Elles sont près de 7100 saisonnières marocaines à avoir franchi la Méditerranée pour se rendre en Espagne, et plus exactement à la province de Huelva, pour travailler dans les champs de fruits rouges dans le cadre de la campagne de migration circulaire 2019/2020, initiée par l'Agence nationale de la promotion de l'emploi et des compétences (ANAPEC). Alors que le contrat de ses ouvrières est de près de 6 mois et que les premières vagues ont commencé leur travail dans les champs depuis décembre 2019, les contrats de certaines saisonnières devraient prendre fin ce début du mois de juin, avec notamment la fin de la saison de fraise qui prend fin en juin. La question qui revient en force ces derniers jours, est de savoir quelles sont les conditions de ces femmes que certains disent qu'elles sont « bloquées » sans pouvoir rentrer à la mère-patrie, après la fermeture des frontières marocaines pour limiter la propagation du coronavirus, ou encore qu'elles vivent dans des conditions déplorables après avoir été virées des logements par leurs employeurs, après la fin de leur contrat. Pour connaître le vrai du faux, Hespress Fr s'est entretenu avec le directeur général de l'ANAPEC, Abdelmounim El Madani, qui affirme d'emblée que nul ne peut dire exactement ce qu'il en est. « Bloquées ou pas, on ne peut rien vous dire, parce que c'était prévu que le contrat de quelques-unes de ces ouvrières, arrive à échéance en cette période. Après, est-ce qu'elles sont bloquées ou pas, on l'ignore ». Mais selon les dernières remontées reçues par son département, poursuit notre interlocuteur, les saisonnières marocaines se trouvent toujours sur leurs lieux de travail, et l'ANAPEC n'a reçu aucune information disant qu'elles sont dans la rue ou vivent dans des conditions misérables. Photo : Soufiane Fassiki « Aucune réclamation ne nous a été faite par les ouvrières marocaines en Espagne quant à un éventuel retour, ni même qu'elles soient virées de leurs lieux d'hébergement après expiration de leur contrat, selon les dernières informations que nous avons pu avoir des personnes sur place avec qui nous sommes en contact. Pour le moment, ces femmes marocaines sont toujours en poste et travaillent. Nous, nous ne faisons pas le suivi. C'est des femmes qui ont un contrat de travail et qui exercent leur fonction dans des conditions normales, nous n'avons pas à intervenir », a-t-il tranché. S'agissant du retour de ces ouvrières, El Madani nous affirme qu'elles ont le même droit que n'importe quel Marocain bloqué en Espagne, ou à l'étranger en général. « Ces ouvrières marocaines sont parties travailler dans un pays européen de manière légale. Puis les frontières ont été fermées par le Maroc pour limiter la propagation du coronavirus. Et du coup, elles seront traitées de la même manière que n'importe quel Marocain bloqué en Espagne et souhaitant revenir à la mère partie, s'il s'avère réellement qu'elles sont en situation de blocage », dit-il. Cependant, et selon le responsable, il y a deux cas de figure pour ces ouvrières. La première est que leurs employeurs, ou un autre employeur, ait toujours besoin d'elles, nous explique le directeur de l'ANAPEC, tout en rappelant que la saison des fruits rouges est une saison très très longue, et de ce fait elles sont toujours en activité. Pour ce qui est des Marocains bloqués à l'étranger, le responsable se pose ainsi la question de savoir est-ce qu'on peut considérer un Marocain qui travaille à l'étranger comme étant un Marocain bloqué ? «Non», affirme-t-il. « La donnée qu'on possède et qui est sûre, est que ces ouvrières marocaines sont parties en Espagne pour travailler, et la saison s'est bien déroulée, elles ont travaillé dans des conditions bonnes et normales et ont bien gagné leur vie. Elles étaient également sous une bonne protection notamment sanitaire, puisque nous n'avons reçu aucune remontée d'infection au Covid-19 », indique encore le responsable. L'ANAPEC ne gère pas le retour des saisonnières marocaines Au total, ce sont 7085 saisonnières marocaines qui ont décroché un contrat pour travailler dans les champs de fruits rouges à Huelva en Espagne, malgré la forte demande reçue par le Maroc de la part des agriculteurs espagnols, qui avaient besoin de plus de 16.000 saisonnières, pour la campagne 2019/2020. Pour ce qui est du contrat qui lie les saisonnières à l'employeur espagnol, El Madani nous affirme en effet, qu'il arrive à échéances pour quelques-unes, relevant que dans une telle situation, et vu le contexte actuel, il y a deux cas de figure. Photo Soufiane Fassiki Le premier cas, c'est celui des femmes dont le contrat prend effet à partir de ce mois de juin et ne travaillent que dans les champs de fraises, dont la saison prend fin ce mois même. Mais dans quelques cas, poursuit-il, l'employeur, qui a d'autres cultures de fruits rouges, et puisque le nombre d'ouvrières envoyées cette année était faible et qu'il n'a pas reçu assez d'effectifs, peut avoir recours aux cueilleuses de fraises pour une période supplémentaire et s'occupe à ce moment-là des procédures pour le contrat ainsi que la prolongation de leur visa. Le deuxième cas possible, poursuit notre interlocuteur, est qu'effectivement le contrat ait pris fin et que l'employeur agricole n'a plus besoin des ouvrières. Dans ce cas, elles doivent quitter les lieux d'hébergement. Mais au jour d'aujourd'hui, le responsable nous affirme qu'aucun cas d'ouvrière virée par son employeur n'a été signalé à son département. « Dans le cours normal des choses, l'ANAPEC ne gère pas le retour des ouvrières. Parce que le retour ne se gère pas, il fait partie de la liberté des ouvrières. Elles deviennent touristes à la fin de leur contrat. Le seul point important qui existe, est que l'employeur, et suite aux conventions qui lient l'Espagne au Maroc, doit la conduire jusqu'au port de Tarifa et lui donner le billet de retour. Donc ces ouvrières sont à la charge de leur employeur », nous-a-t-il expliqué. Après, tout ce qui concerne les frontières, et est-ce que la traversée est disponible ou pas, cela relève du ministère des affaires étrangères, avance le responsable, soulignant que « l'ANAPEC à la base, ne gère pas le retour des ouvrières, alors que comme vous l'avez constaté au port de Tanger lors de votre reportage, c'est nous qui organisons le départ de ces ouvrières, en leur procurant le visa, on préparant leurs dossiers, en leur donnant le billet de bateau, jusque'à ce qu'elles partent». Après, est-ce que ces ouvrières sont bien installées et est-ce que les conditions de travail sont bonnes, le responsable nous affirme que cela se fait avant leur départ et avant même le lancement de la campagne, et si par la suite quelque chose qui ne va pas, puisqu'il s'agit d'une convention collective sur place, c'est la loi espagnole qui prévaut, affirme-t-il. « Cette année, nous n'avons reçu aucune réclamation, ni directement ni indirectement à travers la presse notamment espagnole. Et aujourd'hui, du moment où il n'y a pas de cas d'ouvrière mise à la rue, on ne peut pas parler de rapatriement. Mais on est informé bien sûr que les contrats de ces ouvrières commenceront à échoir dans les 10 premiers jours de juin. Mais nous tenant à rassurer les familles et l'opinion publique sur ce point », assure El Madani. Concernant ce qui a été relayé dans certains médias sur les conditions inhumaines dans lesquelles vivent les saisonnières marocaines, surtout après le déclenchement de la crise sanitaire du Covid-19, le directeur de l'ANAPEC s'interroge « de quelles conditions on parle? », puisqu'aucune information n'a été remontée à son département. « Nos interlocuteurs en Espagne, qui sont les autorités au niveau de l'ambassade, ne nous ont rien signalé lors de notre dernière communication il y a une semaine ou deux. Ils nous ont dit que les contrats des ouvrières dont les employeurs ont toujours besoin d'elles seront prolongés. Ils nous ont également remonté qu'il y a des ouvrières qui sont parties vers d'autres fermes où il y a de la demande. Et il y a aussi des cas d'ouvrières dont le contrat a expiré, mais on n'a pas d'information qu'elles ont été mises à la rue » assure-t-il. Cela dit, le responsable tient à souligner que ces ouvrières ont le droit de faire une demande de rapatriement si elles souhaitent rentrer au pays, au même titre que tous les Marocains bloqués actuellement en Espagne, notant qu'à leur niveau, ils ne peuvent pas prévoir une mesure exceptionnelle pour elles. Toutefois, il fait noter que ces femmes ont une protection de plus, à savoir que les conventions initiales prévoient que dans toutes les conditions, et à la fin du contrat, l'employeur est dans l'obligation de la payer pour son travail et de d'assurer son retour, le cas échéant. Après, dans cette situation de crise sanitaire, comment l'employeur va gérer cette obligation contractuelle qu'il a, cela ne relève pas de l'observation de l'ANAPEC. « Pourquoi je vous dis que c'est une assurance de plus, parce que l'employeur doit gérer le cas de son ouvrière, ne peut pas la mette à la rue et doit la garder jusqu'à accomplir cette obligation. Et cette obligation ne peut être accomplie qu'en concertation avec son gouvernement, et son gouvernement ne peut que l'arranger avec le nôtre, vu le contexte actuel », explique-t-il. Le directeur général de l'ANAPEC nous assure, en outre, que les saisonnières marocaines en Espagne, « ne sont pas dans la vulnérabilité par rapport à cette situation de crise sanitaire, au même titre qu'un touriste ou qu'un Marocain travaillant dans un autre cadre ». « Ces ouvrières partent travailler chaque année dans un cadre protégé, et reviennent dans un cadre plus au moins protégé. Et je peux vous confirmer qu'elles travaillent dans un environnement assuré, notamment en cette période de Covid-29, où les gestes barrières et la mise à disposition des produits de désinfection ont été respectés par les employeurs », a-t-il conclu.