Le président tunisien, Kais Saied, a prolongé dans la nuit de lundi à mardi, l'application de l'article 80 de la Constitution tunisienne, qui lui permet de prendre les pleins pouvoirs dans le pays. Cette nouvelle sonne comme le début d'une période de grands changements dans le pays. Selon les analystes, le chef d'Etat tunisien serait en train de préparer une prise totale du pouvoir dans le pays. Il avait souffert pendant de nombreux mois de sa mise à l'écart du pouvoir et son capacité limitée à prendre des décisions, le président tunisien Kais Saied, qui a renvoyé son Premier ministre, envoie à présent le message qu'il ne souhaite plus être une figure non active du paysage politique dans son pays. Sa mission sera d'être un acteur du changement en Tunisie, mais pour plusieurs analystes, Kais Saied aurait d'autres intentions. Alors que l'activation de l'article 80 de la Constitution déclenché le 25 juillet dernier devait arriver à son terme le 24 août, sans surprises, Kais Saied a annoncé lundi soir la prolongation de cette mesure d'exception qui lui permet de prendre les commandes du pays pendant un mois. La mesure avait été qualifiée de « dérive autoritaire », et même de « coup d'Etat » constitutionnel par de nombreuses personnalités, elle avait également inquiété la communauté internationale face à cette jeune démocratie du Maghreb. Selon les observateurs, Kais Saied se dirige vers un virage autoritaire qui lui permettra d'être le seul au pouvoir, suivant l'exemple des mesures adoptées en Algérie par son homologue Abdelmadjid Tebboune, en faisant barrage à toute forme d'opposition. Les contacts qui se sont multipliés entre les deux dirigeants durant ces dernières semaines témoignent d'un rapprochement entre les deux hommes, et le modus operandi adopté par le président tunisien semble également calqué sur le modèle algérien. A ce titre, le chef de la diplomatie algérienne, Ramtane Lamamra, s'était rendu le 27 juillet à Tunis pour transmettre un message du président Tebboune, au lendemain d'un entretien téléphonique entre les deux hommes à l'initiative du président Saied. Le président algérien qui vient de faire face à de nombreuses critiques sur sa gestion des affaires du pays, notamment celle du manque d'oxygène et la gestion des incendies entre autres, et revenu à la charge à la suite d'un discours censé apaiser les esprits dans son pays, en réaffirmant son plein soutien à la Tunisie dans un nouvel appel téléphonique avec son homologue tunisien. Coïncidence, l'appel entre les deux hommes est intervenu le 23 août, quelques heures seulement avant l'annonce du renouvellement par Kais Saied des mesures de suspension du Parlement « jusqu'à nouvel ordre » et du maintien de la vacance du pouvoir au niveau du Premier ministre limogé qu'il n'a toujours pas remplacé. En outre, la même journée, Kais Saied recevait une nouvelle fois le chef de la diplomatie algérienne pour une audience durant laquelle ce dernier lui présentait une lettre signée d'Abdelmadjid Tebboune. Les Tunisiens qui s'étaient réjouis du tour de force de Kais Saied, en faisant confiance à celui qui se présente comme le défenseur de la Constitution et des lois, sont actuellement dans le doute et se demandent s'ils ont bien fait au vu de la tournage que prend l'affaire qui semble partie pour durer. Pour les faire patienter, en l'absence d'une feuille de route, le président tunisien devrait s'exprimer publiquement dans les prochains jours, mais la date de cette allocution n'a pas été présidée. En attendant, les politologues, prédisent une continuité sur ce régime d'exception, qui sera renouvelé à chaque fois que le délai s'approchera de sa date de butoir, comme la Tunisie a fait depuis des années durant pour l'état d'urgence. Selon eux, à présent qu'il a les pouvoirs entre les mains, le président tunisien ne compte pas les lâcher, il sera en train de préparer des mesures encore plus autoritaires, affirment-ils. Parmi les probabilités énoncées, la dissolution complète du Parlement, le gel de la Constitution ou son abolition pour en faire une sur mesure, notamment pour lui permettre de se maintenir au pouvoir ou s'octroyer de plus amples prérogatives. Et ces théories s'expliquent par le retard pris par Kais Saied pour nommer un nouveau Premier ministre, par le mystère qui entoure sa « feuille de route » que les partis politiques réclament sans avoir de réponse. Une chose est certaine, des choses se trament, et une chasse aux « corrompus » lancée dans le pays du jasmin, s'apparente à celle menée en Algérie contre le clan de la « Issaba » (la bande, ndlr) où hommes d'affaires, politiques, anciens ministres et militaires ont été visé par le pouvoir. Depuis sa prise du pouvoir en limogeant le Premier ministre Hichem Mechichi (qui ne le consultait pas pour prendre ses décisions en affirmant qu'il n'en est pas tenu, et lui tenait tête en refusant ses propositions pour les nominations des postes de pouvoir, ndlr), Kais Saied a lancé une vaste opération d'arrestations, d'assignations à résidence et interdictions de voyage, visant magistrats, députés et hommes d'affaires pour différents motifs. Ces mesures ont été vivement contestées et condamnées, notamment par le principal ennemi du président, le bloc parlementaire des islamistes d'Ennahda, dont l'un de ses dirigeants et ancien ministre, Anouar Maarouf, s'est retrouvé assigné à résidence. C'est à cause de l'hégémonie de ce parti en particulier que le président Saied a engagé ces mensures pour faire le ménage au sein du Parlement mais aussi dans plusieurs institutions où les pions de Rached Ghannouchi, le chef de file du mouvement, ont été placés pour assoir leur supériorité. Ce dernier a annoncé lundi également, la dissolution du bureau exécutif de son parti pour renouveler la structure d'Ennahda.