Face à l'explosion des ventes de voitures électriques, l'Europe a commencé à rapatrier la filière de production des batteries, mais reste loin de l'autonomie. Les batteries des voitures électriques, qui pèsent entre 200 et 600 kilos et représentent une partie importante de la valeur du véhicule, sont pour l'instant fabriquées en majorité en Asie, entre la Chine, la Corée du Sud et le Japon. Après des années à faible voltage, l'Europe compte désormais 38 projets d'usines de batteries pour un total de 1000 gigawattheures (GWh) annuels prévus, et près de 40 milliards d'euros d'investissement, selon l'ONG Transport & Environnement. La start-up suédoise Northvolt prévoit d'atteindre une capacité de production annuelle de 150 GWh en Europe d'ici à 2030, avec une usine en construction en Suède et deux méga-usines supplémentaires à l'étude. Les constructeurs de voitures, qui misent sur un avenir en grande partie électrique, se positionnent.Volkswagen a investi dans Northvolt et prévoit de construire cinq autres usines. Stellantis développe deux usines, Tesla prévoit de faire de sa nouvelle usine de Berlin la plus grande usine de cellules au monde avec 250 GWh en 2030. Leurs fournisseurs asiatiques ne sont pas en reste. Envision AESC (Chine) prévoirait de s'associer à Toyota et Renault pour de nouvelles usines de batteries au Royaume-Uni et en France. LG Chem et SKI (Corée du Sud) ont ouvert des usines en Pologne et Hongrie, tandis que CATL (Chine) construit un site en Allemagne. « Alors qu'il y a une demande monstrueuse d'augmentation des volumes, il y a un enjeu majeur pour tous les constructeurs à casser l'oligopole des fabricants de batteries », analyse Eric Kirstetter du cabinet Roland Berger. « Mais il va aussi leur falloir accéder aux matériaux pour les cellules (anode, cathode), dont l'approvisionnement va être déterminant pour le prix et la fourniture de la batterie ». Il est à noter que tous ces projets sont largement soutenus par les pouvoirs publics européens, qui veulent lancer l'Europe dans l'industrie automobile du futur. « L'Europe est devenue un carrefour mondial de la batterie, et devrait atteindre l'indépendance stratégique dans ce secteur critique », a lancé fin mars le vice-président de la Commission, Maros Sefcovic. Selon lui, ces usines devraient couvrir la demande européenne à partir de 2025. Cet objectif est bien optimiste, selon Oliver Montique, analyste pour le cabinet Fitch Solutions, qui mise plutôt sur 2040 pour la mise en place d'une filière complète comprenant l'extraction et le raffinement des matières premières, la construction de batteries et leur utilisation par des constructeurs européens. Pour se démarquer de ses concurrents asiatique et américain, l'Europe compte développer des usines moins polluantes. Une nouvelle norme, en cours de discussion, pourrait imposer un approvisionnement responsable en matières premières et un recyclage optimal des batteries. Pour développer la prochaine génération de batteries, et moins dépendre de la technologie litihum-ion, dominée par des leaders asiatiques, la Commission européenne a lancé en janvier son deuxième projet d'intérêt commun, soit un ensemble de programmes de recherche financés à hauteur de 2,9 milliards d'euros. Ces usines pourraient créer sur le continent 800.000 emplois, pour lesquels il faudra vite former des salariés, souligne la Commission. Il faudra aussi que les ventes de véhicules électriques suivent, prévient Transport & Environnement. Des normes trop timides contre les émissions de CO2 freineraient l'électrification du marché et l'Europe se retrouverait en surproduction, selon l'ONG, qui demande une interdiction de la vente des moteurs essence et diesel dès 2035. Une fois les usines en marche, il faudra les approvisionner en matières premières. Les besoins en lithium devraient être multipliés par 18 d'ici 2030, selon la Commission européenne. L'industrie aura également besoin de cinq fois plus de cobalt. Concernant le lithium, l'Europe peut compter sur de larges gisements sur son territoire (en Tchéquie ou en Allemagne, entre autres). Selon Oliver Montique, elle doit aussi développer des accord d'approvisionnement avec les pays aux ressources abondantes, à la diplomatie favorable, et aux infrastructures solides, comme l'Australie, le Canada, le Brésil ou le Chili, histoire de ne pas être menacée au niveau commercial ou politique.