A moins de deux semaines des élections américaines de mi-mandat, les pronostics vont bon train sur le verdict attendu des urnes. Dans les Etats décisifs, les républicains ont une longueur d'avance par rapport à leurs rivaux démocrates sur les questions les plus importantes pour les électeurs, notamment l'inflation, l'économie, ou encore la criminalité et l'immigration. Durant ce scrutin décisif pour la vie politique des Etats-Unis, l'ensemble des 435 sièges de la Chambre des représentants est renouvelé, ainsi qu'un tiers des 100 sièges du Sénat. Au même jour, de nombreux États fédérés, comtés et villes organisent les élections de leurs propres représentants. Presque les deux tiers des gouverneurs, investis du pouvoir exécutif de leur État, sont ainsi élus. Si les démocrates ont maintenant plus ou moins fait une croix sur la Chambre, ils restent néanmoins optimistes sur leurs chances de conserver à minima les 50 sièges dont ils disposent actuellement au Sénat. Ils espèrent même gagner un ou deux sièges supplémentaires, un pari qui est loin d'être aisé, à en croire les résultats de nombreux sondages. Le candidat de Pennsylvanie, John Fetterman, proclame qu'il sera le 51ème sénateur démocrate, alors que le sénateur Rick Scott de Floride, responsable de la campagne des républicains, prédit aux siens une majorité de 52 sièges. La bataille pour la Chambre haute est en effet de plus en plus serrée. Les enjeux sont vitaux pour le parti du président Joe Biden, surtout s'il perd la Chambre, ce qui devient de plus en plus probable. Si les républicains contrôlent les deux Chambres du Congrès, il sera quasiment impossible à la présente administration d'atteindre ses objectifs. Les Etats-Unis se dirigeraient alors vers deux années de paralysie jusqu'à la prochaine élection présidentielle de 2024. Pour le moment, les sondages donnent à chaque parti 48 sièges. Tout pourrait se jouer dans quatre Etats clés: Nevada, Wisconsin, Pennsylvanie et Géorgie. Au Nevada, le républicain Adam Laxalt, fils d'un ancien sénateur d'origine basque, actuel procureur de l'Etat, essaie de remplacer la sénatrice démocrate, Catherine Cortez Masto, élue en 2016. Elle accuse son rival, soutenu par Trump, de propager le « grand mensonge » d'une élection volée en 2020. Pour sa part, il lui reproche d'être anti-police. Entre les deux, il n'y a qu'un ou deux points d'écart. Chaque partie ouvre ses caisses pour saturer télés et radios de publicités politiques en faveur de leur candidat. Beaucoup va dépendre du vote hispanique, les casinos de Las Vegas employant de nombreux latino. Barack Obama sera là le 1er novembre pour appuyer Cortez Masto, et Joe Biden n'a pas exclu de se rendre au Nevada. Aucun Etat mieux que la Pennsylvanie n'illustre ce changement de l'électorat de l'été à l'automne. Au mois d'août, il ne faisait guère de doute pour les analystes que le gouverneur-adjoint, le démocrate John Fetterman, remporterait le siège de Pat Toomey, sénateur républicain qui ne se représentait pas. Cet optimisme reposait en grande partie sur la faiblesse de son adversaire. Un médecin d'origine turque, Mehmet Oz, devenu une vedette de télévision, avec sa propre émission médicale au cours de laquelle il recommandait parfois des médicaments à l'efficacité incertaine, vient de se lancer en politique. Le succès de cette star médiatique avait attiré l'attention de Donald Trump qui l'avait encouragé à se présenter en Pennsylvanie, bien qu'il soit natif du New Jersey. Néophyte en politique, le Dr Oz semblait une cible facile pour Fetterman, politicien expérimenté. Malheureusement le gouverneur-adjoint a souffert en mai d'un AVC qui l'a diminué physiquement et a ralenti sa campagne. Peu charitable pour un médecin, Mehmet Oz, s'est plu à souligner cette déficience de son rival. Le médecin de Fetterman, dans son dernier diagnostic, a toutefois certifié qu'il avait toutes ces capacités. Le républicain avait été largement distancé tout au long de l'été par le géant au crâne rasé qui affectionne les blousons à capuche, mais avec l'appui financier et politique de son parti, Oz a rattrapé son retard, notamment en accusant Fetterman de ne pas avoir combattu la criminalité avec suffisamment de force, quand il était maire de sa ville. Aujourd'hui, ce qui semblait une victoire assurée pour les démocrates est beaucoup moins certaine, les deux hommes se trouvant pratiquement au coude à coude. La Géorgie est peut-être l'Etat qui suscite le plus l'intérêt des observateurs. Deux Afro-américains s'affrontent. Le démocrate, Raphaël Warnock, un pasteur toujours tiré à quatre épingles, bon orateur, a été élu au sénat en 2020, avec un autre démocrate, ce qui avait permis au parti d'avoir 50 sièges. Son rival, l'ancien champion de football américain, Herschel Walker, à la vie privée déjà très agitée, a connu récemment un nouveau scandale. Il aurait payé 700 dollars pour l'avortement de l'une de ses maitresses, alors qu'il affirme en public être fermement opposé aux IVG. Très embarrassés par cette nouvelle révélation qu'il rejette avec force, les républicains ont tout de même décidé de continuer de le soutenir. Warnock et Walker ont débattu le 14 octobre. Tout le monde pensait que le pasteur battrait sans difficulté l'athlète. Or, Walker s'est relativement bien défendu et a évité l'humiliation. Même si Warnock semble avoir l'avantage, la bataille continue d'être serrée. Les républicains espèrent que la victoire probable du gouverneur Brian Kemp sur l'Afro-américaine Stacey Abrams, aidera Herschel Walker à franchir la ligne d'arrivée dans un Etat conservateur. Si aucun des deux candidats n'obtient plus de 50% des voix, il y aura un second tour, si bien que l'on pourrait ne savoir quel parti a gagné le sénat, avant décembre. D'autres Etats sont aussi à suivre: l'Ohio, où le démocrate Tim Ryan peine à rattraper le candidat appuyé par Trump, J.D. Vance, auteur d'un best- seller sur sa vie d'enfant pauvre des Appalaches qui a réussi à obtenir un diplôme de la prestigieuse université Harvard. En Caroline du nord, probable victoire attendue du républicain Ted Bud, alors qu'au New Hampshire, la démocrate Maggie Hassan, pourtant très menacée, devrait conserver son siège à la faveur de l'extrémisme droitiste de son adversaire. Même si les républicains qui peuvent considérer la Chambre comme acquise, ont amélioré leurs chances dans les sénatoriales, l'institut de sondage Five Thirty Eight, l'un des maîtres de la profession, continuait de donner 60% de chances aux démocrates de conserver le sénat. Le suspense se poursuit.