Le tabou n'a pas de place dans sa vie ni dans ses dessins. La jeune ingénieure de 24 ans n'a pas froid aux yeux. Elle a toujours eu recours au dessin et à la BD pour dénoncer, pour se renforcer, et pour faire passer ses messages. Elle parle d'éducation sexuelle, défend bec et ongles le corps le corps de la femme et sa réconciliation avec lui. Zainab Fassiki exposera sa H'chouma à l'occasion de la 16ème édition du Festival de Cinéma Africain de Tarifa-Tanger (FCAT). Une manifestation qui se déroulera du 25 avril au 4 mai, simultanément dans deux villes et deux continents, de part et d'autre du détroit de Gibraltar. Hespress FR s'est entretenue avec la jeune artiste, celle qui remet tout en question. La grande détractrice de la « Hchouma » (la honte). Les débuts, l'inspiration, le déclic... Déterminée, forte et vigoureuse, Zainab Fassiki évoque son enfance, la ville qui l'a vue grandir, et les premiers moments où elle est sortie de sa coquille pour briser les tabous et les idées reçues. « J'ai vécu dans la ville de Fès, je suis issue d'une famille très conservatrice où le mot « Hchouma » revenait sans cesse. Pour sortir de ma bulle et pour comprendre pourquoi ce mot est aussi intégré dans notre quotidien, j'ai commencé à lire sur plusieurs sujets et à m'ouvrir sur d'autres cultures. Après un cumul de lectures et d'observations, j'ai décidé de tout remettre en question ». Le dessin pour Zainab Fassiki est une forme de catharsis. Son art est son propre rempart ; il la « protège » d'une société qu'elle trouve des fois « sexiste », voire même « misogyne ». « Je dessine pour oublier le stress que je vis chaque parce que je suis une femme ». L'artiste trouve dans les faits du quotidien, dans les petits faits qui l'entourent et dans son vécu son inspiration. La BD et le corps de la femme Avec engouement et sensibilité, la bédéiste féministe nous parle de son corps, de celui de la femme... Elle veut le libérer coûte que coûte. Elle dénonce le fait qu'une bonne partie de la société le voit comme un sujet tabou et un provocateur de honte. En jetant un coup d'œil sur ses œuvres, les galbes du corps féminin se remarquent de première vue. Zainab Fassiki a pris le risque de libérer cet élément où elle trouve son inspiration et sa verve. Quand j'ai commencé à dessiner les femmes nues j'ai été difficilement acceptée et surtout très jugée », sourit-elle. Pour décrire le corps de la femme, l'artiste a beaucoup dessiné, et y a fait couleur beaucoup d'encre. Elle a eu du mal à employer des mots pour en parler, tout ce qu'elle a pu nous dire est que ce corps est « un produit fascinant qui reflète la grandeur de cet univers ». « Hchouma », qu'est ce que c'est ? Hchouma.com n'est pas seulement une plateforme gratuite et éducative. Il s'agit d'une série de projets : des livrets, des événements, des vidéos, une chaine YouTube, ainsi que des pages sur les réseaux sociaux ; sur lesquels l'artiste est en train de travailler actuellement. La BD qui brassera le bric à brac de tabous sera mise en vente sur le marché national, sur Amazone, ainsi qu'en Europe en octobre prochain. « Hchouma et l'éducation sexuelle » Selon l'artiste, l'inculcation de valeurs d'éducation sexuelle contribueront en grande partie à éviter ou du moins à atténuer les problèmes de société étroitement liés au corps de la femme, à savoir le harcèlement sexuel, le viol... Cette éducation, contribuerait, selon elle, à une harmonisation entre les deux genres au sein de la société et à une mixité sans problèmes. « Je crois que pour toucher les marocains facilement, et pour attirer leur attention sur l'éducation sexuelle, la BD sera le meilleur choix à faire », affirme-t-elle. Et d'ajouter que les marocains sont plus visuels, donc ils vont inévitablement porter un intérêt à ce travail. Pourquoi « Hchouma » ? Le corps de la femme, le tabou, la sexualité ne pouvaient être rassemblés dans un seul livre dans la société marocaine que sous un seul mot d'ordre qu'est « Hchouma ». Le concept a vu le jour après que Zainab ait été contactée par le musée Matadero à Madrid. « C'était la première fois où ils vont appeler un/une artiste marocaine. Ils avaient vu mes travaux sur les réseaux sociaux et m'avaient demandé de proposer un projet. C'est là où j'ai eu l'idée de lancer ce projet », nous déclare Zainab Fassiki. L'artiste souhaite toucher une cible plus large, et sortir de l'axe Rabat-Casablanca. Pour elle le vrai Maroc est bel et bien ailleurs. Elle souhaite organiser des workshops dans ces villes pour permettre aux parents et aux enfants de parler de cela Le choix de lancer cette BD en dialecte marocain est très bien étudié par la bédéiste. Elle estime que pour arriver à trouver des mots qui font allusion à la sexualité en « darija », il faut « galérer ». D'où la difficulté et la complexité d'aborder ces sujets en famille. Satisfaite, enjouée, et pleine d'espoir, Zainab Fassiki déclare être consciente qu'il s'agit d'un travail de longue haleine qui demande un sacré effort et une grande patience, mais elle sait qu'elle va y arriver ; elle le porte dans son cœur.