Après une interview de "Le Point" toute gazelle avec Abdelmadjid Tebboune la presse française se déchaîne et semble jeter son dévolu sur l'Algérie. Ce coup-ci à défaut d'une entrevue fleuve, si l'on peut appeler cela ainsi, voilà qu'un éditorial du quotidien français dit du soir, Le Monde, vient y ajouter de son grain. Malheureusement ce coup-ci, ce n'est pas une opération de com plus, en guise d'une interview faite par deux Algériens bien plus écrivains que journalistes au regard des questions de complaisance posées et qui ne cherchaient aucunement l'information, mais tout simplement d'un pamphlet. En effet, le premier journal de France a consacré cette fin de semaine un éditorial, intitulé, « L'Algérie dans l'impasse totalitaire » et qui débute ainsi : « Les élections législatives prévues samedi 12 juin, qui devaient signer la normalisation institutionnelle du pays, s'annoncent comme un nouveau rendez-vous manqué pour la démocratie algérienne ». Il a fait fureur -dans tous les sens du mot et dans la sphère politique de « dar el mouradia » et dans les rues de la casbah, d'Alger et d'ailleurs fans de ce genre d'écrits. On savait Le Monde adepte des vérités crues, mais celle-ci était des vertes et pas mûres. Si verte du reste que c'est vert de rage que l'ambassadeur d'Algérie à Paris Mohamed-Antar Daoud, à son corps défendant, s'est pourvu dans une mise au point adressée au directeur du quotidien proche du Parti socialiste, Jérôme Fenoglio, regrettant que les « héritiers de cette institution de référence en matière de journalisme se situent à des lieues des principes de déontologie imprimés par son fondateur, Hubert Beuve-Méry, dont les positions concernant la Révolution algérienne contre le colonialisme restent inscrites dans les annales de la presse française ». Pourtant l'éditorial du « Monde » n'avait fait que dire. « Un nœud coulant étouffe peu à peu le désir de démocratie des Algériens, à la veille des élections législatives de samedi 12 juin, censées parachever la normalisation institutionnelle du pays. Une répression massive, disproportionnée, face à un mouvement non violent, a eu raison du Hirak, ce mouvement de rue populaire qui, après avoir obtenu le départ du président Abdelaziz Bouteflika, en avril 2019, réclamait, comme d'ailleurs depuis l'indépendance en 1962, l'avènement d'un Etat authentiquement civil et non militaire ». C'en était trop pour Tebboune & co ! Et Antar de s'en prendre au Monde et de brandir l'annulation d'un éventuel entretien avec le président au nom imprononçable comme pour un vulgaire média du bled qui racole pub et subventions au bon vouloir du raïss. Aussi la voix de son maître ayant vite fait de voir l'intrigue ne s'est pas gêné en écrivant « c'est à partir d'une salle de rédaction parisienne que l'auteur de l'éditorial incriminé empreint d'une subjectivité déconcertante a commis son éditorial. Le caractère délibérément outrageux et violent de ce texte, prenant pour cible le président de la République et l'institution militaire, interpelle sur les desseins réels d'un tel acharnement qui se renouvelle, sciemment, à l'approche de chaque échéance politique dans mon pays ». Waouh ! la presse française doit en trembler. Mais on comprend la rage d'Alger, au regard de la continuation de cet éditorial qui ose s'en prendre au raïss borgne roi des médias au pays des aveugles. « Il semble déjà loin le temps où Abdelmadjid au "nom imprononçable", président élu, lors d'une élection truquée, en décembre 2019, saluait la « maturité » d'un « hirak béni » pour avoir stoppé la perspective d'un cinquième mandat de Bouteflika. Aujourd'hui, le nouveau chef d'Etat confirme qu'il est, comme tous ses prédécesseurs, l'homme lige des militaires, qui exercent la réalité du pouvoir, en cherchant à étouffer par tous les moyens les revendications de transparence, d'ouverture et de libertés ». Il est comme qui dirait que le monde est en passe de passer un mauvais quart d'heure, du côté d'Alger on ne pardonne guère ce genre d'écart. Et pourtant la canard en attendant son devenir de magret n'en démord pas. « Dans un climat lourd de peur, le régime a réussi à mettre fin par la force, sauf en Kabylie, aux manifestations hebdomadaires qui défiaient son pouvoir. Alger est sévèrement bouclée chaque vendredi, et pas moins de 2 000 personnes ont été arrêtées en deux semaines lors des deux dernières manifestations qui ont pu avoir lieu, au début de mai. L'escalade répressive est marquée par des incriminations et des peines de prison de plus en plus lourdes. Activistes en vue et militants de l'opposition, ils sont 214 – nombre le plus élevé depuis deux ans – à être incarcérés pour avoir exprimé une opinion ou avoir participé à une manifestation ». Le Monde signe là, assurément son arrêt de mort de lecture dans la nomenclature algérienne. « A l'approche du soixantième anniversaire de son indépendance, le 5 juillet 2022, l'Algérie vit la énième mutation d'un système d'apparence immuable, où les militaires et une classe de privilégiés confisquent l'avenir d'un pays qui ne manque pourtant ni de richesses naturelles ni de potentialités humaines ». Cela étant, si elle est une chose sûre c'est que même les journaux étrangers où la liberté et la démocraties sont des piliers, ils doivent cependant tourner leur plume à sept fois avant que de la tremper dans l'encre. A preuve l'ambassadeur, malgré "cet écart du journal français" ne changera rien à l'autorisation accordée au journaliste du Monde de se rendre en Algérie pour couvrir les élections législatives du 12 juin courant. Ben voyons ! que peut nous apprendre l'effronté sinon d'autre, que des dès pipés et que les nouveaux "législateurs» d'Algérie seront des béni-oui-oui bénis du pouvoir en place.