Pour la quatrième fois depuis février, un navire de guerre américain a été impliqué dans une collision dans une région sous haute tension. Au total, dix-sept marins ont perdu la vie. Le ministre de la Défense exige une «enquête approfondie». L'US Navy, la marine américaine, a annoncé lundi qu'elle suspendait toutes ses opérations à travers le monde après la collision d'un de ses navires, la deuxième en un peu plus de deux mois, avec 17 morts à la clef, et la quatrième depuis février. Le ministre de la Défense Jim Mattis a promis une «enquête approfondie» du Pentagone «sur tous les accidents», afin d'«examiner tous les facteurs», pas uniquement les facteurs «immédiats». Le chef des opérations navales de l'US Navy, l'amiral John Richardson, a précisé que ces derniers incluaient la cybersécurité. Pendant ce temps, les recherches pour retrouver les dix marins américains portés disparus au large de Singapour se poursuivent. Une importante opération de secours mobilisant des vaisseaux et des avions de trois pays (Singapour, Malaisie et Etats-Unis) a été lancée. Leur navire, le destroyer lance-missiles USS John S. McCain, est entré en collision lundi à 05h24 (21h24 dimanche en temps universel) avec un pétrolier battant pavillon du Liberia dans le détroit de Singapour, près du détroit de Malacca. Le USS John S. McCain faisait route vers le port de la cité-Etat pour une halte de routine. Cinq autres marins ont été légèrement blessés, dont quatre ont été héliportés vers un hôpital singapourien, selon la marine américaine. L'USS John S. McCain a lui gagné Singapour sous escorte dans l'après-midi. Sa coque présentait une large brèche par laquelle l'eau s'est engouffrée. «Des dégâts significatifs à la coque ont provoqué l'inondation des compartiments voisins, y compris des couchages, la salle des machines et la salle de radio», a déclaré la marine américaine dans un communiqué. Les efforts de l'équipage ont toutefois permis «d'arrêter l'inondation». En face, le navire marchand Alnic MC n'a lui, selon l'autorité maritime de Singapour, subi que quelques dégâts mais ne déplore aucun blessé. «Pause opérationnelle» Le 17 juin dernier, déjà, sept marins avaient péri dans un accident entre le destroyer USS Fitzgerald et un porte-conteneurs battant pavillon philippin, au large de la ville japonaise de Yokosuka, où transitent de nombreux porte-conteneurs qui se rendent dans les ports de Tokyo et Yokohama. Le 1er février, le navire de guerre USS Antietam s'était échoué dans la baie de Tokyo. L'incident n'avait pas fait de blessés, mais le bateau avait perdu suffisamment de pétrole pour alerter les organisations environnementales locales. Puis le 10 mai, ce fut au tour du l'USS Lake Champlain de rentrer en collision avec un bateau de pêche coréen alors qu'il participait à des opérations dans les eaux internationales au large de la péninsule coréenne. Là encore toutefois, pas de victimes et des dégâts mineurs. «Cette tendance exige une action plus vigoureuse. Pour ce faire, j'ai demandé une pause opérationnelle de toutes nos flottes dans le monde entier», a annoncé lundi le chef des opérations de la marine américaine. Sans fournir davantage de précisions sur cette suspension, l'amiral John Richardson a dit, dans un message vidéo, avoir demandé aux commandants de prendre «toutes les mesures appropriées et immédiates pour s'assurer que les opérations à travers le monde soient sûres et efficaces». Surmenage D'après Ridzwan Rahmat, expert chez Janes by IHS Markit, ce nouvel accident soulève des questions sur une éventuelle surexploitation des ressources de la marine américaine en Asie, sur «un surmenage des équipages, une trop grande accélération des opérations». «Est-ce qu'ils en font trop dans la région avec la Corée du Nord, le Japon et la mer de Chine méridionale?», interroge l'expert, qui se demande également, au vu des premiers éléments, si le USS John S. McCain a respecté les règles régissant le trafic maritime dans le détroit de Singapour. La bâtiment de guerre américain venait de mener «une opération» de promotion pour la «liberté de navigation» en mer de Chine méridionale, à la grande fureur de Pékin, qui revendique la quasi totalité de cette région stratégique. «C'est regrettable», a déclaré le président américain, Donald Trump, dans une première réaction devant des journalistes. «Pensées et prières pour nos marins de l'US Navy à bord du John S. McCain où des efforts de sauvetage sont en cours», a-t-il ensuite tweeté. Le destroyer doit son nom au père et au grand-père du sénateur américain John McCain, tous deux amiraux dans la marine américaine. Le ténor républicain, président de la commission de la Défense du Sénat, a réclamé la «transparence totale» de la part de l'US Navy, et que les responsables «répondent de leurs actes». «Je suis d'accord avec l'amiral Richardson, une action plus vigoureuse est urgente pour identifier et corriger les causes des récentes collisions. Nos marins qui risquent leur vie chaque jour, au combat ou en entraînement, ne méritent pas moins», a-t-il affirmé dans un communiqué.