La production de véhicules électriques à l'échelon du globe, devrait considérablement augmenter ces prochaines années. Dans cette perspective, et de l'avis des spécialistes du secteur, le Maroc pourrait se positionner comme maillon essentiel dans la confection des batteries électriques. C'est l'avis d'Anas Abdoun, analyste en prospective économique et géopolitique chez Stratas Advisor, qui nous livre ses pistes de réflexion quant à la stratégie de développement que pourrait suivre le pays pour tirer son épingle du jeu dans cette compétition industrielle liée à la fabrication des batteries électriques. Le véhicule électrique, notamment la production des batteries, constitue un juteux marché pour les opérateurs spécialisés, émanant principalement de l'Asie. Dans ce contexte, l'une des particularités du Royaume a trait à ses ressources minières, notamment le Cobalt, la fluorine ou le phosphate, principaux composants des batteries. «Soulignons que le Royaume peut se fournir auprès des pays membres de la ZLECAF en lithium, ou en bauxite et exporter les batteries finies à destination de l'Europe, le tout sans barrière douanière ou tarifaire», souligne Anas Abdoun. Et il ajoute : « en plus d'être au centre de la chaîne d'approvisionnement du fait de ses accords commerciaux, le Maroc est au centre géographique lui assurant ainsi un coût d'importation des matières premières et d'exportation très faible vers les marchés». Lire aussi | Voitures hybrides et électriques : où en est le Maroc ? [Dossier] Des opportunités, notamment pour de nouveaux entrants comme le Maroc, sachant qu'après réflexion, la Commission européenne compte étendre la taxe Carbone sur le transport de marchandises, après s'être rendu compte de sa trop grande dépendance vis-à-vis de la Chine pendant la crise Covid. L'argument du coût de la main-d'œuvre selon l'analyste en prospective économique et géopolitique chez Stratas Advisor, est toujours d'actualité, même dans l'industrie électrique. «Vous savez, 85% des ventes de Tesla se concentrent sur le Model 3, le véhicule le moins cher de la gamme. Et c'est précisément sur ce segment que les constructeurs cherchent à faire des économies de coûts. Un argument supplémentaire pour le Maroc, pour qui le coût de main-d'œuvre est non seulement plus bas qu'en Europe, mais aussi plus bas que les zones industrielles en Chine, tout en étant hautement qualifié», renchérit Anas Abdoun. Des leviers à actionner Précisément, quels leviers le Royaume doit-il activer pour favoriser l'émergence d'un écosystème dédié plus spécifiquement à la voiture électrique ? «En ce qui concerne l'installation de l'automobile électrique, force est de constater qu'après le Mémorandum d'entente entre le Maroc et le géant chinois de la voiture électrique BYD, il n'y a eu aucun signe avant-coureur d'une évolution du dossier qui semble gelé aujourd'hui», argue l'analyste. Et de poursuivre: «les garanties géographiques et de coûts qui ont convaincu Renault de prendre le risque d'ouvrir la première usine automobile au Maroc, ne sont aujourd'hui manifestement plus suffisantes pour pousser les constructeurs électriques à faire de même». Auquel cas, la construction d'une entreprise nationale dédiée à la production de batterie peut-elle être viable? «Absolument», martèle Anas Abdoun. Lire aussi | Intelcia, la multinationale marocaine souffle sa 20ème bougie Et d'expliciter son propos : «la construction d'une telle entreprise nationale de production de batterie peut faire la différence, en ce qu'elle crée un précédent industriel dans le domaine et donne la garantie de savoir-faire aux grands constructeurs qui, pour beaucoup d'entre eux ignorent les mutations techniques économiques qui se passent en Afrique». De la sorte, le ministère de l'Industrie peut prendre les devants et créer une usine marocaine de production de batteries, explique notre interlocuteur, en regroupant un écosystème dédié. Et Anas Abdoun d'ajouter : «un tel projet industriel couplé au Green Energy parc, qui est lui-même le résultat de la synergie entre l'OCP, l'IRESEN et l'Université Mohammed 6 Polytechnique, permet la formation de techniciens et d'Ingénieurs capables de maîtriser les rouages des évolutions technologiques constantes autour des batteries». Tirer profit des potentialités du Royaume Si l'on observe le taux d'intégration important et croissant dans la production automobile marocaine et la présence des ressources minières pour la fabrication des batteries, le Maroc a, selon Anas Abdoun, la possibilité de produire un très grand nombre des composants de la voiture électrique de demain. «Le principal problème du Maroc dans cette compétition mondiale à la production réside dans son capital immatériel», nuance l'analyste. Et d'approfondir son propos : «malgré la présence de ressources minières, d'infrastructures portuaires modernes, de la proximité géographique du marché européen et d'un coût du travail faible, les constructeurs n'ont pas de garantie quant à la qualité de notre main d'œuvre, spécialement sur des productions hautement technologiques comme les batteries électriques». Lire aussi | Anas El Arras, PDG de GrowIN Portugal : «l'accord avec l'ADD permettra aux startups marocaines d'accéder au marché européen» Lancer une usine de production de batterie électrique en partenariat avec le Green Energy Parc, c'est l'une des pistes que préconise Abdoun. «Même s'il est un fait que cela ne pourra structurellement pas concurrencer les plus grands centres de recherche privés en la matière, il peut néanmoins aider à lancer la production en plus de convaincre les acteurs de la présence de main-d'œuvre qualifiée nécessaire à l'installation d'usines de productions de véhicules électriques». Et selon lui, toute la stratégie d'attrait des investissements du Royaume doit se focaliser dans la création de cette usine et sur la formation et la promotion d'une main-d'œuvre locale hautement qualifiée, «l'objectif étant de casser les biais cognitifs traditionnels de l'Afrique, du sous-développement… qui ont un impact non négligeable sur les investisseurs». Et Anas Abdoun de conclure: «le financement de cette usine peut provenir du Fonds Mohammed VI pour l'investissement, car si une multitude de projets sont à l'étude, c'est sans aucun doute celui-ci qui risque de rapporter le plus au Maroc. Le Maroc produisant déjà un très grand nombre de composants automobiles, s'il parvenait à attirer un constructeur de voitures électriques qui fabriquerait les batteries localement grâce aux ressources minières du Royaume, le pays atteindrait certainement un record mondial de taux d'intégration dans l'industrie automobile».