C'est une perte de 113 sièges qu'a récoltée le PJD, lors des élections générales du 8 septembre, passant de 125 sièges aux législatives de 2016 à seulement 12 à celles de 2021. Il s'agit là du résultat d'un vote-sanction, pointe Abdelhamid Benkhattab, analyste politique et professeur à l'Université Mohammed V de Rabat-Agdal. "Les citoyens n'ont pas hésité à voter pour les opposants du PJD pour le pousser dehors", fait-il savoir. Une régression due à trois facteurs : "Les résultats récoltés par le PJD sont la traduction d'un vote-sanction de la part des citoyens, qui ont exprimé leur mécontentement par rapport à la gestion gouvernementale des 10 dernières années", relève l'expert. Dans un contexte de pandémie où l'importance du rôle de l'Etat et d'une économie sociale ont été soulignés, "la tendance citoyenne a bénéficié aux partis centristes qui ont été élus à un plus grand nombre", ajoute-t-il. "C'est aussi le résultat de l'érosion du parti, qui est miné par les conflits internes depuis un bon moment et qui cultive une dynamique conflictuelle avec la plupart des autres partis, qu'ils soient alliés ou opposants", continue M. Benkhattab. "Il y également le double-discours adopté par la formation dirigeante qui était en charge du gouvernement, et qui, en même temps n'arrêtait pas de le critiquer". Un double-discours qui a miné la crédibilité du parti, selon l'expert qui se demande : "comment peut-on critiquer le gouvernement tout en étant le gouvernement ?". Cela équivaut à avouer l'échec et la non-pertinence de son propre travail.
Le PJD est lui-même arrivé au pouvoir grace au vote-sanction : En 2011, les Marocains votaient dans un contexte de grands tumultes politiques et une forte envie de renouveau, assouvie en premier lieu par la nouvelle Constitution de 2011. "Lors des législatives de 2011, le PJD a surfé sur la vague du printemps arabe. Au Maroc, les citoyens réclamaient du changement et ont poussé l'Istiqlal à la porte, à l'époque au pouvoir depuis 2007, grâce au vote-sanction". affirme M. Benkhattab. "Beaucoup de gens n'ont pas voté pour le PJD en 2011 ou 2016 par sympathisation idéologique ou adhésion, mais juste par envie de renouveau politique. L'erreur qu'a fait le PJD, c'est d'avoir pris ces voix pour acquises", explique l'expert.
Une base électorale pas si intouchable que cela : Il a souvent été dit et répété que la base électorale de sympathisants et d'adhérents du PJD est assez stable pour lui garantir un certain nombre de voix à toutes épreuves. "Le PJD a pris le vote en sa faveur comme un signe d'adhésion ou de sympathisation, hors c'est totalement différent. Une base électorale est souvent instable.", insiste l'expert. Le PJD a d'ailleurs perdu autant en membres et cadre politiques, relève-t-on. "C'est la classe moyenne inférieure qui a voté pour le PJD durant les deux derniers quiquennats, avec une majorité de fonctionnaires et de petits commerçants. Mais c'est justement cette classe moyenne inférieure qui a le plus souffert des politiques gouvernementales ces dernières années". Une désillusion citoyenne qui aura coûté près de 113 sièges au PJD.