La chancelière allemande a été réélue dimanche pour un quatrième mandat. Mais sa victoire est assombrie par la percée historique du parti de droite nationaliste AfD à la Chambre des députés et la quête d'une coalition qui s'annonce compliquée. La victoire est aigre. Comme prévu, Angela Merkel a remporté les élections fédérales. Avec environ 32,9 %, la CDU-CSU est arrivée en tête du scrutin, dimanche, devant le SPD crédité, selon les estimations disponibles à 22 heures 30, de 20,6% des voix. La social-démocratie allemande a été balayée en subissant un échec sans précédent depuis 1933. Mais les conservateurs ne sont pas en meilleur état: la CDU a perdu plus de 7 points par rapport à 2013 et la CSU 1,4. Ils s'approchent de leur pire résultat: c'était en 1949 avec 31 %. Angela Merkel et sa grande coalition ont été sanctionnés par les électeurs. Le quatrième mandat de la chancelière, un record qu'elle partage désormais avec Konrad Adenauer et Helmut Kohl, commence entaché du succès de l'AfD, la droite radicale d'Alternative für Deutschland, qui s'installe comme la troisième force du pays avec 13 %. «Nous ne devons pas tourner autour du pot, nous aurions bien sûr préféré un meilleur résultat», a commenté Angela Merkel en reconnaissant une déception. Mais «après douze ans de pouvoir, il était tout sauf évident que nous soyons encore la principale force du Bundestag», explique-t-elle. En présentant sa candidature, plusieurs mois plus tôt, elle avait prévenu: «Cette campagne serait la plus difficile.» Alors dimanche soir, elle s'en tient aux faits: elle a maintenant la charge de trouver une coalition au Bundestag. «Et personne ne peut en former contre nous», insiste-t-elle. Elle s'attarde sur l'AfD, dont la percée vient d'ébranler la démocratie allemande. «Nous sommes face à un nouveau grand défi», admet-elle. C'est la première fois que la droite radicale entre au Bundestag depuis la Seconde Guerre mondiale: «Nous allons analyser les résultats», dit-elle. «Nous voulons regagner ces électeurs en trouvant des solutions à leurs problèmes, en écoutant leurs inquiétudes et en menant une bonne politique», poursuit-elle. Les populistes de l'AfD ont remporté leur pari au-delà de leurs espérances. Pendant des semaines, les intentions de vote en leur faveur avaient stagné aux alentours de 10 %. Avec 13 %, l'Alternative für Deutschland fait une entrée fracassante au Bundestag en agrégeant les courants d'extrême droite traditionnels et les votes protestataires. Deux tiers des électeurs de l'AfD ont voté par colère plus que par conviction, selon un sondage réalisé pour l'ARD. Alice Weidel jubile «Nous allons changer ce pays», a clamé leur leader Alexander Gauland dès l'annonce des estimations. «Nous allons pourchasser Angela Merkel», a-t-il menacé. Sur les plateaux de télévision, l'autre visage de l'AfD, Alice Weidel, jubile. Elle compte prendre la présidence du groupe parlementaire et promet de «contrôler» le gouvernement. Les populistes devraient compter plus 90 élus dans un Bundestag pléthorique aux alentours de 700 députés. Les calculs complexes compte tenu du mode de scrutin à deux voix devaient s'affiner dans la soirée. «C'est une césure dans notre histoire», a prévenu le candidat malheureux Martin Schulz en accusant la politique d'Angela Merkel d'avoir nourri l'AfD. Plus tard dans la soirée, il a poursuivi ses reproches. «Le déni systématique du débat a créé un vide que l'AfD a rempli. Angela Merkel en porte en grande partie la responsabilité», a-t-il lancé l'air noir. Elle a répondu en appelant chacun «à la responsabilité». Rejetée par les électeurs, la grande coalition au pouvoir depuis 2013 aura du mal à être reconduite. Le SPD a d'ores et déjà refusé «de mener des discussions» avec la CDU. «Notre coopération s'est arrêtée dimanche», a déclaré Martin Schulz, catégorique. Le SPD peut cependant encore changer d'avis si la réalité politique l'y contraint. En attendant, Angela Merkel va explorer la seule option qui lui reste: parvenir à réunir derrière elle une «coalition Jamaïque» les libéraux du FDP et les Verts. Les premiers ont réussi leur retour au Bundestag, dont ils avaient été chassés en 2013. Avec 10,6 %, ils ont doublé leur score. Les Verts, avec 8,9 %, ont réussi à capter les électeurs sociaux-démocrates déçus. Ils ont amélioré leur résultat de 2013 (8,44 %). La pression est énorme sur leurs épaules: si jamais les discussions échouaient, et que le SPD ne changeait pas d'avis, de nouvelles élections devraient être convoquées. Angela Merkel a écarté a priori l'idée d'un gouvernement minoritaire: «Nous arriverons à un gouvernement stable». Face à la gravité du moment, chacun s'est montré ouvert dimanche aux discussions.