Alors que Donald Trump n'avait accordé aucune attention en 2016 au candidat à la vice-présidence Tim Kaine, le président candidat à sa propre élection quatre ans plus tard, s'en donne à cœur-joie à l'encontre de Kamala Harris. Trump qui selon des estimations d'internautes spécialisés qui avaient prédit sa victoire contre Hillary Clinton est bien parti pour un second mandat, a déclaré que « personne n'aime » Harris, alimentant un stéréotype d'« amabilité » qu'on applique davantage aux femmes de pouvoir qu'aux hommes. Ce serait « insultant pour notre pays » que Harris en devienne la première présidente, a-t-il lancé lors d'un évènement en Caroline du Nord. De plus, le milliardaire et ses alliés prononcent fréquemment incorrectement son prénom, ce qui fait dire aux partisans de Harris qu'ils tentent d'insinuer que la fille d'immigrants n'a rien à faire dans les plus hauts échelons de la politique du pays. Mais si Trump a opté pour cette stratégie c'est parce qu'il peine à se doter d'une autre consistante et cohérente pour attaquer le candidat présidentiel Joe Biden, dont la réputation est celle d'un adepte des compromis plutôt que celle d'un idéologue progressiste. Le racisme et le sexisme qui sous-tendent les attaques de Trump contre la première Noire et la première personne de descendance asiatique à se trouver sur le ticket d'un grand parti s'inscrivent dans le cadre d'une stratégie agressive pour séduire les électeurs blancs des banlieues. Mais Kamala Harris ne s'en laisse pas conter pour autant et poursuit sa campagne impassible tout en dénonçant férocement Trump. Ses attaques se limitent essentiellement à sa performance en tant que président. Lors d'un évènement à Miami jeudi, elle a dit que le président a été « insouciant » de minimiser le bilan potentiel du coronavirus, pendant qu'en privé il admettait que c'était « quelque chose de mortel ». Le directeur des communications de la campagne de Donald Trump, Tim Murtaugh, assure que Joe Biden demeurera sa cible principale, tout en laissant entendre que Harris compte parmi les forces radicales qui influencent le candidat démocrate. « Kamala Harris et ses votes antérieurs renforcent cet argument contre Joe Biden ». Cette stratégie pourrait être périlleuse pour Trump. Les électeurs noirs se rangent déjà très majoritairement derrière Biden et les attaques soutenues contre Harris pourraient les pousser à aller voter en novembre, ce qui pourrait avoir un impact sur l'issue du scrutin dans des Etats comme la Caroline du Nord, la Floride, la Pennsylvanie et le Michigan des Etats clés. Il est inhabituel pour le président sortant d'accorder autant d'attention au colistier de son adversaire. De plus, les tentatives de présenter Mme Harris comme une libérale radicale ne correspondent pas à la réalité. La gauche progressiste n'a jamais ouvert les bras à Mme Harris, qui est l'ancienne procureure générale de la Californie. Quand elle a rejoint le ticket démocrate en août, les républicains l'ont décrite comme une procureure zélée qui voulait camoufler ses antécédents de lutte au crime, mais aussi comme quelqu'un de peu intéressé à combattre la criminalité. Mais Harris a adopté des positions relativement modérées dans des dossiers comme les soins de santé et la loi et l'ordre tout comme Joe Biden du reste. « Vous savez qui est encore plus à gauche que Crazy Bernie (Sanders) ? Kamala. Kamala. Kamala », a dit Trump, qui a pris soin de mal prononcer et d'étirer chaque syllabe de son nom à chaque fois qu'il l'a prononcé. C'est que dépourvu d'un message clair, Trump se rabat sur ses attaques sexistes et racistes habituelles. Trump utilise de longue date de telles tactiques de salissage contre ses adversaires féminines, surtout les femmes de couleur, en remettant en question leur patriotisme ou en disant d'elles qu'elles sont « méchantes » ou « en colère ».