« Les inégalités minent la démocratie et le marché », a déclaré Noureddine Bensouda, Trésorier général du Royaume du Maroc lors du sommet mondial sur les finances publiques tenu les 1er et 2 juin à Tallinn en Estonie et organisé par le ministère des Finances de ce pays. L'évènement a connu la participation des dirigeants de ce secteur du monde entier, dont le Maroc, représenté en cela par le Trésorier général du Royaume, Noureddine Bensouda. Le responsable de la TGR a rappelé les nombreux défis que rencontrent les finances publiques confrontées de plus en plus à des séries de crises ces dernières années dans un monde de plus en plus mouvementé et presque volatil. Aussi a-t-il précisé, la prise de décision en matière de finances publiques, qui nécessite prévision et visibilité, devient, dans ce contexte, un exercice complexe et difficile. « Les responsables des finances publiques, chargés de la mise en œuvre de ces décisions, se voient, en raison de leur expertise, assignés comme conseillers et doivent accompagner les décideurs politiques et leurs actions », a déclaré Noureddine Bensouda. Puis déplorant, la situation économique et sociale actuelle considérée à juste titre comme différente de celles connues auparavant que d'aucuns comparent aux crises des années 1970, le Trésorier général du Royaume a indiqué que « force est de constater que les solutions qui fonctionnaient à l'époque, à savoir le recours à la dette, ne fonctionneront plus aujourd'hui ». Avec deux années de crises ayant affaibli le monde entier et, plus récemment, la guerre en Ukraine qui complique la situation, il est un besoin d'innovation pour mieux dépenser, afin de maximiser le retour sur investissement (ROI) des dépenses publiques et d'utiliser son effet de levier pour l'ensemble de l'économie. Ces deux années de crise sanitaire montrent qu'il faut fondamentalement plus de dépenses de santé et d'éducation... Bref, des dépenses centrées sur l'humain. Tous les sujets traitant de la société sont des questions politiques, et en particulier les finances publiques, a encore indiqué Noureddine Bensouda. Aussi innover en matière de dépenses publiques et faire les bons choix budgétaires doivent également s'accompagner de choix judicieux et de stratégies claires et équitables en matière fiscale et de maîtrise de la dette publique également. Pour considérer les finances comme un catalyseur et non comme une contrainte, les politiciens et les décideurs des finances publiques doivent comprendre l'environnement dans lequel ils opèrent. Je veux dire à la fois l'environnement national et international. Au niveau national, il est essentiel de bien connaître les besoins réels de l'Etat, des entreprises, des ménages et de la société civile (ou tiers secteur), en utilisant des institutions, des outils et autres... qui fournissent des informations précises sur la réalité de la société. Cela nécessite d'établir une relation de confiance et une réelle proximité qui pourraient favoriser les échanges et la collaboration. Et en tant que telle, plus la démocratie devient forte, plus elle joue pleinement ce rôle. Cela fonctionnerait mieux, car il a été constaté que les citoyens ont moins confiance en leurs gouvernements dans les pays les plus inégalitaires. En effet, les inégalités minent la démocratie et le marché. Les politiciens doivent comprendre cela. De plus, ils devraient en être convaincus et changer leur attitude à l'égard des inégalités. Il semble en effet évident que dans un pays où le citoyen se sent soutenu, soigné et protégé par la collectivité, il est moins enclin à rechercher l'accumulation de capital, puisqu'il n'en ressent plus le besoin. Et c'est la voie que le Maroc a choisi de suivre, en généralisant le système de santé et de protection sociale, toutes catégories confondues : maladies, retraites, chômage, etc. Au niveau international, les décideurs doivent bien comprendre comment fonctionne le monde. Ils doivent adapter leur état d'esprit à ces nouvelles réalités. Les relations internationales ne sont plus les mêmes et les règles, autrefois communément admises, semblent s'essouffler ces derniers temps. Le protectionnisme revient. Et l'un des pays les plus libéraux a dû mettre la main à la poche pour atténuer les effets de la situation très particulière qu'ils subissent. Par ailleurs, de nouveaux éléments bouleversent l'équilibre existant, comme les énergies renouvelables et tous les enjeux géostratégiques qui y sont liés. Le poids des multinationales est également un élément important dans la compréhension de l'environnement international, notamment à travers leur influence sur les politiques fiscales (en particulier les politiques fiscales) et sur la réglementation/loi en général. Mais, il ne faut pas oublier le consommateur, l'un des principaux moteurs de l'activité économique, car les habitudes de consommation ne sont plus les mêmes qu'avant. De nouveaux commerces émergent (électroniques, numériques...) et les monnaies numériques ont profondément transformé les marchés internationaux et les modèles de création de valeur. Cela ne doit cependant pas faire perdre de vue le lien entre consommation et stratification sociale. Le consumérisme peut créer de la croissance, mais il est loin de créer une société qui se porte bien. Comprendre tout cela est, en effet, fondamental pour pouvoir mettre en place un environnement qui tienne compte de la réalité, un environnement propice au développement et favorisant le plein épanouissement de tous ces acteurs. Pour atteindre ces objectifs, le droit doit être l'émanation d'un droit bien pensé et bien adapté est nécessaire, car la place centrale de l'Etat de droit et de son rôle sont essentiels. Cela assure la sécurité des biens et des personnes et apporte stabilité et réassurance aux niveaux national, régional et international. La sécurité et la stabilité politique ont pris toutes leurs mesures et ont montré une fois de plus qu'elles sont un besoin essentiel pour les êtres humains, en général, et pour « l'homo economicus », en particulier. L'interdépendance toujours plus grande de nos économies rend ces crises encore plus complexes et difficiles à gérer. Avec la perturbation des chaînes d'approvisionnement, la hausse des prix des matières premières, notamment l'énergie, l'inflation, etc., la « bonne gouvernance » des finances publiques est devenue plus importante que jamais. Il est important aujourd'hui non seulement d'ajuster les mesures en fonction de la situation actuelle, mais aussi de réfléchir aux moyens de rendre nos économies plus durables pour l'avenir.