L'affaire de l'exclusion par les autorités algériennes d'agriculteurs d'El Arja des terres qu'ils ont cultivées depuis plus de 50 ans est toujours d'actualité. Les fermiers de cette zone frontalière enchainent les manifestations pour faire entendre leur voix, mais aussi les discussions avec le Club des avocats du Maroc, pour trouver une issue à cette problématique. Selon Me Mourad Elajouti, président du Club des avocats du Maroc et avocat au barreau de Casablanca, il est question dans ce cas-là, d'« usucapion » ou « prescription acquisitive » qui désigne la manière dont la propriété peut s'acquérir par une possession paisible et publique prolongée dans la durée. Mais pas que ! Il y a également l'article 827 du Code civil algérien qui est clair sur cette question, estime l'avocat, précisant que ledit article stipule que « celui qui exerce la possession sur une chose, mobilière ou immobilière, ou sur un droit réel mobilier ou immobilier sans qu'il en soit propriétaire ou le titulaire, en devient propriétaire si sa possession continue sans interruption pendant quinze ans ». Sur ce point, quelques « voix » ont laissé entendre que cet article n'est pas appliqué aux « étrangers« , et donc aux fermiers marocains, mais seulement aux Algériens. Ce n'est pas le cas, affirme l'avocat à Hespress Fr. « Bien sûr que la loi algérienne s'applique à tout le monde. Il n'y a aucune disposition dans l'article 827 du Code civil algérien qui dit que cet article ne s'applique pas aux étrangers. Comme dans n'importe quel pays, la loi s'applique pour tout le monde, que ce soit la population locale ou les étrangers résidant sur son territoire. L'application de la loi se fait au niveau territorial et non sur la personne« , nous explique Me Elajouti. Il poursuit dans ce sens que le voisin algérien ne veut pas avoir à dédommager les agriculteurs marocains pour ce qu'il leur fait subir, raison pour laquelle il avance ce genre de contradictions. Il veut pousser les agriculteurs marocains à porter plainte contre le Maroc pour que ce dernier les indemnise. Du côté des juristes marocains, c'est les autorités algériennes qui ont pris cette décision arbitraire, c'est à elles d'en assumer les conséquences matérielles, si l'enquête et les documents prouvent éventuellement qu'il s'agit de terres algériennes. « Les Algériens avancent qu'El-Arja relève de leur territoire national, et la décision d'expulser les agriculteurs marocains vient de chez-eux, alors c'est à eux d'en assumer les conséquences. Ces agriculteurs sont basés là-bas depuis 50 ans, selon le Code civil, ses terres leur appartiennent, sinon l'Algérie doit les dédommager« , tranche l'avocat casablancais. Ainsi, le Club des avocats du Maroc a programmé une réunion à Oujda avec les agriculteurs impactés par cette décision, dont la date n'a toujours pas été fixée, nous précise notre interlocuteur, notant que les avocats du club sont toujours en train d'étudier les documents qu'ils ont reçus des professeurs et historiens de Figuig installés à l'étranger. Après, consultation de tous les documents, ils pourront trancher sur la question, « c'est-à-dire, est-ce qu'on va voir les autorités algériennes, ou bien saisir la Cour internationale de justice à La Haye« , fait savoir Me. Elajouti, notant que le Maroc a un accord bilatéral avec l'Algérie, qui permet aux avocats marocains de plaider devant les tribunaux algériens sans condition préalable. « La CIJ ne peut-être saisie que par l'état marocain ou un organisme habilité. Donc il faut que l'Etat soit d'accord pour mener cette action. Pour le cas de la saisine dans la procédure contentieuse, il faut que les deux Etats (Maroc-Algérie) acceptent la procédure. Il se peut que nous l'entamions avec l'Etat marocain, mais que l'Etat algérien refuse de suivre. Cependant, ce refus sera utilisé contre lui, comme quoi il refuse d'entamer une procédure contentieuse malgré la ratification de la convention. On est en train de voir si on va donc suivre cette piste ou pas. En tant que juristes, on doit voir quelles sont les orientations de l'Etat marocain sur cette affaire pour voir ce qu'on peut faire de notre côté« , avance Me Elajouti. Cela dit, et avant tout, le président du Club des avocats du Maroc estime qu'il faut tout d'abord que les agriculteurs marocains impactés entament des procès-verbaux pour matérialiser la décision d'expulsion des lieux. « Je pense qu'ils n'ont pas encore entamé une procédure judiciaire. Ils doivent prouver que la décision revient aux autorités algériennes pour pouvoir les attaquer après« , explique Me Elajouti avant de conclure que pour le moment, les fermiers d'El Arja se constituent en coordination et qu'ils essaient de leur côté en tant qu'avocats de les orienter en leur donnant des solutions adéquates. Après, c'est à eux de choisir quelle procédure ils veulent entreprendre.