L'alcool est la 3e drogue la plus consommée au Maroc, selon une étude de Observatoire national des drogues et des addictions (ONDA). Ainsi, les importations de boissons alcoolisées au Maroc ne cessent d'augmenter. Jeune célibataire vivant à Casablanca, il m'arrive souvent de me rendre, le soir à la descente du travail, au supermarché de mon quartier pour m'acheter de quoi faire le dîner ou pour faire des provisions. Et presque à chaque fois, j'assiste à une scène à laquelle je me suis plus ou moins habitué, mais qui continue de m'étonner. Certains clients, en grande majorité des hommes, vont, viennent, s'affairent dans le rayon des boissons alcoolisées. Et ils sont curieusement plus nombreux que les autres clients. A la sortie également, j'aperçois quelques individus qui ont déjà démarré les hostilités. Arrivé à leur niveau, je ne peux m'empêcher de sentir l'odeur de l'alcool. Des consommateurs gâtés Des scènes similaires existent partout à travers le Maroc, et cela va s'accentuer avec les fêtes de fin d'année. Il faut dire qu'au Maroc, les consommateurs de boissons alcoolisées sont gâtés. En effet, les importations du royaume en boissons alcoolisées ont augmenté au cours des cinq premiers mois de l'année 2017 par rapport à l'année précédente, a révélé en mai dernier l'Office des changes. 5.151 tonnes de «bières, vins, vermouths, et autres boissons spiritueuses» ont ainsi été importés pour une valeur de plus de 239 millions de dirhams. La consommation d'alcool des Marocains a également progressé de 7% sur la même période, selon la même source. Dans la même veine, une étude de l'Organisation mondiale de la santé classe cette année le Maroc au 43e rang des plus gros consommateurs d'alcool en Afrique, et le second en Afrique du Nord, derrière la Tunisie. Selon les chiffres de l'organisme international, le royaume affiche un taux de consommation de 0,45 litre d'alcool par habitant par an. Selon l'Observatoire national des drogues et des addictions (ONDA), l'alcool est la 3e drogue la plus consommée au Maroc, derrière le tabac et le cannabis. Dans sa synthèse de la situation des drogues en 2014, l'observatoire a, en effet, fait état de 50.000 à 70.000 Marocains qui «présentent un usage problématique d'alcool»: les alcooliques. Une seconde nature Une personne devient dépendante de l'alcool lorsqu'elle s'y habitue et développe une tolérance. «Il vient ensuite un moment où elle ne boit plus pour ce que lui procure l'alcool, mais parce que cela devient une nécessité. Elle cherche à éviter le manque, qui se manifeste notamment par des suées, des tremblements, des vertiges», explique sur son site web Alcool info service, qui relève de l'agence Santé publique France. Les symptômes de la dépendance à l'alcool peuvent aller jusqu'à la crise d'épilepsie et au delirium tremens qui peuvent être mortels. Si les manifestations de l'addiction à l'alcool se ressemblent d'un individu à l'autre, les causes, elles, varient. «Je suis devenu alcoolique lorsque j'ai commencé ma carrière professionnelle. Je découvrais alors Casablanca, une ville violente et entachée par le pouvoir de l'argent, elle pue l'oppression et l'esclavagisme moderne», confie à H24Info Brahim (nom d'emprunt), originaire d'une grande ville du nord du Maroc. Pour lui, l'alcool était une source de réconfort et d'apaisement après une journée difficile de travail ou une semaine très chargée: «Je retrouvais le libre et l'humain en moi qui disparaissait dans les moments de stress au sein de l'entreprise. Le pacte était signé. Notre interlocuteur est devenu dépendant, buvant de l'alcool même pendant le déjeuner, et en «after» après le travail... jusqu'à 3h du matin. Et ne parlons même pas du week-end. Mais, contrairement à de nombreux «alcoolodépendants», Brahim s'en est sorti. Comment? «Ça a duré un an et demi à deux ans. Il fallait que j'arrête. J'étais tombé très malade, et le médecin m'a recommandé de reprendre le sport, d'essayer de dormir tôt, et de ne pas arrêter définitivement l'alcool, mais d'en baisser le niveau de consommation», explique-t-il non sans avouer que «c'était très difficile, mais j'ai pu m'en sortir finalement après avoir pris un long congé loin de Casablanca». Les voies de la délivrance Malheureusement, toutes les histoires ne finissent pas comme celle de Brahim. De nombreuses personnes mènent constamment une lutte acharnée contre les démons de l'alcoolisme, tandis que d'autres ont rendu les armes, sans oublier ceux qui rechutent. Heureusement, des solutions existent pour combattre l'addiction à l'alcool, car, comme nous l'a confié une responsable d'Alcooliques anonymes Casablanca, «on n'est jamais totalement libéré de la dépendance à l'alcool, on ne peut que la dompter». Il existe ainsi au Maroc plusieurs centres d'addictologie (drogues dures, cannabis, alcool, etc.) où la prise en charge est totalement gratuite. Ces centres sont repartis dans 12 villes Casablanca, Rabat, Tanger, Oujda, Nador, Marrakech, Tétouan, Fès, Meknès, Chefchaouen, Al Hoceima, et à Agadir. Une autre solution existe au Maroc: les réunions des Alcooliques anonymes. Et ce sont très souvent les addictologues qui conseillent à leurs patients de prendre part à ces rencontres», a confié une spécialiste au confrère Tel Quel. Les Alcooliques anonymes sont présents à Casablanca, Rabat, Tiznit et Agadir. En parallèle, l'association Nassim, composée essentiellement d'addictologues, organise des réunions de personnes dépendantes à l'alcool et à d'autres substances drogues dans les centres de l'INDH à Sidi Moumen (Casablanca.) S'ils jouent un rôle déterminant, les traitements et réunions ne sont pas grand-chose sans la volonté du patient, qui entre en jeu même avant le début de l'addiction. Et pour ça, Brahim a le conseil qu'il faut: «Il faut se faire plaisir sans se faire mal».