et de retard. D'après les Nations unies, l'Algérie a expulsé depuis 2014 des dizaines de milliers de migrants irréguliers originaires d'Afrique de l'Ouest et centrale. Le pays est considéré par les migrants subsahariens comme un pays relativement riche et un point de transit vers l'Europe. Certains de ces migrants tentent de survivre en Algérie, souvent en mendiant, ou en travaillant dans le bâtiment ou l'informel. L'Algérie devient ainsi un pays de destination. Pour leur malheur, le régime militaire d'Alger, qui se dit prôner l'amitié entre les peuples, ne reconnaît jamais ces expulsions. Alger, n'a d'ailleurs pas de législation en matière d'asile.