Les Marocains du monde ont toujours soutenu, de manière directe ou indirecte, l'économie marocaine en temps de crise. Pendant la pandémie, même contraints à l'immobilisme, les MRE ont été en mesure d'apporter de l'eau au moulin, leurs transferts ayant fait preuve d'une bonne résilience. Selon Mahmoud Arbouch, économiste au Policy Center For The New South (PCNS), en temps normal, la diaspora marocaine soutient directement l'économie marocaine à travers trois principaux canaux, que sont leurs transferts réguliers de fonds, les recettes voyage dégagées de leurs séjours au Maroc en tant que touristes, ainsi que les investissements qu'ils y réalisent. Poussant son analyse, l'économiste indique que « les recettes voyage des Marocains du monde ont fondu comme neige au soleil durant la crise de la Covid-19, passant de 78,6 milliards de dirhams, en 2019, à 36,4 milliards de dirhams, en 2020, sous l'effet de la fermeture des frontières internationales, et les recettes de leurs investissements ont également connu un marasme en raison des restrictions de déplacements et du manque de visibilité dans le contexte de crise». Toutefois, relève-t-il, leurs transferts de fonds ont quant à eux «fait preuve d'une forte résilience, en réalisant une surprenante hausse de 5%, en 2020, pour s'établir à 68 milliards de dirhams, contre 64,7 milliards de dirhams, en 2019, à contre-courant de toutes les prévisions qui tablaient sur une baisse comprise entre 20% et 30%, faisant preuve d'un caractère fortement contra-cyclique dans un contexte économique mondial particulièrement délicat». Cette évolution, estime l'analyste, «n'était pas du tout prévisible, mais au final, elle est tout à fait logique au regard du contexte particulier, en prenant en compte un certain nombre d'éléments contextuels d'ordres conjoncturel et structurel». Plus en détail, il explique que concernant les raisons à caractère conjoncturel, l'annulation de l'opération Marhaba 2020, a fait en sorte que les 2 millions de Marocains du monde qui comptaient rentrer au Maroc pour les vacances d'été, ont dû y renoncer, et ont par conséquent transféré une partie de leur budget voyage à leurs proches. Pour ce qui est de l'élément à caractère structurel, et qui est peut-être le plus déterminant, note-t-il, «le rôle crucial que jouent les transferts des migrants dans la cohésion sociale entre les migrants et leurs proches, en contribuant à la réduction de la pauvreté en milieu rural, et à l'amélioration de l'accès à l'éducation et à la santé dans les milieux urbain et rural, ce qui explique que ces dépenses ont eu un caractère incompressible, en n'étant pas une variable d'ajustement budgétaire dans un contexte de choc économique». MRE, facilitateurs de commerce avec le Maroc En effet, avance Mahmoud Arbouch, les Marocains du monde peuvent jouer ce rôle. Comment ? Il explique : «Parce qu'ils connaissent bien leur pays d'origine, et grâce à leurs contacts, les Marocains du monde peuvent être d'importants facilitateurs du commerce avec le Maroc, tant du côté des importations que des exportations». Et d'ajouter : «Pour certains produits, nos compatriotes résidant à l'étranger peuvent stimuler directement les exportations marocaines car ils ont tendance à conserver leurs habitudes de consommation marocaines dans le pays d'accueil, et peuvent favoriser également le commerce marocain grâce à l'effet de réseau, en jouant le rôle de facilitateurs de commerce entre les différentes parties, grâce aux informations qu'ils détiennent sur les deux pays partenaires». Généralement, soutient-il, «une diaspora importante est significativement associée à une plus grande intensité du commerce bilatéral entre les pays d'origine et de destination. En plus, l'effet de la diaspora sur le commerce peut être beaucoup plus prononcé pour le commerce des produits hétérogènes ou différenciés, que pour les produits homogènes tels que les produits de base». Il soutient en ce sens que «les exportations du Maroc sont de plus en plus hétérogènes, et la diaspora peut jouer un rôle déterminant de facilitation de commerce pour ce type de produits car elle est bien placée pour combler les asymétries d'information dans des secteurs spécifiques». Maroc-Diaspora, des liens à renforcer Les Marocains du monde étant un levier de développement socio-économique du pays, il est nécessaire de mettre en place des mesures facilitatrices et incitatives pour encourager leurs investissements dans le pays. Ceci pourrait se faire, selon l'économiste au PCNS, «en identifiant les secteurs clés dans lesquels pourraient investir les Marocains du monde connus pour être porteurs d'idées d'investissement novatrices, notamment dans des secteurs autres que l'immobilier, qui concentre déjà 70% du total de leurs investissements». La nouvelle génération des migrants marocains, dit-il, «est très désireuse de se lancer dans des projets d'investissement innovants, à condition de bénéficier de l'assistance nécessaire pour identifier les projets prometteurs et établir les bons partenariats». Il évoque à cet égard, les chantiers de dématérialisation, de digitalisation et de simplification des procédures administratives menés dans le Royaume. Ces mêmes efforts, adossés à la réforme des CRI et le lancement de la charte d'investissement du Maroc, fait valoir Mahmoud Arbouch, «sont des initiatives louables qui doivent réellement incorporer la diaspora marocaine, à travers une communication claire et fluide, en considérant les Marocains du monde comme une 13è région marocaine fortement créatrice de richesse, pour permettre au Maroc de tirer pleinement profit de sa diaspora, et permettre à cette dernière de contribuer significativement au développement de son pays d'origine».