En 1985, Driss Basri est nommé ministre de l'Information en plus de ses fonctions de ministre de l'Intérieur. Tout au long de la période où il a occupé ce poste, Basri avait fait main basse sur les médias. Dans le 5e tome de ses mémoires « Ayame Zamane », Mohamed Seddik Maâninou cite plusieurs anecdotes datant de cette période. Florilège. Journaliste, traducteur, ancien directeur de la SNRT et secrétaire général du ministère de l'Information (ancien ministère de la Communication), Mohamed Seddik Maâninou a occupé d'importants postes liés au monde des médias. Dans ce 5e tome de ses mémoires -à travers lesquels il raconte des événements marquants de l'histoire du Maroc sous l'ère de Hassan II- Maâninou a consacré une centaine de pages au « serviteur du roi » dont il a été le plus proche collaborateur pendant les années 80/90. Même s'il décrit l'époque où Basri tirait les ficelles des médias comme une période où les journalistes étaient incontestablement contrôlés, Maâninou ne manque pas de citer tous les acquis pour la profession grâce à Basri (prise en charge par l'Etat de nombreuses dépenses des journalistes, cartes de presses… ). Zoom sur quelques passages anecdotiques du livre. Le contrôle de Basri se sent dès le premier jour… Maâninou raconte qu'au lendemain de la nomination de Basri, ce dernier l'a appelé pour lui dire que la télévision a couvert « deux de ses activités ». « Il m'a dit qu'il allait envoyer l'un de ses assistants à la télé pour la contrôler, il m'a demandé d'en informer le directeur général de la RTM. Je lui ai alors proposé de diffuser des extraits d'une seule activité par jours. Mais il m'a interrompu « C'est votre télé, faites-en ce qu'il vous plaît », a-t-il dit mettant fin à la conversation. L'intérieur se faufile à la RTM Après quelques mois, Basri a chargé un de ses collaborateurs de contrôler le journal télévisé et les émissions nationales … Basri finit par recruter l'un de ses proches, Hassan Rachidi, au poste de contrôleur général du journal télévisé et des émissions. « Rachidi a partagé le bureau du directeur général de la RTM, la RTM avait alors deux directeurs, un véritable directeur, venant du ministère de l'Intérieur, et un directeur « pour la forme » recruté le premier jour par Dahir … Voilà comment l'Intérieur s'est faufilé à la RTM » Basri, meilleur ennemi des médias Basri a commencé, petit à petit, à se lier d'amitié aux journalistes voulant ainsi éviter les confrontations et les critiques le concernant ou concernant ceux qui travaillent avec lui à l'Intérieur. « Al Alam, Al Ittihad Al Ichtiraki, Anoual, l'Opinion, Libération et le Matin du Sahara étaient parmi les premiers journaux qu'il lisait avant de dormir… Et chaque fois qu'il y trouvait une information concernant l'Intérieur, il appelait tout de suite l'un de ses collaborateurs pour intervenir et préparer un communiqué, un démenti ou fournir des informations différentes … À plusieurs reprises, il appelait les responsables de certains journaux et les réprimandait pour une information. Mais en même temps, il encourageait et exprimait sa volonté de les soutenir… » Comment Basri espionnait les journalistes Dans le 5e tome de ses mémoires, Maâninou se rappelle comment Bassri montrait, sans scrupule aux journalistes qu'il les espionnait. « Je me rappelle qu'une fois, je m'étais rendu à la maison du ministre à 7h du matin en compagnie du plus célèbre journaliste de Jeune afrique. Basri fait des compliments au journaliste puis ouvre un dossier et se met à le lire. Le journaliste et moi avons jeté un coup d'œil sur le dossier. Et à notre surprise, nous nous sommes rendu compte qu'il était en train de lire la retranscription d'un échange entre le journaliste et l'un de ses collègues marocains… Les services de renseignements espionnaient donc le journaliste… Je me suis demandé si c'était une manière pour Basri de dire au journaliste 'Je surveille tes moindres faits et gestes ». Basri et les paraboles « Le ministre de l'Intérieur et de l'Information ne savait pas comment réagir devant l'apparition des antennes paraboliques. Il sentait que ces technologies-là le priveraient du monopole de l'information dont jouissait l'état et que cela permettrait aux chaînes étrangères de se faufiler aux maisons marocaines et d'influencer l'opinion publique. Le ministre a alors déclaré que ces paraboles étaient une menace pour » la stabilité du Maroc » et a interdit leur importation. Il s'est toutefois procuré une énorme parabole qu'il a placée dans son jardin … Le ministre est ensuite allé jusqu'à proposer une loi imposant une taxe à toute personne en important, une loi à laquelle s'est opposé le Conseil constitutionnel et qui a finalement été rejetée »