«Vote gris», méthode du «deuxième bulletin», «voter après 17h», donner son vote à un étranger : des électeurs qui s'apprêtent à voter pour Emmanuel Macron afin de contrer le FN dimanche ont mis au point des méthodes pour montrer leur mécontentement et faire pression sur le candidat d'En marche !. Si les sondages prédisent une forte abstention ce dimanche, la majorité des électeurs semble se préparer à déposer un bulletin Macron dans l'urne, soit par adhésion, soit pour faire barrage au FN. Selon un sondage Ifop-Fiducial diffusé jeudi, le candidat d'En marche! recueille 61% d'intentions de vote, après avoir gagné 24% des voix le 23 avril. Mais certains électeurs iront voter à contre-cœur et vont user de tactiques pour faire savoir que ce vote est loin d'être un bulletin d'adhésion. Inventaire. * La stratégie du «vote gris» Plutôt que l'abstention ou le vote blanc, l'écrivain Dalibor Frioux a invité les électeurs de Hamon, Mélenchon, Poutou et Artaud à «voter gris». L'idée: prêter son vote jusqu'aux législatives. «Nous prêterons notre vote à votre candidature pour faire barrage au Front national et sauver la République», explique l'écrivain dans une tribune publiée récemment dans les colonnes de Libération. Ensuite, «nous le reprendrons aussitôt, afin de vous imposer une cohabitation avec une gauche rassemblée, qui vous initiera à la politique française et aux difficultés de la vie», poursuit-il, en évoquant les législatives de juin. Et de prévenir: «Nous signons dès maintenant cette déclaration en ligne pour que le soir de la défaite de Marine Le Pen, le financier que vous êtes puisse évaluer lucidement son passif et ne se croit ni président de tous les Français ni mandaté pour appliquer son programme. Croyez bien, Monsieur Macron, à l'expression de notre plus sincère opposition». Sa pétition a réuni près de 1400 signatures ce vendredi matin. * Voter après 17h pour montrer qu'on y va à reculons Plus tactiques, certains électeurs proposent de se rendre aux urnes «après 17 heures» dimanche. Le but: voter Macron sans être comptabilisé dans les chiffres de la participation à 12H00 et à 17H00. «En allant voter après 17h, nous pouvons faire en sorte que notre opposition soit entendue et comptabilisée à travers les différents niveaux d'abstention au cours de la journée», peut-on lire sur la pétition «Bloquer Le Pen sans soutenir Macron, c'est possible!». Celle-ci a déjà réuni 51.000 soutiens en ligne. * Donner son droit de vote à un étranger Si cette initiative est un moyen de militer avant tout en faveur du droit de vote des étrangers, elle permet aussi de contourner le dilemme que peut représenter le scrutin de dimanche pour certains. Sur la plateforme Alter-votants, créé en janvier 2017, un collectif met en relation des «personnes déçues du système électoral (ou indécises)» et des étrangers vivant sur le territoire français qui souhaiteraient exprimer leur voix. Pour se faire, il suffit de remplir un formulaire en ligne. De cette façon, Hamze Ghalebi, un réfugié politique iranien, a pu symboliquement voter grâce à Marie au premier tour. Entre 400 et 500 binômes ont été constitués ces dernières semaines, avec plus de 2000 inscrits. «Nous avons une diversité de profils: des abstentionnistes, des indécis ou des déçus de la politique», détaille Robert, l'un des cofondateurs du collectif. «Certains s'inscrivent par militantisme pur en confiant vraiment leur vote à l'autre car ils estiment que la voix d'un étranger a tout autant de poids que la leur. D'autres trouvent l'initiative intéressante, ne seraient pas forcément allés voter mais se disent qu'ils sont prêts à se déplacer pour une telle initiative. D'autres encore ne souhaitent pas spécialement voter pour Macron, sont embêtés de voter blanc et refusent de voter Le Pen et s'inscrivent dans cette démarche». «Toutes ces tactiques ne me surprennent pas», réagit auprès de l'Agence France-Presse Jérémie Moualek, chercheur en sociologie. «Cela me rappelle 2002, quand les électeurs mettaient des gants et des pinces à linge sur le nez» pour aller voter Chirac au second tour. Et de souligner que seule «une minorité d'individus très politisés» adoptent ces stratégies. «Le phénomène augmente», mais la majorité des votants ira voter de façon classique dimanche, prédit-il.