Les relations entre la Russie et l'Union européenne sont au plus bas ces dernières semaines. Après les contestations concernant l'emprisonnement de l'opposant Alexeï Navalny, la mission du chef de la diplomatie européenne Josep Borrell s'est soldée par un cuisant échec. Alors que la relation entre l'Union européenne et la Russie s'est déjà détériorée par le passé, des suites de plusieurs affaires ayant entretenu la méfiance vis-à-vis du Kremlin, l'affaire de l'opposant Alexeï Navalny a jeté un pavé dans la mare. Les dirigeants européens ont annoncé ces dernières années leur désaccord frontal avec la Russie, à l'image d'Angela Merkel qui a affirmé avoir des preuves de l'implication des services secrets russes dans une cyberattaque ayant visé le Parlement allemand et son parti en 2015. L'affaire de l'empoisonnement de l'agent double Sergei Skripal en Grande Bretagne en 2018 a provoqué une importante crise diplomatique entre Londres et la Russie, et la France s'oppose au projet de gazoduc Nord Stream 2 qui doit alimenter l'Europe en gaz russe et qui constitue selon Paris une menace pour la « souveraineté énergétique européenne ». Mais l'affaire de la tentative d'empoisonnement du premier opposant au Kremlin, Alexeï Navalny, 44 ans, a rajouté une couche sur les tensions déjà existantes. Empoisonné en août par un agent neurotoxique proche du Novitchock (développé pendant la guerre froide par l'armée russe), Alexeï Navalny, une fois de retour en Russie après des soins et une convalescence en Allemagne, a été incarcéré pour violation de ses conditions de liberté conditionnelle dans une affaire datant de 2014. Son emprisonnement et sa condamnation à trois ans de prison a provoqué de nombreuses manifestations en Russie ayant conduit à l'arrestation de plus de 10.000 personnes ces dernières semaines. Navalny, l'affaire de trop L'Europe a fermement condamné la décision de la justice russe et les arrestations des manifestants. Mais depuis que la Russie a expulsé des diplomates européens après les avoir vu participer aux manifestations pro-Navalny, la crise diplomatique avec Moscou a pris une nouvelle tournure. Réagissant à l'expulsion des diplomates d'Allemagne, de Pologne et de Suède, qui est intervenue le jour de la visite du chef de la diplomatie européenne Josep Borrell, Angela Merkel a estimé qu'elle était « injustifiée », estimant que « aller chercher des informations » faisait partie des prérogatives des diplomates. « Si la Fédération de Russie ne reconsidère pas cette mesure, elle ne restera pas sans réponse », a de son côté menacé dans un communiqué le chef de la diplomatie allemande, Heiko Maas. De son côté, le président français, Emmanuel Macron, a condamné « avec la plus grande fermeté » l'expulsion des trois diplomates et l'affaire de l'opposant au Kremlin. « Sur l'affaire Navalny, je condamne avec la plus grande fermeté du début à la fin ce qui s'est passé, de l'empoisonnement (…) à la condamnation, et aujourd'hui l'expulsion des diplomates allemand, polonais, suédois, qui a été décidée par la Russie », a déclaré le président français à l'issue d'un conseil de défense franco-allemand avec Angela Merkel. Les deux dirigeants ont tous deux insisté sur la nécessité de continuer le dialogue avec Vladimir Poutine pour « la paix et la stabilité européenne » malgré l'emprisonnement de l'opposant Alexeï Navalny, qu'il a jugé comme une affaire « politique ». « Je pense que c'est une énorme erreur, même pour la stabilité de la Russie aujourd'hui », déclare le président français au cours d'une vidéoconférence avec l'Atlantic Council diffusée jeudi. « Un désaccord politique n'est jamais un crime », avait-il dit suite à la condamnation du militant anti-corruption. De son côté, le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell qui a défendu sa visite controversée en Russie et a appelé à continuer de dialoguer avec la Russie, a vite déchanté à la fin de sa visite dimanche après que ses demandes n'ont pas trouvé écho chez son homologue russe. « Les canaux diplomatiques doivent rester ouverts, pas seulement pour désamorcer les crises ou les incidents, mais aussi pour avoir des échanges directs, délivrer des messages fermes et francs, d'autant plus lorsque les relations sont loin d'être satisfaisantes », a-t-il déclaré dans un communiqué au deuxième jour de sa visite. Vers des sanctions européennes? Seulement, dimanche soir, à son retour de Moscou, le diplomate européen a fait part de ses inquiétudes face à la réaction de la Russie, hautement irritée des « immixtions » de l'Union européenne dans ses affaires, surtout s'agissant de la défense de Navalny, ennemi numéro 1 du président russe Vladimir Poutine. « Les autorités russes n'ont pas voulu saisir l'occasion d'avoir un dialogue plus constructif avec l'UE. C'est regrettable et nous devrons en tirer les conséquences », a-t-il écrit sur Twitter, avant de faire référence à de possibles sanctions contre Moscou. « Il appartiendra aux Etats membres de décider des prochaines étapes, et oui, celles-ci pourraient inclure des sanctions », a-t-il ajouté. Alors qu'Emmanuel Macron estime que le dialogue avec la Russie est primordial pour assurer la sécurité des frontières européennes et la garantie de la stabilité sur le continent, et la chancelière allemande ne veut pas perdre le projet Nord Stream 2, les « bonnes » relations entre les partenaires européens semblent compromises à ce stade, d'autant plus qu'une nouvelle salve de sanctions pourrait s'abattre sur la Russie. Les ministres des Affaires étrangères de l'Union Européenne doivent en discuter le 22 février pour faire le point sur la situation après l'envoi de leur émissaire pour discuter avec le chef de la diplomatie russe Sergei Lavrov.