L'accord entre l'Espagne et l'Allemagne au cœur des tensions diplomatiques avec le Maroc a été révélé au grand jour. Les deux pays ont noué un partenariat stratégique sur plusieurs années visant à construire les moteurs des voitures technologiques de demain. L'Espagne veut devenir un pilier stratégique des voitures électriques en Europe. Les deux pays ont gardé leur alliance secrète jusqu'ici mais les projets économiques conjoints n'ont pas pu être cachés plus longtemps. L'Espagne et l'Allemagne ont décidé d'approfondir leur coopération (au risque de frôler la légalité internationale) et en faisant de Madrid le partenaire « électrique » de l'Allemagne dans la fabrication de voitures. L'Allemagne poids lourd de l'industrie automobile notamment sur le segment des berlines de luxe, a fait ses calculs en partant des projections sectorielles. Et c'est vers une perte de vitesse, un remplacement, que l'industrie ultra rentable du pays se dirige dans quelques années lorsque les voitures électriques remplaceront les voitures à carburant classique. Berlin ne veut pas perdre sa place mais n'a pas les capacités de faire concurrence à Tesla à l'heure actuelle. Car pour fabriquer ces voitures technologiques, il faut des moteurs qui utilisent des batteries spécifiques composées de matériaux comme le tellurium, le cobalt ou encore le lithium, et leurs gisements ne se trouvent pas en Allemagne mais dans les profondeurs des eaux territoriales marocaines, non loin des iles baléares. L'Espagne et l'Allemagne comptaient profiter du fait que le Maroc n'avait pas notifié aux instances compétentes des Nations Unies la délimitation de son espace maritime mais les deux pays ont été pris de court lorsque le Maroc l'a fait fin 2019. L'Espagne qui avait dépêché sa ministre des Affaires Etrangères, alors, Arancha Laya, était montée au créneau et avait estimé que Rabat devait se concerter avec elle tout en reconnaissant au Maroc le droit de délimiter son espace maritime. Ce à quoi, le chef de la diplomatie marocaine a répondu que la délimitation des frontières maritimes était « un acte souverain, conformément au droit international » affirmant que «le Maroc a délimité ses frontières sur le plan législatif, comme l'avait fait l'Espagne », tout en reconnaissant que cela pouvait aboutir à des chevauchements et a dit rester ouvert au « dialogue ». Des voitures allemandes fabriquées en Espagne « L'Espagne pourrait devenir un pilier stratégique de notre stratégie électrique. Nous sommes prêts à implanter l'ensemble de la chaîne de valeur de la mobilité électrique dans le pays, y compris la production de véhicules électriques, ainsi que leurs composants, et une nouvelle usine de batteries du Groupe. En fonction du contexte général et du soutien du secteur public, dès 2025 la famille Small BEV pourrait être fabriquée en Espagne » a déclaré mardi, Herbert Diess, PDG du groupe Volkswagen, lors d'un événement au cours duquel le groupe VW a exposé sa stratégie pour 2030. L'annonce intervient au lendemain de la présentation en Espagne du projet européen PERTE (European Projects for Economic Recovery and Transformation) visant à relancer l'économie européenne et que l'Espagne va exploiter pour différentes industries dont celle du véhicule électrique. Le projet est soutenu par des fonds européens avec des aides européennes et espagnoles atteignant les 4.200 millions d'euros. L'Espagne a la ferme intention de relancer son économie grâce à cette industrie du futur et de devenir un hub du véhicule électrique, elle y a même consacré le projet « Future : Fast Forward » et vise à créer une 3ème usine de batteries électriques sur son sol. L'information a été confirmée par un responsable de la marque automobile espagnole SEAT et allemande Volkswagen (SEAT vient de nommer début juillet deux nouvelles têtes proches de l'Allemagne au sein de son comité exécutif). « Nous continuons à promouvoir notre stratégie en matière de batteries et nous avons l'intention de construire la gigafactory numéro trois en Espagne », a déclaré Thomas Schmall, le président du conseil d'administration de SEAT (depuis juillet) mais aussi responsable de la technologie du comité exécutif du groupe Volkswagen et PDG de Volkswagen Group Components. « Comme dans nos deux premières usines prévues à Salzgitter (Allemagne) et Skellefteå (Suède), nous prévoyons de construire la gigafactory potentielle avec un partenaire stratégique », a-t-il ajouté faisant référence à l'Allemand Volkswagen. Le constructeur allemand compte créer 6 gigafactories en Europe d'une capacité de 240 GWh d'ici 2030 et pour le moment 3 pays sont annoncés pour les sites de production, l'Allemagne, la Suède et l'Espagne qui fabriquera sa ligne de petits véhicules électriques. L'Allemand s'est également associé à la Chine notamment sur son futur site de Salzgitter en choisissant Gotion High-Tech, un fabriquant de batteries, comme partenaire stratégique. Un producteur chinois de batteries dont Volkswagen a racheté 26 % du capital de cette société en 2020. Les futurs projets de l'industrie automobile de l'Allemagne et de l'Espagne, soutenus par leurs gouvernements respectifs et des Fonds européens, ont ainsi impacté les relations diplomatiques avec le Maroc. L'Allemagne a multiplié des actions jugées « hostiles » par le Maroc et visant l'intégrité territoriale du pays. Le pays a subi les foudres de Rabat lorsque le chef de la diplomatie Nasser Bourita avait demandé par écrit à tous les départements ministériels de cesser de collaborer avec l'ambassade d'Allemagne et les fondations allemandes, indiquant des « malentendus profonds au sujet des questions fondamentales du Royaume du Maroc ». L'Allemagne a été le seul pays ayant convoqué une réunion d'urgence du Conseil de sécurité suite à la reconnaissance américaine de la souveraineté du Maroc sur le Sahara. Et, avait également volontairement exclu le Maroc de la Conférence de Berlin sur la Libye, voulant saper son rôle, alors que le Royaume est un acteur de paix dans ce dossier depuis le début de la crise et jusqu'à présent. C'est au Maroc que le Premier gouvernement d'union nationale reconnu par la communauté internationale a été lancé en plus des accords de Skhirat en 2015 qui constituent la base d'une solution politique. De son côté, l'Espagne a prémédité l'accueil du chef des milices séparatistes du polisario pour soins du coronavirus, tout en évitant de consulter le Maroc et éviter au dirigeant séparatistes de faire face à la justice espagnole alors qu'il est accusé de crimes contre l'Humanité. Depuis, le Maroc a rappelé ses ambassadeurs en Allemagne et en Espagne pour consultations.