Sous le thème « Non aux instructions, oui à l'application de la loi », l'initiative nationale pour la défense du droit d'organisation (INDDO) a tenu ce jeudi 13 février dans les locaux de l'AMDH à Rabat, une conférence de presse destinée à «informer l'opinion publique nationale de la persistance des autorités relevant du ministère de l'Intérieur à violer les dispositions de l'article V de la loi régissant le droit de constitution des associations, et le refus de remise des reçus de dépôt». Composée de plusieurs associations, notamment la Ligue marocaine pour la défense des droits humains, l'AMDH, l'Instance marocaine des droits humains, le Forum de la Dignité des droits de l'Homme ou encore Amnesty International Maroc, l'INDDO ont soulevé plusieurs questions concernant le droit à l'organisation, mais plus particulièrement le refus des autorités relevant du ministère de l'Intérieur de remettre les reçus de dépôt de dossier pour la création d'associations ou le renouvellement des instances. Ce que dit la loi Dans un premier temps, Me Mohamed Zhari, coordinateur de l'initiative, a mis l'accent sur la loi 75.00 réglementant le droit d'association et plus particulièrement son article 5 qui souligne que « toute association doit faire l'objet d'une déclaration au siège de l'autorité administrative locale dans le ressort duquel se trouve le siège de l'association, directement par l'intermédiaire d'un huissier de justice ». Ce même article de la loi 75.00, poursuit Zhari, souligne qu'« il en sera donné récépissé provisoire cacheté et daté sur-le-champ. Un exemplaire de cette déclaration ainsi que des pièces qui lui sont annexées, visées au troisième alinéa ci-dessous, sont adressés par cette autorité locale, au parquet du tribunal de première instance compétent afin de lui permettre de formuler, le cas échéant, un avis sur la demande ». « Lorsque la déclaration remplit les conditions prévues à l'alinéa ci-dessous, le récépissé définitif est délivré obligatoirement dans un délai maximum 60 jours, à défaut, l'association peut exercer son activité conformément à l'objet prévu dans ses statuts », indique également ledit article. Selon Zhari, «la loi est donc claire à ce sujet ». Par ailleurs, le problème qui se pose est que « les autorités locales refusent de délivrer le récépissé provisoire ou final aux associations alors qu'elles ont suivi à la lettre les instructions définies par la loi en délivrant tous les documents demandés », ce que l'Initiative considère comme une « violation flagrante de la loi par le ministère de l'Intérieur », surtout dans la région de Rabat. Elle a dans ce sens appelé le chef du gouvernement, Saad Dine El Otmani, a intervenir pour mettre fin à cet «abus de pouvoir». Cette problématique qui persiste depuis un moment déjà a été soulevée à la chambre des représentants, mais également auprès du ministre d'Etat chargé des droits de l'Homme, Mustapha Ramid, fait savoir le coordinateur de l'initiative, notant que toutes ces parties ont « reconnu la légitimité de la revendication de l'INDDO, invitant ainsi les autorités relevant du département de Laftit à faciliter la démarche des associations ». Cependant, « rien n'a été fait dans ce sens », s'insurge Zhari. «Les autorités persistent toujours dans leur manœuvre de mettre des barrières pour la création d'associations ou pour le renouvellement de leurs instances, en demandant par exemple des documents improbables », s'interrogeant « si le ministère de l'Intérieur est au-dessous de la loi et du gouvernement, mais aussi de la Constitution ? ». L'INDDO a même interpellé le ministre de l'Intérieur, Abdelouafi Laftit, à travers deux lettres, une le 18 décembre 2019 et la seconde le 27 janvier 2020, lui rappelant la situation à laquelle sont confrontées les associations, à savoir «le refus des autorités locales de délivrer les récépissés provisoires et finaux aux associations lors des dépôts de dossier, ce qui représente une violation de la loi et de la Constitution de 2011, mais aussi les avis de justice prononcés dans ce sens par le tribunal administrative, mais qui n'ont jamais été appliqué ». L'initiative nationale pour la défense du droit d'organisation (INDDO) a donc exposé ses préoccupations au ministre de l'Intérieur l'interrogeant sur les « mesures qu'ils comptent entreprendre pour mettre fin à ses infractions et invités tous les intervenants au sein de son département à respecter la loi et la Constitution, en droite ligne, bien évidemment, avec le plan national dans le domaine de la démocratie et des droits humains ». Les autorités entravent le travail associatif Abordée par Hespress Fr, Saadia El Ouallous de la Fédération marocaine des droits humains (FMDH), a expliqué que « cette manœuvre ne concerne pas toutes les associations, mais uniquement les associations qui prennent ce grand fardeau qui est de défendre les droits des Marocains qui sont bafouillés tous les jours ». « Si un individu se présente pour la création d'une association pour la défense de poulet ou d'agneaux, on lui donnera le récépissé provisoire sur place et le récépissé final deux mois plus tard sans aucun problème. Mais quand il s'agit de déposer un dossier pour la création d'une association qui lutte dans le domaine des droits de l'homme, on lui met les bâtons dans les roues », a-t-elle dit. « Pourquoi ? », s'est-elle interrogé. Là est toute la question, dit-elle. Tout en rappelant la procédure pour soumettre un dossier de création d'association auprès des autorités, Saadia El Ouallous a souligné que les autorités « n'interdisent pas officiellement sa création, mais on nous met les bâtons dans les roues, dans le genre il faut attendre, il faut revenir plus tard ou bien le dossier est incomplet ». Cela fait 5 ans que la FMDH attend son reçu, fait-elle remarquer. Cependant, l'absence de récépissé final pour la FMDH ne l'a pas empêchée de pratiquer ses activités associatives, nous fait savoir la militante qui estime en revanche « qu'un droit est un droit ». In fine, notre interlocutrice déclare que les associations ne veulent pas pratiquer en situation clandestine. « Les associations ne représentant aucun danger du moment où elles sont pacifiques, respectent la loi. Mais c'est les droits pour lequel nous luttons qui dérangent l'Etat », conclut-elle.