L'Irak a connu en ce jeudi, sa journée la plus sanglante et la plus meurtrière depuis le début de la contestation et de son « printemps ». Au moins 45 personnes ont trouvé la mort et des centaines d'autres ont été blessées quand les forces de sécurité irakiennes et les milices pro-iraniennes ont tiré à balles réelles ou en caoutchouc sur les manifestants à Bagdad et dans les villes chiites du sud en ébullition. Le bilan macabre depuis le début du mouvement de protestation en dépasse les quatre cents morts. Le plus lourd tribut, ce sont les villes du sud à majorité chiites qui l'ont payé. A Najaf ville sainte chiite, les forces de l'ordre et leurs sbires ont tiré sur un cortège funéraire ce vendredi. Au moins 16 manifestants avaient été tués la veille, selon des médecins de Najaf où des manifestants avaient récemment incendié le consulat d'Iran. A Nassiriya, en quelques heures au moins 25 manifestants, sont décédés sous les tirs lourds et nourris d'une intensivité sans pareil des forces de sécurité emmenées par un haut-gradé et ses troupes dépêchés par Bagdad. Tandis que dans la capitale au moins cinq manifestants ont été tuées quand les forces de l'ordre ont tiré à balles réelles et en caoutchouc sur des manifestants rassemblés près d'un pont sur le Tigre. Cette escalade de violence est due à la répression aveugle et en toute impunité de la part des autorités à l'encontre des contestataires. En effet la classe dirigeante irakienne, choquée par l'ampleur de la mobilisation avait tout d'abord opté, pour étouffer le mouvement de la contestation qui agite l'Irak, pour une politique de promesses (100.000 emplois) puis à une contre-révolution en brandissant le complotisme américano-saoudo-sioniste et le conspirationnisme de l'ancien régime baasiste. Après avoir épuisé ces recours et dans l'impossibilité de satisfaire les revendications populaires pour se maintenir en place, elle n'a eu d'autres choix que de réprimer violemment et dans le sang la contestation. L'Irak en est devenu du coup un Etat-voyou avec des zones de non-droit que le régime tente de gérer sans le contrôler vraiment. C'est une répression qui se fait sous l'indifférence générale et internationale et qui plus est, est payante à plus d'un titre. La classe dirigeante qui vacillait depuis le début de la mobilisation s'en, maintient du coup au risque d'en profiler une guerre interconfessionnelle chiite. La prêche du grand ayatollah Ali Sistani de ce vendredi lors de la prière hebdomadaire de la mi-journée pourrait attiser ou pas, un peu plus la situation. En effet, l'homme religieux est populaire, mais il souffle le chaud et le froid en ne condamnant pas vraiment l'autorité régnante et en soutenant les revendications.