S'il est un fait pour la situation en Tunisie, c'est que les opinions quant au coup de force du président Kais Saied (63 ans) divergent. Localement on a l'air d'apprécier, beaucoup plus que moins mais à l'international on rechigne, quand on ne condamne pas, on observe tout au moins, sans trop se prononcer et parfois même avec compassion sur ce qui se passe dans le pays d'où a démarré, un jour un printemps arabe qui fait date. Mais qu'en est-il exactement de la situation en Tunisie ? Tout a commencé, un 25 juillet de l'année en cours. Après une journée de manifestations dans de nombreuses villes du pays, le président de la Tunisie, Kaïss Saïed, a invoqué une urgence nationale pour annoncer le gel des activités du Parlement pour 30 jours. Dans la foulée, il a levé l'immunité parlementaire et destitué le chef du gouvernement, Hichem Mechichi, également ministre de l'Intérieur. La Tunisie, du coup en devenait ingouvernable et ne répondait plus qu'à une seule personne le président de la République de Tunisie, Kaïss Saïed en l'occurrence. « Selon la Constitution (article 80), j'ai pris des décisions que nécessite la situation afin de sauver la Tunisie, l'Etat et le peuple tunisien », déclarait le nouvel homme fort du pays lors d'une réunion avec des responsables des forces de sécurité (il est le chef de l'armée), disant « vouloir se charger lui-même du pouvoir exécutif en attendant de désigner ou nommer un nouveau gouvernement ». Homme de droit, il invoquait une clause de la Constitution, stipulant qu'en cas de péril imminent menaçant la nation ou la sécurité ou l'indépendance du pays, il avait cette possibilité. Aussitôt après avoir pris son monde au dépourvu, et dès le lendemain, Kaïss Saïed, limogeait deux ministres. Le ton était donné ! « La situation a atteint un stade inacceptable dans toutes les institutions de l'Etat », a déclarait-il. « Je rassure les Tunisiens, l'Etat est là, et il n'est pas question de porter atteinte aux droits et libertés ». Jusque-là et à part deux petits écarts des textes (Saied n'a pas consulté au préalable le président de l'Assemblée nationale et le chef du gouvernement), tout baigne pour l'homme, qui cerise sur le gâteau voit le peuple se rallier à sa cause. Les partis politiques et plus particulièrement le parti islamiste Ennahdha de Rached Ghannouchi son principal adversaire, de ce coup de force crient au hold-up et s'insurgent. Ils lui reprochent notamment d'avoir levé l'immunité parlementaire des députés ce qui ne relève pas de sa compétence, d'avoir suspendu l'Assemblée nationale et dénoncent un coup d'Etat. Pragmatique il a cette réponse : « Je connais très bien les textes constitutionnels, je les respecte et je les ai enseignés, et après tout ce temps, je ne me transformerai pas en dictateur comme certains l'ont dit », en faisant référence à Charles De Gaule. En effet, Kaïs Saïed est un spécialiste du droit constitutionnel. Il a remporté les élections présidentielles d'octobre 2019, sans aucune expérience politique, sans l'appui de partis politiques et sans machine électorale, il cultive une image d'intégrité, pourfend la classe politique corrompue et prône une révolution dans le respect des lois. Il est perçu comme un homme du peuple, et c'est pour pour cela qu'il a été, du reste élu. Le peuple tunisien espérant voir le bout du tunnel après tant d'attentes jamais concrétisées des déceptions depuis le printemps 2011 l'avait plébiscité. La raison de ce fiasco qui a duré une décennie ? L'économie pardi ! Elle a été la grande absente lors de ces dix années dédiées au panel politique, philosophique, culturel et constitutionnel, mais jamais à l'économie. La situation économique n'a jamais été aussi est préoccupante, depuis la révolution. L'économie générale de la Tunisie s'est lourdement dégradée depuis 10 ans. Son PIB est passé de 46 milliards de dollars en 2010 à 40 milliards en 2019. Le taux de chômage dépasse 16 %. Les habitants s'appauvrissent de plus en plus et le taux d'endettement du pays ne cesse de monter (90 % du PIB). Les prêts du FMI et l'assistance de la Banque mondiale n'ont pas été utilisés à bon escient. De plus la situation n'a de cesse d'empiré avec la pandémie, et de nombreuses personnes ont perdu leur emploi. Les recettes en provenance du tourisme international, qui emploie 10 % de la population et contribue à environ 14 % du PIB de la Tunisie, ont chuté de 60 % à cause de crise sanitaire qui frappe la Tunisie de plein fouet où le Parlement est très fragmenté, sans majorité claire, d'où le chaos politique, économique et social. Si les Tunisiens s'accrochent à leur président, c'est qu'ils ont la forte impression que leurs autres dirigeants ne se préoccupent pas de la population et qu'ils ne pensent qu'à leurs propres intérêts. L'illustration, une vidéo qui a fait et fait toujours le buzz dans les réseaux sociaux en Tunisie, montre le chef du gouvernement, séjournant avec d'autres membres du gouvernement dans un hôtel de luxe de la ville balnéaire de Hammamet, à la mi-juillet, profitant de la piscine, et jouant au tennis. On peut y voir là, la goutte qui a fait déborder la piscine. Selon un sondage mené pour le site Business News, 87 % des Tunisiens soutiennent les mesures prises par le président.