Reporté après quatre séances chaotiques, le vote du budget du Conseil de la ville de Rabat va encore une fois prendre du retard. Dans cette assemblée élue, où majorité (PJD) et opposition (PAM, MP et FDG, mais sans coordination commune) sont à couteaux tirés, les problèmes non résolus de la capitale et de ses habitants sont relégués au second rang. Décryptage. C'est devenu un classique. À chaque tenue d'une session du Conseil de la ville de Rabat, les élus, de la majorité comme de l'opposition, s'adonnent à un spectacle peu reluisant. Echange d'accusations graves, d'invectives et parfois même de sièges... Des scènes parfois choquantes, que les internautes n'hésitent pas à tourner en dérision, décrédibilisant de plus en plus l'exercice de la démocratie locale. Le 5 octobre dernier, Le Conseil avait entamé une première séance de sa session ordinaire. Prévues en quatre rendez-vous, afin d'écluser l'ensemble des dossiers restés en suspens, ces séances devaient surtout permettre aux différentes sensibilités représentées au Conseil de trouver un terrain d'entente pour voter le budget de la ville, avant de le soumettre à l'approbation de la Wilaya de Rabat-Salé-Kénitra. Il n'en sera rien Un maire sur la sellette Député-maire PJD de la capitale, Mohamed Sadiqi est un homme fragilisé par 3 ans d'une lutte sans merci que lui livre l'opposition menée par le PAM. À l'issue de la 4e séance de la session ordinaire le 18 octobre, l'ancien haut cadre de la Redal avait déclaré que « le climat n'était pas propice à la tenue de la session » et qu'à l'ordre du jour, « 36 points en lien notamment avec les grands projets comme "Rabat ville lumière, capitale marocaine de la culture" devaient être examinés ». Ce grand chantier urbain, lancé en 2014, soit un an avant l'élection de Sadiqi, n'a encore jamais fait l'objet d'un suivi. Sur ce point, l'opposition souhaite voir le maire exercer plus de contrôle sur la Société de développement local (SDL) Rabat Aménagement. Il fait partie de son conseil d'administration, de plus que la ville y contribue à hauteur de 600 millions de DH. En revanche, Mohamed Sadiqi reproche à son opposition d'entraver les travaux des sessions du Conseil. Considérant que le remède aux maux de la gestion communale se trouverait dans le pouvoir exécutif, il a même appelé de ses vœux l'intervention du Chef du gouvernement. Et à Saâd-Eddine El Othmani d'entrer en ligne via sa page Facebook. C'est que le chef de la primature est allé jusqu'à évoquer « L'baltajia (voyouterie, NDLR) dans le Conseil de la ville de Rabat », tout en appelant « les autorités concernées à jouer leur rôle » et à « appliquer la loi ». Autre responsable gouvernemental, Mustapha Ramid s'est lui aussi exprimé sur la situation de blocage que connait le Conseil de Rabat. Durant le troisième round du dialogue interne voulu par la direction du PJD ce samedi 20 octobre, il avançait que : « Nous aussi (le PJD, NDLR) avons des membres de l'opposition dans les conseils où ils (le PAM, NDLR) sont dans la majorité et nous pourrions agir pareil ». Le PAM au taquet Première force d'opposition dans le Conseil de la ville, le PAM a insisté au cours des 4 séances de la session ordinaire sur la présence effective du Wali de la région Rabat-Salé-Kénitra, Mohamed Mhidia. Ce dernier se fait remplacer par le secrétaire général de la Wilaya au cours des réunions en tant que représentant du ministère de l'Intérieur. Une présence qui reste tout de même fidèle aux dispositions de la loi 113.14 relative aux communes, et qui prévoit la présence d'un représentant de l'autorité ou un représentant de celui-ci. Serait-elle la solution pour que cessent les altercations répétitives entre Grands Electeurs PAM et PJD ? À croire qu'il y aurait d'autres « raisons de colère » des élus du parti du Tracteur, la réponse serait non. Les édiles du PAM décrient de ce fait plusieurs défaillances dans la gestion communale, constatées dans différents endroits de la capitale. C'est le cas de l'arrondissement El Youssoufia dirigée par le PJD. Homme fort du PAM à Rabat, Brahim Joumani y a dénoncé durant la 3e séance de la session ordinaire, le 17 octobre, « des anomalies graves », dont un rapport réalisé par l'inspection du ministre de l'Intérieur sur la gestion de cet arrondissement. La pression du PAM se fait également en poussant le maire et son équipe dirigeante à donner leur version sur un incident rencontré dans un chantier, avenue Annakhil à Hay Riad, et dont les résultats de l'enquête n'ont pas été rendus publics. La soft-opposition de gauche Disposant de 9 sièges dans l'arrondissement d'Agdal-Riad et de 4 autres dans le Conseil de la ville, la FGD s'est rangée dans l'opposition depuis l'entame de cette mandature en 2015. Le vendredi 19 octobre, ses élus publiaient un communiqué faisant état de « bilan de 3 années dans l'opposition ». Tout aussi virulent à l'encontre de Sadiqi et son équipe dirigeante, ils déplorent notamment son « manque de vision stratégique » en voulant comme preuve l'absence d'un Plan d'action communal (PAC). Prévue par la loi dans un délai d'un an après l'élection du maire, cette véritable feuille de route communale n'a toujours pas été adoptée par le Conseil de la ville. D'autre part, les conseillers FGD dénoncent « le détournement des budgets sociaux vers l'acquisition de voitures pour le président du Conseil et ses vice-présidents ». Outre « la persistance de la corruption dans le domaine de la reconstruction, malgré la correspondance qui montre des cas concrets nécessitant l'ouverture d'une enquête et la diffusion de ses résultats, ainsi que le suivi des personnes impliquées », ponctue le communiqué des élus de la coalition de gauche.