Après un silence aussi long qu'assourdissant, le président algérien, Abdelmajid Tebboune, tombé depuis quelques jours dans l'inconstitutionnalité, a fini par faire une apparition...télévisée, pour tenter de rassurer une rue qui commençait à s'agiter, à s'interroger et surtout à évoquer le spectre toujours vif d'un certain Abdelaziz Bouteflika. Tebboune a affirmé « qu'il se portait bien, qu'il reviendrait dans quelques semaines, et qu'il assumait ses fonction ». En temps de pandémie, quoi de plus normal que de faire son travail à distance, même s'il s'agit de diriger un pays de quelque 44 millions d'âme, en mode télétravail ? Le scénario semblait étrangement se répéter et inquiéter. Il fallait donc agir d'urgence et « montrer » le président, même si dans les faits, cela ne change pas grand-chose. La présence ou l'absence du président en Algérie, ne fait pas une grande différence, parce que de toutes les manières les décisions le dépassent et le surpassent. En effet, et ce n'est un secret pour personne, le président est là pour faire bonne figure et occuper un fauteuil qui doit être occupé. Par qui ? Peu importe ! Pourvu que ce soit quelqu'un qui fait parfaitement dans le «exécuter sans discuter». Triste destin que celui de cette Algérie « rongée par les siens », condamnée à revivre, à l'infini, des simulacres d'élections et à être hantée par des images de chef d'Etat en fauteuil roulant, ou de cadres-photos faisant campagne. «Depuis la crise de 1963, les Algériens ne parviennent toujours pas à créer un Etat. Il y a les militaires qui ont mis en place leur Etat, et à force de propagande, on a créé un nationalisme, mais qui est totalement faux », nous dit à ce propos Khalid Chegraoui, Senior fellow au Policy Center for the New South (PCNS) de Rabat et vice-Doyen de la FGSES UM6P. Il déplore en ce sens, qu'un Etat « qui faisait 48 milliards de dollars quand le pétrole étai à 100 dollars/baril et qui n'arrive même pas à avoir une structure sanitaire et médicale digne du nom ». « Avec l'infrastructure existante, l'Algérie ne peut même pas être comparée, non pas au Maroc, mais à un petit pays comme la Tunisie. Il en va de même pour l'infrastructure routière et autre, en dépit de tous les problèmes et la souffrance de la Tunisie, la situation y est 100 fois meilleure », ajoute-t-il. Réseaux politico-mafieux En fait, selon notre interlocuteur, le problème de ce pays, «c'est que depuis la fin de l'ère Boumediane, il est tombé sous l'emprise d'un système de réseaux politico-mafieux-intrafamiliaux, qui décident de tout et contrôlent tout dans une +anarchie organisée+ qu'ils ont créée et qu'ils sont les seuls à comprendre». Interrogé sur la réaction de la rue face à cette situation des plus ambigües, il affirme que trois éléments sont à retenir à ce propos : La crise économique qui fait que la population soit en extrême souffrance, la hantise de revivre la décennie noire, et puis la pandémie qui a été une véritable aubaine pour le système. Et le Hirak ? Khalid Chegraoui estime que ce mouvement, «qui était à la base une demande populaire, pourrait avoir été récupéré en cours de route, par des forces occultes pour changer la donne. Cela a permis l'entrée en jeu de nouveaux visages, notamment des fils de militaires, des arrivistes émergés de nulle part, qui ne font que +bouffer l'Algérie+ avec la bénédiction de l'Armée, qui a parfaitement joué le jeu». Ces mêmes forces occultes, soutient-il, «sont aujourd'hui en train de négocier, et de chercher un remplaçant pour être éventuellement en mesure de déclarer la vacance du pouvoir. Mais même là, le personnage censé remplacer le président le cas échéant (Salah Goudjil, président par intérim du Conseil de la Nation), est un homme âgé (90 ans), outre le fait que le système s'est toujours arrangé pour que ce personnage n'ait pas vraiment les droits totaux pour être en mesure de diriger le pays. C'est ce qui a été fait avec Bensaleh quand la carte de la nationalité a été sortie». L'inconstitutionnalité, un faux débat En fait, ce n'est pas un problème d'être président en Algérie. Depuis Boumédiane, tout le monde peut être président en Algérie, affirme l'expert, selon qui «parler d'inconstitutionnalité est un faux débat, car comment parler de la violation d'une constitution que le président lui-même n'a pas votée ?». En fait, totalement dans l'impasse, le système est en train de revenir vers la solution de 1963, celle de l'ennemi utile, qui est le Maroc, nous dit notre interlocuteur. Pour conclure : «Ce rôle ne peut pas être joué par la Mauritanie, ni le Mali, encore moins la France, le système se rabat donc sur le Maroc à force de propagande et de déclarations mensongères, dont le seul but est d'entretenir le sentiment de menace, de justifier des actes irréfléchis et de détourner l'attention d'une situation interne des plus compliquées».