Le ministère de la Santé et la CNDP (Commission Nationale de contrôle de la protection des Données à caractère Personnel) ont signé jeudi dernier une convention de partenariat d'adhésion au programme Tika-Data. L'un des enjeux: protéger les données médicales dans le cadre de la pratique croissante de la télémédecine. Prévue pour une durée de quatre ans, la convention entre le ministère de la Santé et la CNDP, signée jeudi 26 août dernier, « vise à accompagner la mise en conformité du secteur de la santé en matière de protection des données médicales à caractère personnel ». Signée par Pr. Khalid Ait Taleb, ministre de la Santé et Omar Seghrouchni, président de la CNDP, cette convention formalise l'adhésion du ministère de la Santé au programme "Data-Tika" mis en place par la CNDP le 9 juillet 2020 pour la protection des données à caractère personnel, renforçant ainsi la protection des données médicales des citoyens et veillant sur le respect du secret médical, lit-on dans le communiqué de presse officiel joint ci-dessous. « La protection des données de santé (…) requiert une protection renforcée », estiment les signataires. Dans une déclaration à la MAP, Omar Seghrouchni a indiqué qu'il s'agit d'un « travail de longue haleine, de plusieurs mois et années, pour essayer de faire porter la protection des données au niveau de tout le territoire ». Les données de santé représentent une « donnée très intime par rapport au citoyen et qui mérite qu'on lui apporte l'attention la plus grande », a ajouté le président de la CNDP. Le partenariat entre le ministère de la Santé et la CNDP s'articulera autour de trois axes stratégiques: * le renforcement de la conformité à la loi n° 09-08 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel; * la consolidation de l'écosystème du ministère de la Santé et le domaine des recherches biomédicales; * le renforcement des capacités sur des sujets axés autour de la télémédecine, les informations génomiques, les mécanismes de protection de l'information médicale, ainsi que la simplification des processus de conformité (centres d'investigations cliniques, centres de bioéquivalence, sites de recherche…). Respecter la confidentialité des données personnelles, dans le cadre de la télémédecine par exemple, est un enjeu fondamental. Si la digitalisation s'intensifie de manière générale, elle doit s'accompagner d'un système de protection efficace des données personnelles partagées en lignes, notamment médicales. « Est-ce que les plateformes actuelles respectent le secret médical? » « Comment s'assurer que le médecin en téléconsultation dispose d'un logiciel qui respecte le secret médical, comment s'assurer que lorsqu'un citoyen va à la pharmacie, ses données sont protégées et ne sont pas vendues à des banques, des sociétés ou autres structures à l'étranger? Tous ces aspects en matière de protection de données personnelles et sanitaires sont des enjeux de ce partenariat », commente Dr. Tayeb Hamdi qui rappelle que la grande réforme de la santé initiée au Maroc prévoit l'informatisation du système de santé. « Est-ce qu'on a un réseau social qui permet la pratique de la télémédecine? Est-ce que les plateformes actuelles respectent le secret médical? Ces questions seront traitées à travers ce partenariat », abonde le chercheur en politique et systèmes de santé. Si le covid a accéléré la pratique de la la télémédecine au Maroc, elle n'a pas encore été « effectivement mise en place ».
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La télémédecine est sujette à plusieurs mises à jours législatives ces derniers temps. En janvier dernier, le gouvernement a adopté un décret qui vient préciser sa définition et sa pratique. « Il y a de nouvelles lois sur la télémédecine au Maroc donc il était temps que la CNDP accompagne de manière pédagogique les différents ministères, entre autres celui de la Santé, pour mettre en place, vérifier, préparer et revoir les systèmes de partage et stockage de données personnelles des patients, prestataires, consultants… et ce afin de les protéger et d'assurer l'étanchéité de l'information et son échange », poursuit Dr Hamdi. De manière générale, le médecin pense que ce programme « aidera les médecins du privé comme du public, les laboratoires, tous les acteurs du secteur, à échanger, faire une téléconsultation ou un téléconseil en respectant le secret médical mais aussi les données personnelles non médicales telles que la taille, la date de naissance, etc. » Secret médical et pass sanitaire La question du secret médical trouve d'ailleurs une place particulière dans le contexte pandémique. A l'heure où de nombreux pays, notamment européens, instaurent un pass sanitaire à présenter dans différents endroits, certains s'opposent à cette mesure, et invoquent l'atteinte au principe du secret médical. Un argument qui n'est pas valable selon Dr Hamdi. « Le secret médical a des limites. Le pass sanitaire n'est pas né avec le covid. Le fait de montrer la preuve d'une vaccination existe depuis des décennies. En France, on ne peut pas inscrire son enfant à l'école sans être vacciné. Au Maroc, on ne peut pas inscrire son enfant à l'état civil après sa naissance sans qu'il ait reçu le BCG. Ce ne sont pas des violations du secret médical. Le secret médical a ses lois et ses exceptions qui ne sont pas une violation », plaide le spécialiste. « Le respect du secret médical peut parfaitement convenir avec le pass sanitaire. C'est un pass à présenter car il inclut un intérêt public et général. Si on veut attaquer les vaccins, il faut les attaquer directement », et non le principe du pass sanitaire, conclut l'expert. Pour rappel, le programme Data-Tika se décline en trois formules dédiées à différents types de structures: les entreprises, les institutions publiques, et les associations et ONG. Parmi les adhérents, on compte notamment les ministères de la Culture, de la jeunesse et des sports; de la justice; l'OCP, l'UM6P, ainsi que l'Apebi, l'Association Tahadi pour l'Egalité et la Citoyenneté (ATEC).